Echange avec Christian Hecq, sociétaire de la Comédie-Française, et Valérie Lesort, plasticienne, pour leur adaptation visuelle et poétique de 20 000 lieues sous les mers à l'occasion de leur passage à Shanghai. Un voyage au cœur de l’imaginaire où les marionnettes donnent vie à l’univers marin de Jules Verne. En tournée en Chine depuis le mois d'avril, après Shenzhen, Shanghai, Nantong, Nanjing et Chengdu, 20 000 lieues sous les mers sera présenté à Pékin du 11 au 13 juillet et du 18 au 20 juillet 2025.


Le plaisir de travailler ensemble
Christian Hecq, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer comment s’est formé votre duo ?
Nous nous sommes rencontrés pour la première fois en 2005, sur un spectacle parisien où j’étais acteur et Valérie accessoiriste. Nous sommes devenus un couple avant de comprendre que nous pouvions aussi travailler ensemble. En 2013, nous nous sommes mariés et nous avons commencé à collaborer sur des projets artistiques.
J’ai découvert la marionnette en 2007, avant d’entrer à la Comédie-Française, avec le marionnettiste Philippe Genty. Valérie, quant à elle, avait déjà travaillé dans cet univers, mais du côté de la fabrication, en tant que plasticienne. Notre premier projet commun fut un programme court pour la télévision, avec une marionnette “hybride”, l'araignée-Nemo dans 20.000 lieues, qui est moitié comédien, moitié marionnette. C’est à ce moment-là que nous avons eu envie de poursuivre cette aventure à deux.
L’univers marin et l’esthétique de la marionnette
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter 20.000 lieues sous les mers de Jules Verne sous forme de spectacle de marionnettes ?
C’est Valérie qui a eu cette idée. L’univers marin offrait une occasion unique de mêler acteurs et marionnettes. Nous avons proposé ce projet à la Comédie-Française. Eric Ruf, le directeur à l’époque, a accepté à une condition : que les comédiens eux-mêmes manipulent les créatures, sans l’intervention de marionnettistes professionnels.
Cela signifiait former nos collègues à la manipulation. Nous avons donc écrit l’adaptation en intégrant cette contrainte : il fallait toujours qu’il y ait des comédiens “off” pour faire vivre les fonds marins à travers le hublot du sous-marin. C’est devenu l’une des forces du spectacle.
La lumière est le grand défi de ce spectacle
Valérie Lesort, le spectacle mêle technologie, poésie visuelle et manipulation : comment trouvez-vous l’équilibre entre la magie du théâtre et la prouesse technique ?
C’est un vrai défi. La lumière est l’élément-clé : elle doit rendre les manipulateurs invisibles, ce qui exige des réglages d’une grande précision. Un autre point complexe, ce sont les changements de costumes très rapides. Les comédiens doivent passer d’un rôle d’interprète à celui de marionnettiste, avec des combinaisons en velours noir pour disparaître dans l’obscurité. C’est ce ballet entre ombre et lumière, entre interprétation et manipulation, qui crée la magie.
Un spectacle où l’adulte retrouve ses rêves d’enfant
Le spectacle s’adresse-t-il à tous les publics, ou avez-vous pensé à un public spécifique lors de la création ?
Nous avons conçu 20.000 lieues comme un spectacle tout public. Pas uniquement pour les enfants. L’idée est que chacun, quel que soit son âge, puisse y retrouver un émerveillement. L’adulte se reconnecte à ses rêves d’enfant, tandis que les plus jeunes sont happés par la clarté du récit et la richesse visuelle. C’est un spectacle sans références trop complexes, compréhensible de tous.
Des comédiens invisibles et indispensables
Christian Hecq, y a-t-il eu des défis particuliers dans la création de ce spectacle ?
Oui, plusieurs. Outre les questions de lumière et de manipulation déjà évoquées, l’un des grands défis était d’assurer une fluidité entre les scènes. Les acteurs devaient rapidement se transformer, disparaître, réapparaître. Cela exige une coordination millimétrée, presque chorégraphique. Mais ce sont ces contraintes qui ont renforcé la cohésion de l’équipe et donné naissance à une mise en scène unique.
Quelle place occupe la marionnette dans votre travail global ? Est-ce un médium que vous envisagez d’explorer encore longtemps ?
La marionnette occupe une place variable dans notre travail. Parfois, elle est au centre du dispositif. Parfois, elle disparaît complètement. Mais même quand elle est absente, nous veillons toujours à créer des effets visuels forts. Nous aimons jouer avec l’illusion, avec ce que le spectateur voit ou croit voir. Tant que cela continue à nous inspirer, nous continuerons à explorer ce langage.
Jules Verne traverse les frontières
Valérie Lesort, comment percevez-vous l’accueil du théâtre visuel français à l’international, et notamment en Asie ?
L’art de la marionnette est universel. Il traverse facilement les cultures et les continents. En Asie, Jules Verne est une figure connue, respectée. Cela a sans doute facilité l’accueil de 20.000 lieues ici en Chine. Mais plus généralement, nous sentons un vrai intérêt pour le théâtre visuel, pour ce mélange de poésie et de technique. C’est une langue internationale.
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