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Covid en Chine : Big Bang dans la joie et la douleur

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Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 29 décembre 2022, mis à jour le 5 janvier 2023

Tant espéré que redouté par la plupart, la Chine a enfin accepté d’affronter la pandémie et acquérir son immunité collective. Dès la mi-novembre, devant la flambée des cas, des foyers et la lassitude des confinements, l’issue paraissait inévitable. L’équipe bénévole de Solidarité Covid – Français de Chine immensément soulagée après des mois de surcharge incessante vous livre son analyse des faits.

 

Le dos au mur

 

Depuis le 16 novembre, toutes les provinces de Chine livraient des quotidiennement des cas, le nombre de villes touchées ne cessait de monter surpassant de loin le pic de la diffusion de l’épidémie de Wuhan. Au 3 décembre, on comptait 330 préfectures livrant des cas.

 

Progression inexorable de la diffusion, baisse du poids des cas sévères en période ascendante, une situation totalement inédite et qui ne laisse pas entrevoir d’issue.

 

Il y eut des prémices : les villes de Shijiazhuang et Guangzhou avaient relâché des restrictions en ne demandant plus de PCR pour se déplacer dans la ville. Les secteurs à risque restaient confinés mais on a pu constater sur les comptes de cas sociétaux à quel point ce n’était pas suffisant de limiter les restrictions aux secteurs à risque, donc la porte ouverte à une hausse des contaminations en dehors de ces secteurs. A Pékin vers le 5 décembre, de nombreux PCR de rue ne reviennent pas sur les mobiles. Ce sont des tests en tube de 10 anormal, ils sont devenus trop nombreux, il faut aller tous les revérifier, mettre les 10 en confinement temporaire… le modèle des tubes mixés ne fonctionne plus, et les stands de tests ont été démontés à Pékin. La situation est donc incontrôlable sans confinement généralisé strict. Et là ce n’est plus une mégapole confinée comme au printemps à laquelle viennent en aide toutes les provinces pour assurer l’approvisionnement et les soins, mais des dizaines de villes fortement touchées.

 

Distribution des cas sur les 4 derniers jours avant la levée des restrictions : 7 provinces sont à plus de 1000 cas par jours, mais de grandes villes sont relativement préservées (notamment la région de l’embouchure du Yangtsé avec Shanghai, Zhejiang, Jiangsu, Anhui...)

 

Le choix aurait pu être de donner libérer des villes très touchées, tout en continuant à préserver les villes moins touchées, ce qui aurait éventuellement permis de répartir les ressources de prévention, mais vu la distribution et la contagiosité, c’était peine perdue et donc le pays entier bascule dans le Big Bang le 7 décembre.

 

 

Le nombre de cas sociétaux à Pékin vs Shanghai monte au même moment, mais dans des proportions inédites à Pékin avec un pic à 806 alors qu’à Shanghai on n’a pas dépassé 14. Mais 14 cas non tracés par jour, c’est déjà beaucoup pour tenir le zéro Covid sans confinement.

 

BA.1 ça passe, BA.2 ça casse, BA.5 ça fracasse

 

En Chine, rien ne se passe comme ailleurs. On se retrouve dans une situation inédite avec une énorme population quasi intégralement naïve (mois de 2 millions de cas enregistrés depuis 2020 soit 0.13% de la population) qui se retrouve du jour au lendemain exposée à un variant d’une contagiosité décuplée par rapport à son parent original (BA.5 / BF.7 par rapport à BA.1). Diffusion instantanée dans toute la Chine.

 

Un sondage au 20/12 et 26/12 détaille les taux d’infection mesurés d’un jour à l’autre

 

Dans le monde, qui subit des vagues successives, les pics sont toujours inférieurs aux précédents depuis Janvier, car la contagiosité se heurte à l’immunité infectieuse acquise par une majorité de la population. L’incertitude demeure à chaque nouveau variant et notamment BQ.1 et XBB majoritaires aux USA, pas plus virulents, mais qui semblent plus résistants aux traitements d’anticorps monoclonaux ainsi qu’au vaccin ARN bivalent.

