Bénédicte Epinay est Déléguée Générale/CEO du Comité Colbert, le fameux lobby des métiers du luxe et de l'art de vivre français. Elle était en Chine à l'occasion de l'exposition "Jeux de Mains" à Shanghai, sur le thème du dialogue culturel entre la France et la Chine. Nous en avons profité pour aller à sa rencontre et mieux connaître le travail du Comité en Chine et dans le reste du monde.
Le Comité Colbert rassemble 95 maisons de luxe
Rappelez-nous le rôle du Comité Colbert et votre propre parcours
Le Comité Colbert est l’association officielle représentative du luxe français créée en 1954 par le parfumeur Jean-Jacques Guerlain. Reconnue d’intérêt général, elle rassemble 95 maisons et 18 institutions culturelles unies autour d’une raison d’être : « promouvoir passionnément, développer durablement et transmettre patiemment les savoir-faire et la création française pour insuffler du rêve ». J’en ai pris la Direction en mars 2020 après une carrière de 30 ans dans les médias, notamment au groupe les Echos dont j’étais avant mon arrivée au Comité Colbert Directrice déléguée des Rédactions.
Mon rôle est un rôle d’animation de ce collectif autour des multiples enjeux de notre industrie qu’il s’agisse de la nécessaire préservation des savoir-faire, du rayonnement collectif du luxe et de l’art de vivre français à l’étranger, des problématiques liées au développement durable, aux nouvelles technologies et des thématiques liées à l’environnement législatif et réglementaire français et européens.
Ci dessus : Bénédicte Epinay aux côtés de Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre, Sophie Primas, ministre déléguée au commerce extérieur, Bertrand Lortholary, Ambassadeur de France en Chine, Joan Valadou, Consul Général de France à Shanghai et Qiong Er, curatrice de l'exposition, lundi 4 novembre à Shanghai pour l'inauguration de "Jeux de Mains" @consulat de France à SH
Nous sommes actifs en Chine depuis 2003
Vous présentez une exposition d’une semaine à Shanghai inaugurée par la ministre du commerce Sophie Primas. Pourquoi cette initiative ? Que présentez-vous ?
Sachez d’abord que ce n’est pas notre première exposition en Chine. Nous sommes actifs ici depuis 2003. La dernière fois, c'était en 2022 avec un mini program sur WeChat sous forme de voyage numérique à travers nos 95 Maisons et 18 institutions culturelles, qui a été chaleureusement accueilli avec plus de 146 millions de vues. Nous avons décidé d'organiser cette nouvelle exposition à Shanghai il y a deux ans, lorsque les présidents français et chinois ont eux-mêmes décidé de célébrer le 60ème anniversaire des relations diplomatiques entre nos deux pays en 2024.
La diplomatie culturelle est l'une des principales missions du Comité Colbert depuis sa création. Nous n'attendons pas de retombées économiques particulières de cet événement, qui est culturel et dédié à l'artisanat. Il s'agit d'une conversation entre 17 artisans de nos Maisons et des artisans chinois sélectionnés pour leur savoir-faire par l'artiste chinois Jiang QiongEr. Cependant, cette exposition aidera certainement les consommateurs chinois à mieux comprendre que derrière chaque produit de nos Maisons, quel qu'il soit, il y a des artisans dont le travail donne de la valeur et de la durabilité à ce qu'ils font de leurs mains.
L’organisation de notre exposition, labelisée par l’Ambassade de France dans le cadre également de l’année du tourisme culturel franco-chinois a été saluée par les autorités françaises, à commencer par l’Ambassadeur de France en Chine, Bertrand Lorthorary, le Consul général de Shanghai, Joan Valadou, en effet la ministre déléguée auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger Sophie Primas et jusqu’à Jean-Pierre Raffarin, émissaire de l’Elysée à l’occasion du CIIE. Tous étaient présents pour notre inauguration.
Le luxe représente un excédent de 50 milliards d'euros pour la France
L’art de vivre à la française est un héritage culturel aux parfums du passé. Comment vos membres se renouvellent-ils et entendent rester attractifs ?
Le luxe et l’art de vivre à la française est loin d’avoir le parfum du passé ! Dois-je vous rappeler que cette industrie, par sa capacité à avoir su traverser les siècles jusqu’à nous, est sans aucun doute possible le plus ancien secteur d’avenir. Nos maisons adorent cet oxymore qui dit tout de leur dynamisme au quotidien. Savez-vous que, collectivement, nous représentons – nous avons fait l’addition- 19 500 années de savoir-faire accumulé ? Savez-vous que la moitié de nos maisons sont nées au début du XIXème au moment de la monarchie de Juillet quand Louis-Philippe a encouragé les Français à devenir entrepreneurs ? Savez-vous que ce secteur représente 38% du CAC 40 ? Que cette industrie a enregistré l’an passé un excédent record de près de 50 milliards d’euros à notre balance extérieure dont je n’ai pas besoin de vous rappeler par ailleurs le déficit abyssal. C’était aussi le sens de la présence de Madame Primas, célébrer cette industrie, fleuron de l’économie française. Si nous avons un parfum du passé, il doit aussi avoir des effluves d’avenir.
Le luxe français a encore un bel avenir
Le marché s’est tassé depuis le covid du fait de la baisse du pouvoir d’achat dans le monde. Quels sont les défis et stratégies pour continuer de se développer ?
Ce n’est pas exact. En sortie de covid, le secteur a connu des croissances à deux chiffres partout dans le monde et nous avons même qualifié la séquence, de 2020 à 2023, de revenge buying, une manière de dire que, partout dans le monde, les consommateurs ont décidé de dépenser dans nos maisons ce qu’ils avaient économisé car confinés, pour se faire plaisir. Depuis, nous n’observons pas de tassement du pouvoir d’achat dans le monde entier mais des situations très différentes d’un pays à l’autre et d’un secteur à l’autre (mode, parfums, vins et spiritueux, etc) pour des raisons à chaque fois très différentes. Mais le fil rouge qui lie nos consommateurs à nos produits est loin d’être rompu. Et lorsque je vois la file d’attente au deuxième jour de notre exposition à Shanghai, je me dis au contraire, que l’avenir sonne comme une promesse. Nos défis sont ceux de tous les acteurs économiques : emploi, développement durable, technologie.
Un message aux Français de Chine et du monde attirés par les métiers du luxe à la française ?
Je voudrais d’abord dire mon admiration aux Français de Chine d’avoir traversé ces années difficiles et montré leur attachement à ce pays en restant. Depuis mon premier voyage en Chine au début des années 2000 pour l’inauguration du premier magasin de l’une de nos maisons dans un grand hôtel, j’y observe la transformation rapide de notre industrie et son adaptation à la culture locale pour y rester désirable. Un des présidents d’une maison du Comité Colbert me disait récemment : « le prochain grand marché après la Chine…c’est la Chine ! » Alors rejoignez-nous !