En tant qu’entrepreneur en Chine et passionné de vin et de patrimoine culturel français, le sujet du rachat de vignobles bordelais par de riches investisseurs chinois m’a toujours interpellé. C’est avant tout parce que la fascination des Chinois pour les vins français, et en particulier de Bordeaux, m’a toujours émue.
Mais le phénomène inquiète plus les Français qu’il ne les flatte. Faut-il se réjouir de ces investissements qui permettent de sauvegarder et entretenir des domaines en difficulté ou au contraire faut-il s’inquiéter de la « chinisation » du terroir bordelais au détriment de son identité ?
Avant d’étudier la question, rappelons qu’aujourd’hui en France, 166 vignobles sont la propriété d’investisseurs chinois, dont 154 châteaux de Bordeaux. Quels sont ces châteaux et qui les achètent ? Je vous propose aujourd’hui une sélection de six exemples connus du fait du profil des acheteurs, qu’ils soient des célébrités ou des grands groupes chinois.
Zhao Wei
En 2011, l’actrice chinoise Zhao Wei a déboursé près de 4 millions d’euros pour acquérir le Château Monlot, domaine de 8.5 hectares inscrit dans la prestigieuse AOC Saint-Emilion Grand Cru. Pour maintenir ce niveau de qualité, voire possiblement l’améliorer, Zhao Wei s’est entourée d’une équipe performante dont Hubert de Bouard, copropriétaire du Château Angélus, en tant que consultant principal. Zhao Wei ne s’arrête pas là : elle rachète en 2013 le Château La Vue en AOC Saint-Emilion, acquiert en 2015 le Château Senailhac en AOC Entre-Deux-Mers et finalement en 2019 devient propriétaire du Château La Croix de Roche, en AOC Fronsac et Bordeaux Supérieur.
Jack Ma
Jack Ma, connu de tous pour ses prouesses dans le domaine du e-commerce et fondateur du groupe Alibaba, s’est aussi fait remarqué pour ses investissements à Bordeaux. En 2016, il rachète le Château de Sours en AOC Entre-Deux-Mers, domaine qui produit du vin depuis le XIVème siècle. Quelques temps après, ce sont les châteaux Perenne et Guerry qui passent sous l’étendard Jack Ma, situés respectivement en Côtes de Blaye et Côtes de Bourg, sous-régions historiques situées dans la partie nord-est du vignoble bordelais.
Peter Kwok
Le milliardaire hongkongais Peter Kwok est connu pour avoir été l’un des premiers investisseurs asiatiques à devenir propriétaire d’un domaine à Bordeaux. Sa première acquisition remonte à 1997 avec le Château Haut-Brisson à Saint-Emilion. Aujourd’hui, l’homme d’affaires détient huit propriétés dans la région Saint-Emilion – Pomerol, qui forment le groupe Vignobles K. Sa dernière acquisition s’est finalisée fin 2017 avec le Château Bellefont-Belcier, grand cru classé de Saint-Emilion. En 2012, ce domaine fut le premier grand cru classé acquis par un Chinois (M. Wang) dans le Bordelais. Après avoir été revendu à un Chypriote en 2015, le domaine redevient chinois avec son rachat par Peter Kwok, estimé entre 19 et 26 millions d’euros.
Huiyuan
Ironiquement, le spécialiste du jus de fruit chinois Huiyuan (汇源集团) a décidé en 2012 d’étendre ses activités jusqu’au raisin fermenté de Bordeaux. Dans la plus grande discrétion, c’est au moins six domaines qui ont été rachetés par le groupe en l’espace de trois ans, en AOC Bordeaux, Bordeaux Supérieur, Côtes de Bordeaux, Graves, Pomerol et Saint-Emilion. Le choix de ces AOC démontre que le spécialiste du jus de fruit souhaite offrir une large gamme de prix aux consommateurs chinois, de 100 RMB à 3.000 RMB par bouteille. Le groupe avait alors indiqué en 2016 que ces acquisitions permettraient à Huiyuan de produire trois millions de bouteilles par an, dont deux millions seraient exportés en Chine.
