Édition Shanghai

Des poupées escort girls en Chine grâce à l'IA ?

Nous l’avons vu ces derniers temps, les domaines d’application de l’Intelligence Artificielle sont nombreux et très variés. En voici un auquel nous n’aurions pas pensé spontanément mais qui suscite un grand engouement aussi bien en Chine que dans d’autres pays …

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Écrit par Anna Riondet
Publié le 23 mars 2025, mis à jour le 24 mars 2025

Selon les dernières données, la population des célibataires chinois a dépassé 240 millions de personnes ce qui a créé une importante demande dans les relations d’un genre pas vraiment traditionnel. Certains jeunes actifs affirment préférer de vivre avec un robot féminin que de devoir payer une dot dans la vraie vie ou encore de devoir supporter des crises de nerfs ou le caractère difficile des vraies compagnes.
Les sociétés chinoises comme WMdoll ou Starpery Technology qui fabriquent des poupées sexuelles exportées dans le monde entier y ont vu une belle opportunité de développement en misant notamment sur des “partenaires” dotées d’intelligence artificielle.

En effet, il ne s’agit plus de vulgaires gadgets réduits uniquement à satisfaire des besoins sexuels des hommes, on parle plutôt d’une véritable compagne de vie capable d’interagir avec son partenaire humain sur du long terme et de satisfaire ses besoins émotionnels.

Comment ça marche?

Dans le but d’accroitre leurs performances, les fabricants ont intégré dans leurs poupées en silicone des modèles d’AI tels que ChatGPT, Deepseek ou Llama. C’est ainsi que WMdoll a produit la série appelée MetaBox. A la différence des anciens modèles capables de cligner des yeux ou changer de position, les “compagnes artificielles” de cette série peuvent interagir avec l'utilisateur. Elles offrent notamment le choix entre pas moins de huit personnalités et tempéraments différents, à sélectionner selon le besoin (ou l’humeur) de l’utilisateur. Grâce aux modèles AI intégrés, les produits MetaBox sont connectés au services cloud grâce auxquels elles peuvent adapter le ton de leur voix ou leur personnalité. Les poupées sont également dotées de mémoire à long terme qui leur permet de mémoriser les échanges avec leur compagnon et de poursuivre une conversation personnalisée sur plusieurs jours. Autrement dit, elles sont capables de mémoriser, analyser et interpréter les données pour répondre de manière cohérente et adaptée.

Une réalité pas si futuriste que ca…

L’idée de relations entre humains et robots n’est pas nouvelle. Il suffit de rappeler le film de science fiction “Her”, sorti en 2013, avec Joaquin Phoenix et la voix de Scarlett Johansson, ou encore Ex Machina, sorti l’année suivante, dans lesquels les protagonistes humains développent des relations d’amour avec des non-humains.
Par ailleurs, les chinois ne sont pas les premiers dans l’histoire à fabriquer les robots “sexuels”. En 2017, le premier robot sexuel féminin appelé Harmony a été fabriqué par une compagnie américaine Realbotix, suivi l’année suivante de son équivalent masculin appelé Henry. Sans surprise, le lancement de ce genre de produit a suscité autant d’intérêt que de controverses.
Depuis 10 ans déjà, certains chercheurs en l’IA comme David Levy, auteur de “Love and Sex with robots”, n’hésitent pas à prédire des relations sexuelles et même des mariages entre humains et robots d’ici 2050

L'innovation qui ne se limite pas au sex toys

Au-delà du marché du sexe, les compagnies fabriquant les poupées visent plus loin notamment dans le domaine de la santé ou de la sécurité. Ainsi, le CEO de Starpery Technology, Evan Lee annonçait déjà en 2020 la feuille de route de la compagnie avec la création de robots capables d’aider les personnes handicapées, de faire le ménage, ou de remplacer des personnes dans les travaux particulièrement dangereux et ceci à l’horizon de 2030. La compagnie prévoie des modèles féminins et masculins pour accommoder tous les goûts. Le motto de la compagnie est: “Servir et protéger les gens”.

“Nous continuons à faire face à des défis technologiques, en particulier en ce qui concerne des interactions réalistes. Les dialogues basiques ne posent pas de problème, par contre créer des réponses interactives implique le développement de modèles complexes par des compagnies spécialisées” - disait Evan Lee en 2024.

Un marché juteux

L’intérêt croissant pour des “compagnons robots” n’a pas échappé aux investisseurs. Les sociétés de production de robots dotés d’intelligence émotionnelle ont vu leurs actions décoller ces dernières semaines. Les analystes estiment que le marché croissant des célibataires (singles market) ou l’”économie de la solitude” sont les facteurs primaires derrière cette tendance.

Les investisseurs voient dans ces robots intelligents une solution pour les sociétés vieillissants non seulement pour ce qui est de surveiller la santé et aider au quotidien des personnes âgées mais aussi pour leur apporter du support émotionnel dont elles ont besoin.

Tout cela a quand même un prix non-négligeable: une poupée AI coûte dans les 1500 dollars, ce à quoi il faut rajouter 100 dollars d’abonnement pour les options d’interaction basée sur l’IA. Certaines sociétés proposent même des solutions d’abonnement à l’image de la téléphonie mobile pour pouvoir jouir de toutes les options à long terme. Ce qui aide aussi à fidéliser les clients.

Les défis du secteur

Le souci première reste bien évidemment le coût, non négligeable. Bien que les compagnies s'efforcent continuellement de baisser leurs coûts pour rendre ces "compagnons" accessibles à plus de personnes.

Ensuite, et il ne faut pas le négliger, il y a l’aspect éthique de l’interaction entre humains et robots. Sans parler du risque du renforcement des stéréotypes négatifs concernant les genres.

Personne ne peut prédire les effets à long terme du manque d’interactions humaines traditionnelles du à la “surconsommation” de l’IA. Saura-t-on encore construire des relations saines entre humains?

Il reste enfin l’aspect légal car, comme c’est le cas dans de nombreux domaines actuellement, le cadre légal ne suit pas nécessairement les avancées techniques de plus en plus rapides. Il faudra s'assurer de ne pas laisser de zones grises concernant notamment la responsabilité des fabricant et des utilisateurs finaux de ces robots.

Dans son rapport intitulé “Research Report on AI Ethics Governance”, l’Académie Chinoise de l’IT mentionnait: “ l’IA qui est capable de prendre des décisions pourrait, dans certaines conditions, constituer un défi  à l’autonomie humaine et à la perception  de soi”.

Pour finir, rappelons que la Chine représente actuellement le plus gros marché mondial des sexbots, devant le Japon, l’Allemagne et les Etats-Unis cumulés. Et grâce à sa nouvelle création, la société WMDoll, basée à Guangdong, s'attend à voir augmenter de ses ventes de 30%.

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