Vue de Pudong : une promenade le long de l’autre Bund

Si pour beaucoup Pudong évoque des territoires lointains et obscurs, dont l’évocation du seul nom génère écarquillements d’yeux et autres grimaces expressives et désabusées, cette terre d’exil n’en n’est pas moins exotique… et agréable (à sa façon). Je le sais car… j’y habite. Stupeur et tremblement. Enfin, pas dans le fin fond de cette contrée méconnue, juste à la frontière : j’ai franchi la rivière, mais suis tout de même restée près d’elle…
Lorsque l’on sort de la station de métro Lujiazui, au milieu de ces tours futuristes que l’on a l’habitude (rassurante) d’apercevoir depuis l’autre rive, en général en dégustant un cocktail ou et/au cours d’une balade dominicale, on ne peut être qu’impressionné. La confrontation, grandeur nature, est assez stupéfiante. Bienvenue dans le siècle suivant.
Après avoir embrassé cet environnement vertigineux, on file directement sur la promenade aménagée de la Huangpu, pour (re)trouver des paysages plus "horizontaux", verts (hé oui), et dotés d’une vue inhabituelle… Car s’il y a bien un point de vue, de jour, comme de nuit, pour saisir et détailler ce mythique Bund, c’est ici. Sur la ballade de Lujiazui. Après avoir échappé à la foule qui se presse pour un panorama plus "verticarchitectural", la perspective des berges à perte de vue et à arpenter est… rassérénante. Je la conseille à pieds, histoire de pouvoir profiter pleinement de la vue, mais aussi de la vie qui frétille le long de la rivière, rythmée par les marées et les hommes : joueurs de guitares, pêcheurs en grand nombre – dont on peut admirer les prises -, sportifs d’univers variés qui se côtoient et se croisent… Le tout bordé par quelques cafés et beergardens. Un environnement foisonnant et plutôt sympathique.
Après avoir dépassé le gigantesque et non moins extravagant Yacht Club flottant, puis salué d’un geste joyeux le ferry qui s’éloigne de l’embarcadère qui s’y rattache (salut rendu au centuple), un coup d’œil s’impose vers l’impressionnante Fondation Fosun, côté Puxi, dernier bijou architectural du Bund dont on aperçoit le design époustouflant. Après avoir traversée le port de plaisance et ses arbustes savamment – et drôlement – sculptés, la ballade se poursuit, sur les planches boisées de la berge, ou via les chemins tracés entre arbres et buissons.
Les silhouettes sculptées de quelques pratiquants de Tai Chi, les terrains de basket-ball et autres playgrounds ponctuent joyeusement l’allée, jusqu’au deuxième embarcadère des ferrys. Ensuite, c’est une large esplanade qui se déploie, toujours prise d’assaut par moults pêcheurs à ligne et à épuisette. De monumentaux bateaux y sont amarrés... qui sauront cependant vous mener loin de Shanghai. Le regard s’accroche à tous ces vaisseaux, puis glisse vers ceux qui passent doucement vers la mer… ou remontent dans les terres.
Terrain propice à la rêverie (je vous l’avais dit, Pudong c’est exotique), la rivière et sa berge suivent leur cours et guident distraitement le flâneur jusqu’au nouveau complexe arty de la rive. Bordant l’ancienne usine de charbon de la ville, désormais transformée en centre d’art, de nombreux modules à l’allure brute et contemporaine ont été revisités selon un art de vivre tout aussi actuel. Une boutique de location de vélos-aux-airs-vintages (plutôt branchés que connectés) propose à la vente tout l’équipement pour voyager en deux roues, du sac à dos au carnet de voyage, tandis qu’un drôle de café - un lapin géant est peint sur le mur, servant du café avec son oreille, NDLR - devient un spot parfait face à la rivière, pour se délasser, profiter du soleil et regarder gesticuler les aficionados du cerf-volant.
Celui d’à côté, plus studieux et au look plus bobo – bois et minimalisme sont les maîtres mots du concept - est une option sûre pour les adeptes (intransigeants) du café. A l’étage de ces petits ensembles bétonnés, quelques restaurants sont ouverts et proposent des afternoons teas appétissants. Pour les fidèles du goûter français, il faudra attendre le retour, et choisir, au niveau de l’embarcadère, parmi les tentations crémeuses et sucrées de La Parisienne…
Pour clore la flânerie sur une note culturelle, un petit tour dans le nouveau musée de l’ancienne usine de charbon, dont l’aspect brut préservé rappelle son histoire, est de mise.
Pas pour découvrir les dernières tendances en art contemporain, mais plutôt pour avoir une vue de la pédagogie chinoise en la matière. Il est possible de continuer la ballade jusqu’au Nanpu Bridge et au-delà, avec plusieurs découvertes architecturales garanties.
Pour le retour, on enfourche un vélo partagé, si vous n’avez pas craqué pour le vélo branché, et direction le tout premier embarcadère pour traverser la Huangpu et rejoindre le (vrai) Bund en ferry. Un retour romantique vers la terre promise.
Les tribulations de Caro
Coups de cœur et coups de gueule : Les Carnets de Shanghai vous immergent avec humour dans l’Empire du Milieu. Un blog inspiré de l’actualité en Chine, et de la vie quotidienne de Caroline Boudehen - auteure, reporter et critique d’art expatriée depuis 2016 à Shanghai.