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RECIT – “J’ai traversé la Manche à la nage”


 

Harry Finger est le 17ème Brésilien à avoir traversé la Manche. Il raconte son aventure au Petitjournal.com

J'ai commencé à envisager de traverser la Manche en 2003, lorsque j'ai rencontré Percival Milani, un nageur qui, cette année là, venait de relever le défi.  La grande ambition de tous les nageurs aventuriers. La Manche est un peu aux nageurs ce qu'est l'Everest aux alpinistes.

Quatorze mois d'entrainement

Je me suis entraîné pendant 14 mois. Je me suis levé à 5h30 du matin pour aller nager. Je me suis entrainé partout : dans des piscines, des lacs, dans la mer. Mon travail m'obligeant à voyager, j'ai dû me débrouiller pour toujours trouver une endroit où m'entrainer. 
Durant les 4 premiers mois, je nageais de 3 à 5 kilomètres, puis j'ai réussi à atteindre les 7 kilomètres. Et à partir du mois de décembre, j'ai commencé à nager 10 kilomètres par jour. Parallèmement, j'ai travaillé la musculation des bras et des abdominaux, j'ai fait aussi beaucoup d'assouplissements. J'ai conservé une alimentation presque normale. J'ai simplement dû perdre un peu de poids. J'ai également pris des compléments alimentaires avant et pendant les heures d'entraînement.

En ce qui concerne le mental, j'ai fait une thérapie traditionnelle et un travail de neuro-linguistique grâce auquel j'ai appris à gérer la douleur, le froid ou encore la fatigue. L'objectif était de parvenir à surmonter les difficultés qui pouvaient survenir durant la traversée. Il faut rappeler que la température de la Manche ne dépasse pas les 14 degrès!

 J'ai aussi mis en pratique le Taoisme. J'ai lu et relu le livre Le Taoisme dans le Sport, un livre contenant des exercices, des conseils pour améliorer ma concentration. Mon entraineur, Igor de Sousa, a toujours affirmé que la réussite de cette traversée dépendait à 60% du mental et à 40% de l'entraînement physique.

Une aventure coûteuse
Il faut reconnaître que cette aventure coûte de l'argent. Le plus gros budget concerne la location du bateau, environ 4.000 livres (   ). Il faut aussi rémunérer le guide qui vous accompagne durant tout le trajet. Pour le reste, il s'agit de coûts habituels (billets, hôtel, assurance). Moi j'ai eu la chance de recevoir l'aide de sponsors et de quelques personnes, mais au total je n'ai obtenu que 50% du financement. Avec un budget plus important, on peut emmener du monde sur le bateau: des amis, des médecins, une équipe de tournage, etc.

L' Association du Canal de la Manche organise tout. C'est elle qui choisit la date de la traversée. Je me suis inscrit en octobre 2010, mais comme on ne peut nager qu'en été et que l'année 2011 était complète, ils m'ont réservé une période en 2012. C'est eux qui décide du jour J en fonction du vent et des marées. Je suis arrivé à Dover 10 jours avant la date prévue. C'est très important pour diminuer le choc avec cette eau glacée. Je nageais deux fois par jour, pour m'y habituer.


“J'ai commencé à nager dans un mélange de peur et de joie”
J'ai finalement entrepris la grande traversé le 26 juin à 4h30 du matin. Je ne me souviens pas très bien de l'émotion que j'ai ressenti au moment du départ, mis à part que j'étais très excité! J'ai l'impression que tout s'est passé très vite. Nous sommes partis de Dover et un bateau nous a emmenés jusqu'à la plage Shakspeare. Comme le bateau est lourd, il s'est arrêté à environ 300 mètres de la plage. Alors je me suis mis à l'eau et j'ai nagé jusqu'à cette plage. Je suis sorti de l'eau (il faut sortir de l'eau et aller jusqu'à la plage) et j'ai levé le bras. À ce moment là, un klaxon a donné le signal du départ. Dans le petit bateau, il y avait mon entraîneur, un juge de la Fedération anglaise de la Manche, le pilote du bateau et son co-pilote. J'ai commencé à nager dans un mélange de peur et de joie. Peur de ne pas arriver jusqu'au bout. Je pensais que jusqu'à la moitié c'était faisable, mais après avec ce froid, allais-je aller au bout ?

“Je pensais à mes amis, à ma famille, à ceux qui m'avaient aidé”
En nageant, je pensais à des choses agréables: les bons moments de ma vie, des fêtes où j'ai bien dansé, des cris d'encouragement de mes supporters et beaucoup au choses qui pouvaient me réchauffer: un bon bain, une bonne douche, une boisson chaude! Les 6 premières heures je regardais derrière moi et je voyais les silhouettes blanches, les montagnes de calcaire blanc qui entourent la Shakespeare Beach. Après, j'ai passé de nombreuses heures sans voir grand chose d'autre que la mer et parfois quelques bateaux.

J'ai croisé des pétroliers, des cargos, des bateaux de croisières. C'était une petite distraction face à cet horizon vide, sans beaucoup de vie! Puis, je pensais à ma famille, mes amis, ceux qui m'avaient aidé et puis je me sentais heureux car finalement, après tant de mois de préparation, je nageais et j'étais heureux. Je pensais aussi que chaque brassée était la dernière de ce moment là, que j'avançais et que je n'aurais pas à répéter cette brassée, je n'allais par revenir, j'avançais!

“J'ai nagé 42 kilomètres en 12h et 40 minutes”
Pendant la traversée j'ai fait 12 pauses, en général, toutes les 30 minutes. Ces pauses ne dépassaient jamais 30 ou 40 secondes, car si on s'arrête plus longtemps on risque des  problèmes d'hypothermie et des crampes. Pendant les arrêts, je prenais des hydrates de carbone, de l'eau, et parfois de l'aspirine (pour diminuer la douleur). A trois reprises, je me suis arrêté pour manger des poissons en conseve.

Je pense aussi qu'il faut une certaine expérience de vie pour entreprendre cette aventure. Bien sûr, c'est important de bien nager et peut être qu'un jeune nagera mieux que quelqu'un de plus âgé, mais ce qui compte le plus, c'est de savoir comment affronter les difficultés, d'avoir de la patience, et un peu de vécu et d'expérience.
 Selon les spécialistes la distance entre Dover et Calais est de 34 ou 36 kilomètres en ligne droite, mais il faut compter avec le vent et les courants. A en croire mon GPS, j'ai nagé 42 kilomètres en 12h et 40 minutes.


“Je venais de réaliser mon rêve”
L'arrivée est un moment merveilleux, mémorable. Je me souviens que  quand j'ai aperçu la France j'ai ressenti une joie incroyable. Pourtant j'avais encore des kilomètres et des kilomètres à nager. Et puis au moment où j'ai commencé à distinguer des silhouette sur la plage à Calais, j'ai été très heureux. Je savais que j'allais bientôt marcher sur le sable et que je venais de réaliser mon rêve. J'avais réussi!


En même temps, c'est étrange, car il n'y a personne qui vous attende sur la plage, personne pour vous acceuillir et fêter avec vous cette victoire. Ce n'est que lorsque je suis revenu jusqu'au bateau, après avoir pris un "bain" chaud et m'être réchauffé pendant le retour à Dover que j'ai pu fêter ma victoire avec tout ceux qui m'avaient soutenu!

Témoignage recuelli par Lise Aron (www.lepetitjournal.com-Brésil) mercredi 8 août 2012

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