Pour les amoureux du cinéma en version expérience augmentée, la nouvelle adresse tendance à Singapour est celle de The Projector ; un cinéma indépendant, unique en son genre dans la Cité Etat, créé par Karen et Sharon Tan. Lieu alternatif, porté par de fortes personnalités, il tranche par son aspect comme par la manière dont le projet s'est construit. Il abritera plusieurs évènements dans le cadre du festival Voilah!2016: la projection de 7 films de la rétrospective 120 ans de cinéma Gaumont et l'exposition Urbanfork.
Situé à l'écart des endroits trendy, même s'il n'est en fait qu'à quelques hectomètres du quartier de Kampong Glam et d'Arab street, le lieu commence par surprendre. Depuis l'extérieur, au nord de Beach road, seul un grand panneau, à la fenêtre de la vieille Golden Mile Tower, permet de localiser le nouveau cinéma. Le lieu, jadis couru, a cessé d'être à la mode depuis un quart de siècle. Dans les années 70, le Golden Theatre avec ses 2500 places, était le plus grand cinéma de Singapour. Conçu à l'ancienne, il comportait un orchestre et des balcons et accueillait un public nombreux, amateur de films en mandarin. C'était avant que l'espace soit réorganisé, dans les années 90, en plusieurs salles de projection présentant des films de Bollywood. Aujourd'hui, The Projector occupe 2 petites salles de cinéma accessibles à partir du 5ème étage. Le reste, deux étages plus bas, vient d'être investi par le Rex cinema qui, au terme, d'une rénovation complète a ouvert une salle de 1000 places réservée aux films en hindi, tamoul et malais.
Voilah!2016 à The Projector
120 ans de Cinéma GAUMONT
16 avril - 14:00: Feu Follet, L Malle, 1963
Exposition URBANFORK, par Bob Lee et Philippe Diversy. Les batiments, icones de Singapour dans les années 60 à 80, rendus à leurs architectes. Du 5 au 31 mai 2016. Projet soutenu par Lepetitjournal.com/singapour. |
Et pourtant le charme opère. Dès que, parvenant à bon port après avoir risqué 100 fois de se perdre, on arrive enfin, au 5ème étage, dans l'entrée du cinéma. Là, ce qui saute aux yeux c'est d'abord le long bar surmonté d'une grande enseigne lumineuse à la manière des cinémas des années 70. On commence par se dire qu'on s'est trompé et que le lieu, encore en travaux, n'a peut-être finalement pas encore ouvert. Et puis on voit que la salle est animée, que des personnes bavardent, cependant que d'autres font la queue pour pénétrer dans l'une ou ou l'autre des salles obscures situées de chaque coté du bar. S'enhardissant on s'approche du guichet pour se renseigner sur les films à l'affiche. Billet en poche, on flâne un peu devant le bar et on ne résiste pas, puisque c'est autorisé, à commander un verre de vin blanc glacé, qu'on emmènera avec soi dans la salle. A l'intérieur, tout est resté d'époque. « Nous n'avons pratiquement pas fait de travaux et avons laissé beaucoup de choses en l'état », explique Sharon Tan, Directrice de The Projector. « Nous avons conservé le mécanisme des sièges et n'avons refait que leur capitonnage. Une manière de démontrer qu'on n'est pas toujours obligé de refaire ou de reconstruire".
D'où vient alors que dans ce lieu vintage, remarquable par sa pente et ses rampes démesurées, assis plutôt inconfortablement et ayant, climatisation oblige, déjà froid, on se sente finalement si bien, comme chez soi ? La réponse est sans doute à rechercher dans la personnalité des conceptrices du projet. La transformation des 2 salles du 5ème étage en un espace de cinéma indépendant est l'?uvre de deux s?urs Sharon et Karen Tan, l'une et l'autre spontanément intéressées par les lieux ou les choses, un peu laissés pour compte, vis à vis desquels il s'agit de faire changer le regard du public.
Dans le cadre de l'activité de conseil (Pocket Projects) qu'elle a créé, Karen Tan avait été notamment la conceptrice de Lorong 24A series, un ensemble de 8 shophouses à Geylang, dont la rénovation, très inspirée, avait été confiée à 8 architectes différents, avant d'être louées et de servir, entre deux occupants, d'espaces d'exposition éphémères.
Cette fois, c'est par hasard que les deux s?urs sont tombées sur les deux salles du haut du Golden Theatre. Un architecte, dont le bureau est situé en dessous, leur avait indiqué que le propriétaire cherchait un nouveau locataire. « Nous avons visité le lieu en Septembre 2014 et l'avons ouvert en novembre » se rappelle Sharon Tan. « Cela a été une vraie course de vitesse. Nous étions engagés avec le SGIFF (Singapore International Film Festival) pour la projection de films du festival en décembre alors même que nous n'avions pas encore signé le bail de location du cinéma avec le propriétaire. Nous avons lancé une opération de crowdfunding, d'octobre à décembre 2014, qui a permis de lever 54000 S$. L'opération n'était pas seulement financière. Elle a contribué à générer beaucoup de support ».
De fait, le projet de ce cinéma indépendant est d'abord social. « Le lieu est vraiment cool », souligne Sharon Tan. « C'est un lieu alternatif pour apprendre sur des sujets à partir des films. Notre ambition est d'élargir l'esprit des gens et d'offrir un meilleur environnement pour voir des films...".
(lire la suite dans le magazine Singapour n°6)
Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) jeudi 7 avril 2016
Dans le numéro 6 du magazine Singapour: un dossier sur l'Education (Le prix de l'excellence) - Lire en ligne sur Issuu/ Liste des points de distribution du magazine à Singapour