Jiuxian
En 2018, le géant chinois de la vente d’alcool en ligne Jiuxian (酒仙网) annonce l’achat du Château Madran en AOC Bordeaux Supérieur. Le faire monter en gamme semblait alors être l’une des priorités de Jiuxian car depuis l’acquisition du domaine, c’est Michel Roland, célèbre œnologue bordelais, qui conseille le groupe. Les vendanges sont dès lors faites entièrement à la main et les vins sont vinifiés dans des fûts de chêne neufs. Hao Hongfeng, PDG de Jiuxian, avait alors promis qu’il suffirait de dix ans pour faire du Château Madran un domaine de la même renommée que celle du Château Lafite, référence incontournable pour de très nombreux Chinois.
Maotai
Depuis 2013, le Château Loudenne situé sur la rive gauche de Bordeaux, dans le Médoc, est la propriété de Maotai (茅台集团), le producteur le plus réputé de baijiu, liqueur de prédilection en Chine. Sur les 57 hectares de vignes du domaine, 49.5 sont classées en Cru bourgeois et le reste en Bordeaux blanc. Maotai avait également annoncé la construction d’un hôtel de luxe sur le domaine afin d’accueillir les touristes chinois de passage à Bordeaux. Aujourd’hui, la moitié de la production du domaine est exportée en Chine.
Ces quelques exemples permettent de dresser un premier constat : la grande majorité des domaines rachetés sont issus d’appellation d’entrée de gamme (citons par exemple les AOC Bordeaux, Bordeaux Supérieur ou Entre-Deux-Mers) et produisent des crus à destination du grand public en Chine, vendus pour la plupart entre 100 et 150 RMB par bouteille. Les domaines les plus prestigieux semblent alors rester aux mains de familles, investisseurs ou groupes français, mais comme vous l’avez remarqué, il peut aussi arriver à un Grand cru classé de Saint-Emilion (Château Bellefont-Belcier) de passer sous étendard chinois.
La question à se poser est la suivante : doit-on s’inquiéter de ces acquisitions étrangères ? Ma réponse est modérée, car au vu des profils des acheteurs, la plupart ont à coeur de préserver la qualité des vins, voire de l’améliorer, en rénovant les chais ou en s’entourant d’équipes locales. Concernant la question de la perte d’identité du terroir bordelais, c’est un débat légitime, lorsque l’on voit par exemple certains domaines historiques changer de nom pour évoquer l’imaginaire chinois.
Une chose est sûre, c’est que les vins de Bordeaux continuent d’attiser les passions en Chine, pour le grand bonheur des producteurs locaux (la région exporte 65 millions de bouteilles par an vers la Chine). Aimer l’autre sans en perdre son identité, voilà sûrement un défi actuel pour le bordelais.
Achat vin : comment trouver ces vins prestigieux à acheter ?
Même si on se parle de vin chinois, cela ne veut pas dire que c'est un mauvais vin ! En effet, les chinois travaillent avec une certaine rigueur, et il est tout à fait possible que les vins issus de ces domaines pourraient être assez délicieux... Comme vous allez le voir, avec notamment des bouteilles de vins disponibles chez certains cavistes, il y a des opportunités qui ne se refusent pas !
En effet, en vous rendant sur ce site d'achat de vin prestigieux, il se pourrait bien que vous ayez l'occasion de déguster de très bonnes bouteilles de vin bordelais qui ont été récemment achetés par des chinois. Si vous voulez même surprendre vos amis ou même de grands amateurs de vins bordelais, n'hésitez surtout pas à les surprendre en leur faisant goûter ce vin ! Il se pourrait bien que, par la suite, ils ne jurent plus que par le vin bordelais, même si les domaines ont été rachetés par les chinois. Avec des stocks qui se raréfient avec le temps, certaines bouteilles pourraient même prendre de la valeur... Et vous, quand allez-vous en profiter pour acheter une bouteille de vin de Bordeaux d'un domaine repris par les chinois ?
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Matthieu Ventelon
Fondateur d’Hedonia, institut de formation en œnologie et en étiquette française
Hedonia, première institution en Chine à offrir des formations professionnelles en œnologie et en savoir-vivre, promeut l’art de vivre à la française. Dégustation et service du vin, découverte des vignobles de France et du monde, arts de la table, courtoisie et protocole d’affaires sont autant de thèmes qui composent notre catalogue. Nos formations sont à destination de particuliers ainsi que d’entreprises partout en Chine.
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