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Laurent Bàn à Shanghai : "Je joue dans une comédie musicale chinoise"

Interprète de Gelao dans la comédie musicale « The Longest Day in Chang’an », Laurent Bàn est le tout premier français, et plus largement le premier occidental, à jouer dans une comédie musicale chinoise, en jouant et en chantant intégralement en chinois. De passage à Shanghai pour ses représentations, il nous a accordé une interview, se confiant sur son parcours, les difficultés qu’il a rencontrées et ses observations sur les industries chinoises et françaises.

laurent ban gelaolaurent ban gelao
Laurent Bàn dans le rôle de Gelao
Écrit par Noémie Valery
Publié le 25 mars 2025

Je joue en chinois en Chine

Comment avez-vous fait pour apprendre le chinois ?  

Comment j'ai fait ? Eh bien, c'est une bonne question. Comme je suis le premier occidental à travailler dans une production chinoise en chinois, je n’ai pas de référence, de modèle. Au départ, j’ai essayé de faire comme pour l’italien, en ingérant le plus de matériel possible, donc les textes et les chansons. Sauf que le chinois, c'est une langue qui est complètement, complètement différente de la nôtre. C’est pas si facile. En plus, puisqu’il s’agit d’une création, au début les textes et les chansons changeaient tout le temps, donc tout ce que j’apprenais, on me demandait de l’oublier, ou de l’apprendre différemment. Ça a été un enfer pendant un bon mois et demi, j’étais épuisé.

Ensuite, le script s’est bien installé, donc j'ai commencé à pouvoir travailler vraiment en détail. J’ai aussi trouvé mes deux coachs officiels, une pour le jeu et une pour le chant, qui sont super. Le fait d’être le premier à faire ça m’a fait perdre beaucoup d’énergie, mais j’ai finalement réussi à faire ce que je voulais. Et maintenant, je peux enfin profiter des spectacles aussi. C'est beaucoup de travail, c'est à la fois très excitant et très terrifiant aussi, de se dire qu'on va être sur scène, face à un public chinois, dans une équipe chinoise, et qu’on va chanter en chinois. Les gens vont se demander « pourquoi vous avez pris ce gars ? » donc il faut vraiment montrer que tu peux le faire et que tu es performant, pas juste capable de sortir du chinois, mais vraiment jouer un personnage.

 

 

L'opéra chinois c'est avant tout de la musique

 

Comment avez-vous intégré les techniques de l’Opéra Qing Qiang pour votre personnage Gelao ?

Le Qing Qiang Opéra est un opéra traditionnel chinois, qui remonte à plus de 1500 ans. Après, ça reste de la musique. En tant que chanteur, on a tendance à écouter la maquette qu’on nous envoie, puis on essaie d’imiter au maximum tout le temps, avec la même sonorité. Donc, quelque part, on va dire que pour moi, la partie chantée est plus facile que la partie jouée. Une fois qu’on a la mélodie, qu’on a un peu l’intonation, on comprend. C’est aussi parce que l’équipe avec laquelle je travaille est franchement formidable, tous les acteurs sont aux petits soins avec moi, et donc, chaque fois que je demande à quelqu'un : "comment tu prononces le "jhhrrhh" de ce son-là ?" ils essaient de m'aider et de me faire répéter. En plus, c'est très codifié, donc il suffit de vraiment respecter les règles, la prononciation, les phonèmes et la mélodie. Finalement, cette partie-là du spectacle, c'est le moment où je m’exprime, où je peux enfin balancer la voix et me faire plaisir.

 

 

Les comédies musicales françaises ont un vrai succès en Chine

Que pensez-vous de l’évolution des comédies musicales françaises en Chine ?

Avec l'équipe de Notre-Dame de Paris en 2005, on est les premiers à être arrivés en Chine avec un spectacle français. Et je me rappelle d'ailleurs, la première semaine, il n’y avait personne dans le théâtre. Les gens se disaient « mais pourquoi les Français viennent faire de la comédie musicale ? » Normalement c’est en anglais, c’est le West End. Après cette première semaine, on a commencé à passer à la télévision, à chanter « belle » sur les plateaux. Et là, c'est devenu un gros carton. Les gens se sont mis à faire la queue sur des kilomètres pour entrer. C'est devenu un vrai phénomène.

On a fait deux ans de tournées dans toute l’Asie. Après, pour tous les autres spectacles, les gens sont curieux. D’abord, ils adorent la langue. Ensuite, Ils sont curieux de ce style musical parce que c'est très axé sur les chansons qui sont des hits de radio en France. Et il y a aussi un côté récréatif. Le public sait que, pendant deux heures, il peut crier, applaudir, hurler, pleurer. Et puis ça parle d'amour, ça parle de mourir d'amour, de passion etc. Aujourd’hui, à chaque nouveau spectacle, il y a un nouvel engouement. Les gens adorent ça.

 

Les productions chinoises ont une vraie identité

Quelles différences entre les productions chinoises de comédie musicale et les productions françaises? Entre le public français et le public chinois ?

Par rapport à la France qui assume à 1000% son style, disons que la Chine est en train de trouver son identité. Dans les productions françaises, les chansons sont vraiment au cœur du spectacle, et le scénario est un fil conducteur entre les chansons, qui peuvent être exportées hors du spectacle et devenir des tubes radios. En Chine, on fait beaucoup plus attention à l’histoire des personnages, aux détails. Avec un public chinois, tout va être complètement décrypté pour essayer de comprendre ce qu’on a voulu exprimer à tel ou tel moment, alors que les français se laissent plus aller par l’énergie et le rythme des chansons.

Ce que j'aime beaucoup avec les productions chinoises, c'est qu'il y a une identité qui se détache. Par exemple, sur Chang'an, il y a un côté historique qui me plaît beaucoup, avec les costumes, la scénographie incroyable de l'époque, les instruments traditionnels. Je pense que c’est ça aussi, la force de la Chine : une histoire musicale qui est merveilleuse. Ils ont des grands poètes, un sens de l'écriture très particulier, tout est là pour créer une identité qui se détache.

Également chanteur, Laurent Bàn sera en concert à Chongqing, Chengdu, Guangzhou, Wuhan, Nanjing, Xian, Langfang, Shenzhen, Hangzhou et bien sûr Pékin jusqu’à la fin de mois d’avril. Bien qu’aucune date n’ait encore été confirmée, The Longest Day in Chang’an devrait également être de retour très prochainement à Shanghai.

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