Ce mercredi 5 novembre, Shein a fait son entrée physique en France au 6ème étage du BHV Marais. Un espace de 1000 m² dédié à la mode "tendance et accessible" qui attire les curieux et les fidèles de la marque, mais qui cristallise aussi toutes les critiques autour de la fast-fashion. Une inauguration qui se déroule dans un contexte particulièrement sensible, entre procédure gouvernementale de suspension du site en ligne et mobilisation des opposants.


Une ouverture sous haute protection policière
Dès le matin, l'ambiance était électrique rue de Rivoli. Plusieurs centaines de clients patientaient dans une file d'attente impressionnante de 140 mètres, tandis que des manifestants scandaient « Boycott Shein » et « Honte à ceux qui font la queue ». La tension était palpable, nécessitant un important dispositif policier et la mise en place d'un système de tickets pour réguler l'accès.
Le directeur du BHV, Frédéric Merlin, s'est rendu sur place pour défendre ce partenariat controversé. Hué par certains, il a déclaré aux clients : « Cela fait un mois qu'on se bat parce que tous ceux qui hurlent, ce sont ceux qui en ont rien à faire des gens comme vous ». Sur RTL, il avait plus tôt justifié cette collaboration par l'audience massive de la plateforme : « Shein, c'est 23 millions de clients en France sur 70 millions d'habitants », opposant la popularité du géant chinois aux griefs des responsables politiques.
Le spectre des poupées sexuelles et des armes
L'ouverture intervient en pleine tempête judiciaire. Shein est sous le feu des critiques après la découverte sur sa marketplace de poupées sexuelles à caractère pédopornographique, rapidement suivie de la mise en vente d'armes de catégorie A. En réaction, le gouvernement a engagé une procédure de suspension du site en ligne, le temps « que la plateforme démontre aux pouvoirs publics que l'ensemble de ses contenus soient enfin en conformité avec nos lois ».
L’entreprise s’est empressée de supprimer les articles concernés mis en ligne par des vendeurs tiers mais la colère gouvernementale ne s'est pas fait attendre. Le ministre de l'Économie, Roland Lescure, a qualifié ces faits de "dégueulasse, il n'y a pas d'autres mots", tandis que Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du développement urbain, a déploré sur TF1 une « erreur stratégique » et un « danger » pour le commerce, pointant les pratiques de concurrence déloyale.
Clients conquis malgré des prix surprenants
Malgré les polémiques, l'affluence était au rendez-vous. Les motivations des visiteurs variaient : « curiosité » pour certains, « c'est moins cher » pour d'autres. Mathilde, étudiante, défend son choix : « Un porte-monnaie d'étudiante, ce n'est pas un porte-monnaie d'une personne qui peut se permettre d'acheter du made in France ».
Certains clients ont cependant exprimé leur surprise devant des prix en magasin supérieurs à ceux pratiqués en ligne. Un jean à 40 euros faisait réagir : « C'est n'importe quoi. C'est pas du tout les mêmes prix que sur le site ». Face à ces remarques, Frédéric Merlin maintient que « des QR code figurent sur chaque article et renvoient au site Internet, sur lequel le prix du même article est strictement le même ».
Bad buzz ou excellente communication ?
Alors que Shein prévoit déjà cinq autres implantations en France dès le 18 novembre à Angers, Dijon, Grenoble, Limoges et Reims, l'ouverture parisienne pose une question cruciale. Entre les manifestants dénonçant les pratiques de l’entreprise chinoise, les incidents comme une possible boule puante dans la boutique, et le départ de plusieurs marques françaises du BHV, le lancement physique relève-t-il du bad buzz ou d'une excellente opération de communication ?
La réponse se jouera dans la durée de vie de ce partenariat aussi controversé que médiatisé, alors que la plateforme accumule les contentieux - 191 millions d'euros d'amendes en France - et que la proposition de loi anti fast-fashion pourrait rebattre les cartes. Pour l'heure, Shein réussit son pari : faire parler de lui, pour le meilleur et pour le pire.
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