La Chine "s’est levée" sous Mao, "s’est enrichie" sous Deng Xiaoping, et "devient puissante" sous Xi Jinping. Tel est le déroulé historique promu par la "résolution" que viennent d’adopter les 350 membres du Comité Central lors du 6ème Plénum (8 au 11 novembre).
Durant son siècle d’existence, le Parti n’a promulgué que deux documents de ce genre. Le premier remonte à 1945 et était venu renforcer l’autorité de Mao au sein du Parti, quatre ans avant l’avènement au pouvoir des communistes. Le second date de 1981 et a été rédigé sous l’impulsion de Deng Xiaoping. Il avait permis de tourner la page maoïste, en reconnaissant les erreurs du "Grand Timonier".
Pour cette troisième résolution, il ne s’agit pas pour Xi Jinping de critiquer le bilan de ses prédécesseurs, mais plutôt de valoriser ses propres réalisations et inaugurer une nouvelle ère politique : la sienne. C’est ainsi que les années Xi Jinping (de 2012 jusqu’à aujourd’hui) occupent près de la moitié du communiqué officiel (en attendant le texte intégral) ; l’autre moitié étant consacrée aux années Mao (de 1921 à 1976) puis Deng Xiaoping, Jiang Zemin et Hu Jintao (de 1976 à 2012)…
L’un des passages clés du communiqué avance que la « pensée de Xi Jinping » incarnerait "la quintessence de la culture et de l’âme chinoise". En faisant preuve d’un "courage énorme" et d’un "fort sens des responsabilités", le leader aurait réussi à "surmonter des problèmes que ses prédécesseurs n’ont pas pu résoudre" et aurait su "transformer des crises en opportunités" sur le plan international.
Grâce à lui, la gouvernance "laxiste" qui menaçait la suprématie du Parti, appartient désormais au passé ; "une victoire écrasante" a été remportée contre la corruption; le développement économique du pays est devenu "plus équilibré, coordonné et durable"; le système "démocratique" chinois a été amélioré; l’influence chinoise à travers le monde s’est "nettement accrue"; "l’ordre a été restauré" à Hong Kong…
Autant d’arguments censés convaincre les 95 millions de membres du Parti, mais aussi les citoyens ordinaires, des progrès réalisés sous Xi Jinping et de la nécessité de le maintenir à la tête du pays, particulièrement dans un monde en proie "à des changements inédits" et au Covid-19.
Sous-estimé par de nombreux analystes à son arrivée aux affaires en 2012, Xi Jinping s’est révélé être un stratège politique hors pair. Il s’est très tôt attelé à la consolidation de son pouvoir, de manière à entrer au panthéon communiste, au même titre que Mao et de Deng Xiaoping.
Ces dernières années, une série d’événements politiques interconnectés ont clairement laissé transparaître cette ambition. Le premier a eu lieu fin 2016, lorsque Xi Jinping a été nommé "cœur" du Parti. L’année suivante, la "pensée de Xi Jinping sur les caractéristiques chinoises du socialisme de la nouvelle ère" a été enchâssée à la Constitution du Parti. Début 2018, le leader a fait supprimer la limite de deux mandats de cinq ans accordés au Président de la République Populaire de Chine, garde-fou mis en place en 1982 par Deng Xiaoping pour éviter tout retour au pouvoir solitaire…
Ce sont ces trois étapes qui ont conduit au "couronnement idéologique" auquel on assiste aujourd’hui, à travers cette résolution historique, qui permet à Xi Jinping de mettre son héritage à l’abri de tout reproche ou toute attaque. Désormais, critiquer Xi Jinping (ou "sa pensée") reviendra à attaquer le Parti lui-même.
L’épilogue de tous ces efforts sera sans aucun doute le XXème Congrès à l’automne 2022, grand-messe durant laquelle Xi Jinping devrait se voir octroyer un troisième mandat de cinq ans. Cependant, il pourrait exercer son pouvoir et son influence bien au-delà de 2027, surtout s’il réussit à ressusciter le titre de Président du Parti, ce qui pourrait lui permettre de superviser sa succession.
Au final, peu importe la position qu’il occupe, Xi Jinping va devoir se montrer à la hauteur de la tâche qui l’attend pour justifier cette entorse historique au processus d’alternance politique. Même si le dirigeant a tiré crédit de toutes les récentes réalisations de la nation, il portera également la responsabilité de tout échec.