Entre deux univers qui semblent d’abord si éloignés, celui des notes et celui des senteurs, Yoko Lévy-Kobayashi a trouvé un chemin d’harmonie. Violoniste au sein de l’Orchestre national d’Île-de-France et parfumeuse diplômée, cette artiste franco-japonaise tisse depuis plusieurs années un dialogue rare entre la musique et l’olfaction. Cet automne, elle embarque le public américain dans son univers unique, à travers deux concerts à San Francisco : à l’Alliance Française le 16 octobre, et au Jardin botanique le 19 octobre.


Deux vocations, une seule sensibilité
Née d’un père français et d’une mère japonaise, Yoko Lévy-Kobayashi a grandi entre Strasbourg et Tokyo. C’est là, dans cette double culture, que se sont enracinées ses deux passions.
« Quand j’étais petite, raconte-t-elle, je découvrais au Japon des odeurs tellement différentes de celles que je connaissais en France. »
Ces souvenirs olfactifs, l’encens des temples, le parfum du bois mouillé, les fleurs des jardins japonais, ont forgé sa mémoire sensorielle autant que les premières gammes de violon apprises à dix ans.
La musique, d’abord, s’impose naturellement. Elle entre au Conservatoire de Paris, remporte plusieurs concours internationaux, puis rejoint l’Orchestre national d’Île-de-France où elle est aujourd’hui premier violon.
Mais la passion du parfum, longtemps silencieuse, ne la quitte jamais. « Je me suis toujours dit qu’un jour, je reviendrais vers cette autre forme d’expression. » Ce moment viendra plus tard, lorsque ses enfants, devenus adolescents, lui laisseront enfin le temps d’explorer une autre voie.

Quand les émotions se traduisent en senteurs
J’ai réussi à exprimer une émotion olfactive aussi profondément que je le ferais avec une partition
C’est un souvenir précis qui a tout déclenché : l’odeur de la maison de sa grand-mère au Japon.
« C’était un rêve : retrouver cette odeur si lointaine, si précieuse », confie-t-elle. Pour son examen de parfumerie, Yoko crée justement ce parfum-là — une essence chargée d’émotion et de mémoire. Elle y associe un morceau de musique qu’elle interprète au violon.
« J’ai mis tout mon cœur dans ce parfum. J’ai réussi à exprimer une émotion olfactive aussi profondément que je le ferais avec une partition. »
Depuis, cette rencontre entre sons et senteurs est devenue le fil conducteur de son art.
De Versailles à San Francisco : une symphonie des sens
J’ai voulu raconter l’évolution du parfum à travers les siècles
À Versailles, où elle a récemment créé un programme autour des jardins du Trianon, Yoko Lévy-Kobayashi a imaginé trois parfums inspirés de Louis XIV, Louis XV et Marie-Antoinette. Chaque fragrance est liée à une époque et à une musique baroque correspondante.
« J’ai voulu raconter l’évolution du parfum à travers les siècles, explique-t-elle. Sous Louis XIV, il servait à masquer les odeurs ; sous Louis XV, la science découvre le lien entre propreté et santé ; sous Marie-Antoinette, il devient un plaisir, une émotion. »
Ainsi, la fleur d’oranger évoque le Roi Soleil, sa douceur apaisante et ses vertus calmantes qu’il appréciait lorsqu’il souffrait de migraines. Les notes de lavande et d’aromates accompagnent les pastorales de Louis XV, tandis que les senteurs fleuries et poudrées rendent hommage à la délicatesse de Marie-Antoinette.
Dans ses concerts, Yoko ne se contente pas de jouer : elle fait distribuer au public des touches parfumées, pour que l’expérience soit totale.
« L’idée, c’est que les spectateurs sentent le parfum au moment même où ils entendent la musique. C’est une émotion simultanée, pure. »
L’émotion, fil d’or de son art
C’est comme si Versailles rencontrait la Californie.
Le 16 octobre, à l’Alliance Française de San Francisco, elle proposera un concert-rencontre plus intime. Le public y découvrira son parcours, ses techniques d’extraction, mais aussi sa manière si personnelle de lier les parfums aux partitions.
« Je proposerai un petit jeu, dit-elle en riant. Le public écoutera un morceau sans savoir de quoi il s’agit, et devra deviner quel parfum lui correspond le mieux. C’est une façon de partager mon processus créatif. »
Trois jours plus tard, au Jardin botanique de San Francisco, le public vivra une expérience à ciel ouvert.
« Toutes les plantes que j’utilise dans mes parfums existent là-bas : les roses, les agrumes, les aromates… C’est comme si Versailles rencontrait la Californie. »
Un art du temps et de la mémoire
Une odeur peut nous replonger instantanément dans un souvenir lointain. C’est un pouvoir magique.
Quand elle parle de ses créations, Yoko Lévy-Kobayashi évoque souvent la mémoire.
« Une odeur peut nous replonger instantanément dans un souvenir lointain. C’est un pouvoir magique. »
Pour elle, musique et parfum ont ceci en commun : ils échappent au visible. Ils s’adressent directement à l’émotion, sans détour intellectuel.
« Ce que je veux transmettre, c’est du bien-être, de la pure émotion. Rien de mental. Juste l’éveil des sens et des souvenirs. »
Versailles, les Amérindiens et l’avenir
Je vais imaginer le parfum que ces voyageurs auraient pu porter ou rêver
Après San Francisco, Yoko retrouvera les ors de Versailles avec un projet fascinant prévu pour janvier 2026. Le concert sera inspiré d’un épisode méconnu : la visite, au XVIIIe siècle, d’une délégation amérindienne venue de Louisiane à la cour de Louis XV.
« Je vais imaginer le parfum que ces voyageurs auraient pu porter ou rêver », explique-t-elle. Entre rituels amérindiens et musique baroque, elle promet une nouvelle traversée sensorielle entre deux mondes.
Elle prépare également le lancement d’une collection de savons inspirés de ses créations, un prolongement tangible de son art, empreint du raffinement des siècles passés.
Conclusion : L’élégance du sensible
Entre partitions et essences, entre rigueur et intuition, Yoko Lévy-Kobayashi incarne une forme rare d’art total.
Ses concerts ne se regardent pas : ils se respirent, se ressentent.
À ceux qui hésitent encore à venir la découvrir, elle adresse cette invitation douce :
De Versailles aux jardins de San Francisco, Yoko Lévy-Kobayashi fait voyager les sens avec grâce et poésie.
Son art, à la croisée de la mémoire et de l’émotion, célèbre la beauté de l’éphémère, ce moment suspendu où une note, un parfum, un souvenir se répondent.
Avec elle, la musique se respire, et le parfum devient mélodie.
En savoir plus
Yoko Lévy-Kobayashi
- Violoniste à l’Orchestre national d’Île-de-France
- Parfumeuse, diplômée de l’école Cinquième Sens à Paris
- Créatrice de concerts olfactifs mêlant musique baroque et parfumerie d’art
Prochains événements :
- 16 octobre 2025 – Alliance Française de San Francisco : Concert-rencontre « Musique et Parfum » - Billet
- 19 octobre 2025 – Jardin Botanique de San Francisco : Concert en plein air « Versailles au Jardin » - Billet
À venir :
- Janvier 2026 – Château de Versailles : Concert « La visite des Amérindiens de Louisiane »
Propos recueillis le 13 Octobre 2025 de Paris à LA
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