Dans le cadre d'une stratégie de dynamisation touristique et de revitalisation des espaces ruraux, la Chine a investi massivement ces dernières années la restauration de villages anciens. Si certains sites rencontrent un franc succès, d'autres peinent à convaincre. Explications.


Des villages "anciens" moins rentables
Le cas du village reconstitué de Zhangjiajie, situé dans la province du Hunan, illustre cette tendance inquiétante. Malgré sa renommée liée au tournage du film Avatar, le site touristique est aujourd’hui en faillite. Le 16 décembre 2024, son propriétaire, le groupe Zhangjiajie Luyou, a annoncé la mise en redressement judiciaire de l’entreprise, qui a cumulé plus de 700 millions de yuans de pertes en quatre ans, dont 61 millions sur le seul premier semestre 2024.
La ville ancienne de Dayong, intégrée au projet, a à elle seule enregistré 64 millions de yuans de pertes. Pourtant, sa construction, qui avait coûté 2,4 milliards de yuans, nourrissait de grands espoirs pour le développement touristique local. L’ouverture expérimentale en 2021 a rapidement révélé les limites du projet : au bout de quatre ans, le déficit atteignait 547 millions de yuans. Aujourd’hui, la ville a des allures de cité fantôme. Au premier semestre 2024, seulement 2 300 billets d’entrée y ont été vendus, soit une moyenne de dix visiteurs par jour.
Un concept qui commence à dater
C’est dans les années 1990, face à l’urbanisation galopante et à l’uniformisation architecturale, que les villages anciens ont commencé à attirer l’attention du public. Dans les provinces du Jiangsu et du Zhejiang, des bourgades comme Zhouzhuang ou Wuzhen ont connu un véritable essor. Cette dernière a accueilli entre 2016 et 2019 plus de 10 millions de visiteurs par an, générant jusqu’à 2,2 milliards de yuans de chiffre d’affaires et un bénéfice net record de 807 millions de yuans.
En 2016, une circulaire du ministère du Logement et de la Construction a encouragé la préservation et la valorisation des villages de caractère. Depuis, le nombre de villes anciennes a continué de croître. Toutefois, beaucoup de projets ont vu le jour sans plan global ni réflexion stratégique, compromettant leur attractivité à long terme.
Le manque d’originalité est un frein
L’un des principaux problèmes de ces villes reconstituées réside dans leur manque d’originalité. Construites sur des modèles identiques, elles proposent toutes les mêmes ruelles, la même architecture, les mêmes souvenirs, les mêmes encas à base de tofu ou d'encornets. La majorité des visiteurs sont des touristes chinois, qui viennent y louer costumes et maquillages traditionnels pour alimenter leurs réseaux sociaux.
Ainsi la vieille ville de Zengguo dans le Shandong, présentée comme historique, abrite peu de patrimoine réel. Aucune restauration significative n’y a été menée, et leur promotion en ligne s’avère souvent trompeuse. Face à ce constat général, il est probable que la Chine change sa future approche en matière de tourisme patrimonial, afin de redynamiser sa consommation intérieure. La question est de savoir s'il n'est pas déjà trop tard pour retrouver plus d'authenticité culturelle.
A suivre.
Sur le même sujet
