A l'aube des festivités de fin d'année, le mois de décembre a tout de même était riche en activités culturelles. Voici certains des meilleurs moments.
The bleeding tree au Blue room
The Bleeding Tree est un " meurtre " sans mystère. Nous apprenons immédiatement qu'il y a un corps, représenté par un tas de terre sur le sol. C’est celui d'un ivrogne brutal qui est le mari de la mère et le père de deux sœurs.
Il rentrait du pub, la gueule de bois et violent. L'une de ses filles lui colle un coup dans les tibias, une autre le plaque au sol sans connaissance avant que la mère ne lui tire une balle dans le cou et le fasse exploser.
Dieu merci, ce connard est mort.
Tout au long de la pièce, les trois femmes se souviennent de l’horreur qu’il représente dans les moindres détails mais ne regrette rien. Cela avec style, le dialogue est entièrement en vers, étrange façon de de mettre en évidence la peur, la colère, la révolte et la haine contre l’homme qui jusque-là leur a gâché la vie. Reste un problème de taille, se débarrasser du corps et le dissimuler aux visiteurs.
Contrairement aux apparences, c'est une histoire profondément morale face aux horreurs quotidiennes vécues par les femmes et les enfants aux mains de maris, de pères violents ou autres hommes de pouvoir.
Ce n'est pas une histoire ordinaire, et elle est racontée d'une manière extraordinaire.
The velvet queen au Sommerville Auditorium
Au cœur des hauts plateaux tibétains, le photographe Vincent Munier entraîne l’écrivain Sylvain Tesson dans sa quête de la panthère des neiges. Il l’initie à l’art délicat de l’affût, à la lecture des traces et à la patience nécessaire pour entrevoir les bêtes. En parcourant les sommets habités par des présences invisibles, les deux hommes tissent un dialogue sur notre place parmi les êtres vivants et célèbrent la beauté du monde. Si on passe outre Sylvain Tesson, que je trouve assez irritant, ce film est magnifique Vincent Munier est un photographe d’exception, on lit l’amour des animaux dans ses yeux.
The Tempest à l’Octogon theatre
La Tempête a été plébiscité par le public invité par la Black Swan State Theatre Company à choisir une pièce de Shakespeare pour clôturer sa 30ème saison.
Les décors sont minimalistes, un cercle de sable blanc, un croissant noir épouse une partie du cercle et un autre plus petit et creux au milieu du cercle mène en coulisse. Tel un sablier un filet de sable s’écoule du plafond tout au long de la pièce comme pour mettre la pression sur le temps qui passe.
Énergique et imaginative, la mise en scène est intemporelle, informelle et inclusif, des costumes sont "empruntés" au public. On se laisse aisément emporté par la magie d’Ariel et sa musique jouée en direct vous envoute. On en oublie presque l’histoire. Les acteurs vont et viennent sur scène, ils surpassent leur rôle pour donner à cette pièce toute sa dimension et plus encore.
Titane de Julia Ducournau
Alexia enfant provoque un accident de voiture dans laquelle elle se trouve. Elle en rechape avec une plaque de titane dans le crâne. On la retrouve des années plus, danseuse dans un salon de l’automobile, et là, on plonge dans une ambiance charnelle et violente. Alexia est « mechasexuelle », elle couche avec des voitures et tuent les personnes qui croisent son intimité. Un jour les choses se gâtent, démasquée elle doit fuir.
Pour cela elle se fait passer pour un garçon disparu il y a des années, le stratagème fonctionne et Alexia se retrouve avec son « père » dans une caserne de pompier. A ce stade, le film prend une tournure différente, elle découvre alors des sentiments jusqu’alors inconnus et doit évoluer dans un univers exclusivement masculin. Mais comme on peut s’en douter dès le début, ce n’est pas une fin heureuse qui se prépare.
Julia Ducournau mets les corps à nu et joue avec les apparences et les stéréotypes de genre avec une esthétique électrique, obscure mais coloré. Ce film ne vous laisse pas indiffèrent, certain le trouveront trop gore et violent mais si cet aspect ne vous a pas rebuté, c’est un film auquel vous continuer à penser un bon moment après l’avoir vu.