 

covid analyses

L’épidémie au Global depuis un an, avec une échelle logarithmique qui aplatit le pic de janvier afin de voir les vagues qui se succèdent avec des effets plus réduits sur les réanimations (mais plus mis à jour dans un grand nombre de pays, plus que 46 dans notre base CovifFlow contre 141 en juin 2021) et les décès, grâce à l’immunité au long cours des plus vaillants et les vaccinations répétées.

 

En Chine on a donc décidé d’acquérir l’immunité tous en même temps, comme un seul homme, pour avoir quelques mois de tranquillité dans l’unité nationale et faire repartir l’économie dès janvier.

 

mouton chien covid

l’emoji du mouton fleurit sur les réseaux sociaux chinois. Les chiens noirs (les toujours négatifs) sont confinés tandis que des applis prévoient le pic de contamination par ville.

 

Un timing minutieux pour l’opération Overlord chinoise

 

 Le risque de saturation hospitalière tant craint pendant 3 ans est maximal mais le bénéfice d’une immunité collective des forces vives du pays pendant quelques mois est plausible. Le timing de l’Opération pourrait être optimal pour plusieurs raisons :

  • Mise à niveau de l’équipement de réanimation qui serait passé de 3.6 lits pour 100 000 habitants (ou 4.5 selon les sources) à 10 ou 12.8, avec 138 000 à 181 000 lits dont 104 000 convertibles, équipés de 131 000 respirateurs, ce qui reste inférieur au niveau de l’Europe (qui serait à 12 pour 100 000 habitants, plus de 20 en Allemagne) sur un total de 5.616 millions de lits d’hôpital.
  • Les variants successifs Omicron ne présentent pas plus de dangerosité
  • La vaccination des seniors a progressé et surtout est récente. Pour les 80 ans +, elle a été multipliée par 2.8 entre mars et Novembre 2022, 26% des 80 ans + ont été vaccinés récemment, ce qui leur confère une meilleure protection contre les formes graves, car la distance de la dernière vaccination, c’est un élément plus important que la nature du vaccin.

 

 

La Vaccination x 3 des 80 ans + est passée de 19% à 46.5% en 8 mois. Il demeure que la vaccination 4ème dose n’a été ouverte que début décembre aux seniors seulement, et on a donc au Big Bang 51.1% de 60 ans + qui sont à plus de 8 mois de leur dernière injection, ça c’est un problème.

 

hk covid

Analyse inédite par phase des données de la SAR qui montre : 1) l’effet de saturation en 1ère phase sur la létalité. Le taux de létalité des non vaccinés est divisé par 2 une fois la grosse vague passée. 2) la létalité des vaccinés 1-2 doses augmente à distance des dernières doses 3) toujours un avantage à BioNtech

 

On constate néanmoins que Pékin est très à la traîne sur les 80 ans + avec seulement 30% de triple vaccinés vs 46.5% au national. On rapporte à Pékin, Chongqing et Shanghai des scènes de saturation des crématoriums, de trafic à prix d’or de faux Paxlovid venant d’Inde, non pas pour l’infection en cours, mais pour la suivante (!!), ruée sur les médicaments donc l’accélération de la production n’avait pas été anticipée. Ecart de vaccination certes, mais aussi et de fortes incidences avant le Big Bang à Beijing, Chongqing, qui ont été les premiers exposés par la vague post relaxation. Ailleurs, les personnes fragiles ont eu le temps de s’auto-confiner le temps de passer le pic qui est annoncé par des analyses de Big data sur les recherches Internet de mot clé.

 

Après le Big Bang, le black-out

 

A partir du 7 décembre, et même quelques jours avant, le système modèle de reporting Covid de la Chine s’est décomposé jusqu’au message du 25 décembre : plus aucun chiffre de la National Health Commission mais des compte-rendus mensuels du Center for Disease Control sur sur les cas hospitalisés, les cas sévères et critiques et les décès. Pendant ces 17 jours nous avons pu observer l’évolution des bulletins : d’abord, suppression des détails sur les voyageurs venant d’autres provinces, des cas à l’isolement, mais ça c’était prévisible. Ensuite, fin des détails par district dans les villes-provinces, puis les provinces abandonnent les unes après les autres les détails sur les villes, les bulletins provinciaux disparaissent et avec eux les détails sur les cas importés.