Alors que l'exposition "Cartier : The power of Magic" au musée de Shanghai est un franc succès, revenons sur les liens qu'entretiennent la Chine et la France dans le secteur de la joaillerie
Des liens historiques entre France et Chine
Depuis le XIVe siècle et l'intensification des échanges entre l’Europe et l’Asie, les influences françaises et chinoises ont durablement marqué le domaine de la joaillerie. Dès la dynastie Ming (1368–1644) et sous la dynastie suivante, les Qing (1644–1912), les objets de luxe chinois, notamment les bijoux et pierres précieuses, furent prisés par les élites françaises. Sous le règne de Louis XV, la fascination pour l'art chinois donna naissance à la mode des "chinoiseries". Cette esthétique inspira également la joaillerie, avec des motifs floraux, des dragons et des phénix intégrés dans des créations destinées à la noblesse.
Au XIXe siècle, les missionnaires et commerçants français introduisirent en Chine des techniques de joaillerie européennes, telles que le sertissage des pierres précieuses, qui furent adoptées par les ateliers chinois. Le créateur français Louis Cartier est emblématique de cette double influence. Avec des centaines de créations inspirées par la Chine, Cartier a su mettre à l’honneur les matériaux et l’art chinois. On retrouve dans ses collections dédiées à l’Art déco des matériaux chinois tels que le jade ou le corail, ainsi que des motifs directement inspirés de la culture chinoise. Par exemple, la broche sertie de diamants nommée “Oiseau de Paradis”, actuellement exposée dans l’exposition “Cartier: The Power of Magic” à Shanghai, représente le "Fenghuang", phénix emblématique de la mythologie chinoise. De nombreuses autres pièces utilisent des techniques chinoises de gravure ou de laquage, comme des briquets ou des boîtes à bijoux.
Des partenariats culturels nombreux
Les échanges culturels et commerciaux entre la France et la Chine, centrés sur la joaillerie, jouent un rôle clé dans la diplomatie culturelle entre les deux pays. En 2009, l'exposition "Les trésors chinois de Cartier" présentée à Pékin dévoila environ 350 objets réalisés par les ateliers Cartier, illustrant l'inspiration chinoise dans leurs créations. Entre 2014 et 2017, la maison Cartier et le Musée du Palais impérial collaborèrent pour restaurer des pièces du musée dans les ateliers Cartier. Plus récemment, une exposition Cartier au Musée de Shanghai a attiré de nombreux visiteurs qui ont pu observer les créations Cartier, exposées aux côtés de vestiges chinois.Cette disposition révélaient des influences si évidentes qu’on pouvait parfois croire que certaines pièces dataient des dynasties anciennes. Présentée dans une ambiance sombre et mystique, cette exposition célébrait le 60e anniversaire des relations diplomatiques sino-françaises.Dans le cadre de cet anniversaire, le Comité Colbert, une association française du luxe, a organisé une exposition publique à Shanghai. Parmi les collaborations notables, la maison de joaillerie Boucheron s’est associée à un sculpteur sur bois chinois, alliant le luxe de la haute joaillerie à la beauté organique du bois sculpté. En France, le musée Guimet accueille actuellement une exposition intitulée “L'or des Ming - Fastes et beautés de la Chine impériale (XIVe – XVIIe siècle)”, qui met en lumière l'orfèvrerie chinoise grâce aux prêts du Musée des Beaux-Arts de Qujiang situé à Xi’an.
La collaboration des artistes et des maisons
Les liens entre la joaillerie française et chinoise ne risquent pas de s'effriter dans les années à venir. Le marché chinois, de plus en plus attiré par le savoir-faire français, pousse des maisons comme Van Cleef & Arpels à intensifier leur présence en Chine. Cet été, Van Cleef & Arpels a déclaré vouloir continuer à ouvrir des boutiques et développer ses investissements dans ce pays, qui représente l’un de ses principaux marchés mondiaux. Les jeunes générations chinoises apprécient particulièrement l’originalité et la qualité des créations françaises. Parallèlement, des créateurs chinois émergent en France, où ils choisissent souvent de développer leur carrière. Christine Chen, née à Shanghai mais vivant en France, a lancé sa marque "Serendipity" en 2017. Alliant son héritage chinois au savoir-faire français, elle est très prisée par les maisons de luxe françaises comme Dior et Chanel, pour lesquelles elle a créé des pièces lors de la Fashion Week de Paris. Anna Hu, une artiste américano-taïwanaise, met également à l'honneur des designs d'inspiration chinoise. En 2024, elle a enseigné au musée Guimet à des élèves de la Haute École de Joaillerie, assurant ainsi la relève pour la future génération d’artisans collaborant entre la Chine et la France. Diana Zhang, née dans le nord-est de la Chine, est devenue la première artiste chinoise à exposer à la Biennale des Antiquaires de Paris. Elle y a présenté sa collection “One Year in China”, une série de pièces florales représentant des plantes prisées en Chine, comme le lotus ou l’orchidée.