Sense and sensitivity à John Curtin Gallery
L'exposition, Sense and Sensitivity, présente le travail de deux artistes neurodivers, le photographe paysagiste Simon Phillips, basé à Perth, et l'artiste de performance Dawn-joy Leong, basée à Singapour. Le fruit de cette collaboration multidisciplinaire entre Phillips et Leong, marie une série de paysages photographiques étonnants de Phillips aux paysages sonores poétiques de Leong.
Elle s'inscrit également dans le cadre d'une nouvelle collaboration entre les chercheurs du centre de culture et de technologie de Curtin et le groupe de recherche sur l'autisme de Curtin, dans une célébration de la créativité neurodiverse.
Je vous recommande tout particulièrement de prendre le temps de vous installer dans un bean bag et regarder le montage audiovisuel.
Nevermore: The Imaginary Life and Mysterious Death of Edgar Allan Poe au Subiaco Arts center
Cette comédie musicale écrite et composée par Jonathan Christenson à Edmonton, au Canada suit avec une fidélité raisonnable la vie inusuelle du poète et nouvelliste américain, et laisse les circonstances de sa mort aussi incertaines qu'elles l'étaient dans la réalité.
Un homme maquillé aux yeux noirs tient un énorme livre ouvert. Ce livre passera de main en main à qui sera le narrateur.
Edgar n’a pas eu une vie facile: la tuberculose a emporté sa mère, sa femme et peut être lui-même, sa mère adoptive s’est suicidée et son père adoptif a eu un problème cardiaque.
Sept musiciens jouent à l’arrière de la scène, les chansons en vers ne sont pas toujours audibles mais on arrive tout de même à suivre le cours de l’histoire. Et les danses associés ajoutent au caractère obscur de la pièce.
Les acteurs jouent plusieurs rôles, un simple changement d’accessoires et nous avons à faire à une nouvelle personnes, leurs performances sont impressionnantes. Un bon moment.
Traviata, my brothers and I de Yohan Manca au Sommerville auditorium
Adapté de la pièce de théâtre « Pourquoi mes frères et moi on est parti… » de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, ce film est le premier long métrage de Yohan MANCA. Il a été présenté dans la section "Un certain regard" à Cannes 202. C’est une agréable découverte.
Nour a 14 ans. Il vit avec ses 3 frères et sa mère dans le coma dans un appartement d’un quartier populaire du bord de mer dans le sud de la France.
Les grandes vacances commencent, Nour subit le poids d’une famille sans parents, ses frères adultes se débattent chacun à sa façon pour subvenir à leurs besoins et ceux de leur mère en soins palliatifs à la maison. Des personnalités très différentes, il y a beaucoup de tensions mais d’amour aussi.
Il est contraint d’effectuer des travaux d'intérêt général, alors qu’il doit repeindre un couloir de son collège, il est attiré par le chant de Pavarotti qui s’échappe d’une des classes, c’est là qu’il rencontre Sarah, une chanteuse lyrique qui anime un cours d’été.
Improbable centre d’intérêts pour un jeune de banlieue mais Nour connais bien la Traviata, son père chantait cet opéra à sa mère. Il lui passe régulièrement cette musique pour adoucir son coma. La connexion se fait instantanément, Sarah repère un certain potentiel et encourage Nour à venir assister à ses cours.
Pas si simple, Nour se débat entre toutes ses obligations et pressions familiales.
Ce film est touchant mais jamais mielleux, le contexte social est rude mais pas dramatique, les rapports entre les frères sont parfois violents mais ils restent unis, chaque situation est dédramatisée.
Yohan jongle entre réalisme et poésie, les quatre frères sont attachants, le jeune acteur Maël Rouin Berrandou est charmant et plein d’avenir quant à Judith Chemla, elle excelle dans un personnage entier et passionné par contre elle est un peu moins convaincante en cantatrice.
L’art pourra t’il extraire Nour de l’atavisme des quartiers populaires ? Allez voir ce film, c’est un vrai plaisir.