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Laurent Le Bon : « Amener le Centre Pompidou à Shanghai »

A l'occasion de l’inauguration de l'exposition « Reinventing Landscape », nous avons rencontré Laurent Le Bon, son président. Il retrace pour nous le parcours d'échange entre le musée parisien et celui du West Bund.

Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou et conservateur de muséeLaurent Le Bon, président du Centre Pompidou et conservateur de musée
Écrit par Noémie Valery
Publié le 1 mai 2025, mis à jour le 2 mai 2025

Une collaboration franco-chinoise

Parlez-nous de « Reinventing Landscape »

Inauguré pour la première fois en 2019, avec la présence du Président Emmanuel Macron et du ministre de la Culture Franck Riester, ce projet rassemblait le prêt d’œuvres des collections du Centre Pompidou, la conception d’expositions exclusives, en résonance avec le contexte culturel chinois. Motivées par le succès de cette collaboration quinquennale, qui a accueilli plus de 2 millions de personnes malgré la pandémie de Covid-19, les deux institutions culturelles ont renouvelé leurs vœux le 24 novembre 2023, afin de développer le partenariat sur une nouvelle période de cinq ans. L’exposition « Reinventing Landscape », conduite par Christian Briend et présentée du 28 avril 2025 au 18 octobre 2027, se concentre sur les thèmes de l’art du paysage et des mutations qu’il a connues au cours des 20e et 21e siècles.

Nous apprenons beaucoup de l'échange avec le West Bund

Dans quel esprit s’inscrit le renouvellement de la collaboration du Centre Pompidou avec le West Bund Museum Center ?

On ne change pas une équipe qui gagne, ou disons plutôt que cette nouvelle collaboration, c’est le changement dans la continuité. Le partenariat des dernières années a été merveilleux, extrêmement constructif, dans une belle ambiance d’échanges. Nous avons beaucoup appris mutuellement et je crois que nos amis du West Bund Center ont pour meilleure preuve de la réussite de ce partenariat souhaité continuer l’aventure, donc on est très heureux.

Dans le titre « reinventing », la magistrale exposition du commissaire Briend donne le ton de l’action à mener dans les années à venir : toujours se réinventer en bénéficiant du meilleur de l’esprit de nos amis chinois. Par exemple à la rentrée, il y aura une très belle exposition autour de la notion de Fluxus, ce mouvement d’avant-garde très important de l’après-guerre.

Ce partenariat, c’est un juste équilibre entre ce qu’on appellerait rapidement des blockbusters et des expositions plus exigeantes. Ce qui me plaît beaucoup aussi, on le voit avec les expositions d’aujourd’hui, c’est les propositions que nos amis chinois apportent dans le programme, comme le montre l’exposition sur la ville et l’architecture de Shanghai qui correspond tout à fait à l’esprit du Centre Pompidou qui, comme vous le savez, est aussi un très grand musée d’architecture.

Le Centre Pompidou est le premier prêteur mondial 

Le musée d’art moderne du Centre Pompidou à Paris a fermé ses portes pour cinq ans de rénovation. Cela a-t-il un impact sur le projet ?

Le Centre Pompidou ne ferme pas, il se métamorphose. Effectivement, un bâtiment à Paris ferme, mais la réalité de notre activité était déjà en dehors de ce bâtiment. Nous sommes le premier prêteur mondial et nous sommes le premier opérateur muséal mondial, bien loin devant le Metropolitan et le Louvre pour les prêts, et bien loin devant le Guggenheim pour les opérations à l’extérieur. Le West Bund avait déjà bénéficié de merveilleux prêts de la collection et nous continuerons dans cette voie.

Pourquoi avoir choisi le West Bund Museum Center comme partenaire ?

C’est comme en amour, on n’a pas toujours les raisons du coup de foudre. On a l’exemple ici du West Bund Museum qui était très intéressé par l’idée de trouver un partenaire culturel, et donc évidemment on a été très heureux de répondre présent. Si on prend l’exemple de monsieur Briend, je crois qu’il est tombé un petit peu amoureux de Shanghai et c’est aussi dans les visites régulières, dans les échanges qui s’inscrivent dans le long terme que les équipes apprennent à mieux se connaître et que tout cela a du sens.

Les musées doivent se réinventer

Shanghai concentrait justement toute l’action possible pour cette extension. Et on le voit quand on vient maintenant, cinq ans plus tard, et qu’on voit le développement sur toute la rive, avec les nouveaux musées, la qualité architecturale, qu’on a bien fait de venir ici. Je crois que des deux côtés du fleuve, on a un des plus beaux rassemblements architecturaux mondiaux, il n’y a pas de débat. Snohetta, Foster, Jean Nouvel, Chipperfield, tout le monde est là. Mais ce qui est encore plus intéressant qu’un alignement de chefs d’œuvres architecturaux, c’est le sens urbain qu’a souhaité la municipalité de Shanghai et qui crée quelque chose d’unique au monde quasiment. La qualité du rapport à la rivière, la magie du mélange des circulations… pour ma part, je n’en vois pas beaucoup d’exemples dans le monde. Donc on est très heureux d’être un modeste acteur dans cette magnifique constellation. 

Quelle est  la mission d’un grand musée aujourd’hui ?

Dans un monde en crise, où tout va très vite, peut-être que le musée trouve encore plus de sens. C’est un lieu où on peut découvrir la liberté de l’artiste, où on peut avoir le sens du temps long, où on peut prendre son temps, où on peut tout simplement réfléchir à la définition de la beauté. Bref, c’est un lieu de débats, d’échanges, de questionnements sur le monde, qui n’est sans doute pas le seul, mais on le voit avec le succès qu’ont les musées dans le monde, ils gardent toute leur force.

Évidemment, on est un petit peu à la croisée des chemins, à l’heure où le monde bascule dans une révolution numérique, le musée va devoir trouver sa place , on le voit bien ici au West Bund Center, entre l’exposition de monsieur Briend et la proposition de David Hockney : ce sont deux faces d’un rapport à la culture, deux faces qui se complètent.

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