Le marketing genré consiste avant tout à intégrer les différences comportementales entre hommes et femmes dans le développement, la commercialisation et la communication autour des produits. Cette pratique, de plus en plus pointée du doigt, a donné naissance à de nombreuses associations de lutte contre ce type de marking qui s’adresse aussi à l’inconscient des consommateurs. Elsa Stephan, une Française de New York, a lancé Casual Sexism. Le but de cette maman, enseignante à l’université de Columbia : combattre les stéréotypes.
Le Petit Journal New York : Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer « Casual Sexism » ?
Elsa Stephan : Il me paraissait important de créer une antenne aux États-Unis parce que le sexisme ne se manifeste pas de la même manière selon les cultures. D’autant que le marketing genré est né aux États-Unis dans les années 1940 quand les marques ont commencé à réaliser que les familles aisées étaient prêtes à acheter des produits différents pour leurs enfants. Les marques américaines dominant le marché dans bien des domaines, il semble important de les interpeller sur les réseaux sociaux puisque leurs produits sont vendus dans le monde entier. Dans l’industrie du jouet, par exemple, sur les dix entreprises vendant le plus de produits, sept sont américaines.
Comment se manifeste le marketing genré ?
Si les consommateurs remarquent parfois le fait que la publicité utilise le corps des femmes pour vendre tout et n’importe quoi, le marketing genré est souvent insidieux et passe inaperçu. Il se manifeste sous plusieurs formes. Il y a la « pink tax », c’est-à-dire le fait que les produits pour femmes sont plus chers que ceux pour hommes. Les marques de rasoirs illustrent parfaitement ce phénomène. La surreprésentation des femmes dans les publicités pour les produits d’entretien ou pour les produits pour bébé passe souvent inaperçue. Mais cela est en train de changer et certaines marques se voient contraintes de retirer leurs pubs. Aux États-Unis, la marques Huggies a reçu des critiques de la part d’hommes à la suite d’une campagne dans laquelle ils représentaient les hommes comme incapables de changer des couches. La campagne a été interrompue.
Pourquoi vous semble-t-il important de lutter contre le marketing genré ?
Le marketing genré est néfaste pour tout le monde et ne devrait rien avoir aucun lien avec le féminisme. Il renforce les stéréotypes existants dans nos environnements sociaux culturels. Les stéréotypes véhiculés par l’industrie agroalimentaire (aux femmes les publicités pour les yaourts et aux hommes celles pour la viande) ne sont pas sans conséquences. Des études ont montré que hommes et femmes identifient les aliments sains comme féminins et les aliments moins sains comme masculins. Plus de 40% des filles de 6 à 8 ans disent vouloir être plus minces, et 30 à 50% des adolescentes disent avoir des troubles du comportement alimentaire. Quant aux hommes, ils sont davantage en surpoids, ce qui a également des effets sur leur santé. Le type d’alimentation que l’on encourage les hommes à consommer est lié aux maladies cardio-vasculaires, à l’obésité et au diabète. S’alimenter de manière saine ne devrait pas être réservé aux femmes. Dans ce domaine aussi, les choses changent mais la bataille est loin d’être gagnée.
Quelles sont les solutions possibles pour contrer ce phénomène ?
En Angleterre, les publicités sexistes sont interdites depuis 2019. Les marques ont un délai pour les retirer. Si le délai est dépassé, la marque doit s’acquitter d’une amende. En ce qui concerne les jouets, la Californie vient d’interdire les rayons séparés pour filles et garçons. Il y aussi beaucoup d’initiatives spontanées : les hypermarchés Target font la même chose mais cela ne résout pas le problème. L’étiquette fille et garçon a disparu mais il reste un rayon rose et un rayon bleu. Ils continuent à commercialiser les mêmes balais roses pour les filles ! C’est une première étape pour que les marques repensent leurs campagnes et leurs produits.
Quelles sont les motivations qui vous poussent à vous engager personnellement dans cette cause ?
Deux évènements m’ont donné envie de m’engager : le mouvement MeToo en 2017 et le fait d’avoir eu une fille en 2018. J’ai toujours été consciente du fait que j’ai eu des opportunités que mes grands-mères n’ont pas eues et je veux aussi que ma fille grandisse dans un monde différent de celui dans lequel j’ai grandi. J’espère que la crise actuelle va nous aider à réaliser que ce sont les femmes qui sont majoritaires dans les métiers du soin essentiels à la lutte contre le virus et que leurs activités doivent être mieux valorisées à l’avenir.
Pour suivre Casual Sexism sur les réseaux sociaux :
Insta : @casual.sexism
Facebook : Casual Sexism
Twitter: CasualSexismUS