L’Organisation Internationale de la Francophonie célèbre cette année son cinquantenaire. Depuis le vendredi 20 mars dernier, Journée internationale de la francophonie, et jusqu’à la fin de l’année, des événements sont organisés aux quatre coins du monde afin de fêter le jubilé de cette organisation dédiée à la langue française. Notre édition entre dans la danse et prend part à cette célébration.
En notre qualité de premier média francophone de part le monde à l’attention des expatriés francophones, avec quelque 68 éditions sur 5 continents, notre édition new-yorkaise a décidé de rendre hommage à la langue de Molière en publiant dans ses colonnes, tout au long de cette année, des auteurs francophones installés aux États-Unis.
Aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir l’auteure Béatrice Jousset-Drouhin qui vient de publier son premier roman « Bonheur et Déconvenues d’une Expat ». Dans son ouvrage, Béatrice Jousset-Drouhin témoigne de sa vie d’expatriée dans une banlieue très chic de New York, le Westchester. Dans un style sobre et sensible, elle partage avec le lecteur ses expériences heureuses ou malheureuses au sein de la communauté des expatriés. L’auteure fait défiler ses treize années d’expatriation et pose une analyse fine sur le temps qui passe.
Son ouvrage a été sélectionné par la Rencontre des Auteurs Francophones.
Béatrice Jousset-Drouhin est aussi artiste peintre. Épicurienne, elle tient un blog sur l’art de vivre et les restaurants.
L’auteure Béatrice Jousset-Drouhin
Voici le passage sélectionné par l’auteure :
Le regard ne vous manque-t-il pas à New York ? Les gens ne se regardent pas, c’est un fait. Ils courent, ils glissent sur l’asphalte, rarement fument, écoutent leur musique dans leurs iPod, regardent devant, regardent derrière ou sur le côté, mais jamais en face. En 13 ans de ma vie américaine, je n’ai jamais croisé un seul regard. L’Américain est-il pudique ou bien a-t-il peur de regarder, peur qu’un seul regard puisse lui nuire ? L’Américain semble formaté pour avancer, tête baissée, fier et courageux, motivé, ambitieux. Tel un automate, il avance, car c’est ce qu’on lui a enseigné. Faire fi du regard des autres. C’est ainsi que le rockeur côtoie le loufoque, que le ridicule frôle le bon chic bon genre, que le rappeur croise la danseuse étoile, que le styliste discute avec le tatoué. Et tout ce petit manège fonctionne à merveille, car il semble que les différences soient gommées. Il n’y a plus de gros, de maigres, de riches, de pauvres, juste des gens qui se mélangent formant une fausse unité quelque peu stérile et parfois désolante.
Oh, que le Français me manque parfois ! Il est vrai que ce dernier peut être arrogant, têtu, snob ou même vulgaire, mais le Français garde son identité où qu’il aille. En effet, il est si facile de s’intégrer dans un dîner purement américain : des gens en short, d’autres en costume cravate, les tongs se mêlent aux Church et les jupes courtes n’ont rien à envier aux robes longues, car les codes n’existent pas. Mais, parfois, ces codes me manquent. J’aime le Français, car il est beau et que l’on a envie de le regarder. Le Français fait attention à lui, un peu trop parfois, mais n’est-ce pas mieux que de frôler la négligence ? Le regard des hommes et des femmes dans la rue me manque. Un regard furtif, un sourire, une oeillade, un clignement d’oeil complice, un regard appuyé ou un regard admiratif, mais non intrusif. L’Américain semble avoir oublié de regarder autour de lui, une belle femme, un homme charmant, une jolie fillette. Peut-être ont-ils peur que leurs regards ne soient mal interprétés.
Il est vrai que de nos jours, méfiance à celui qui regarde d’un peu trop près. Il pourrait être catalogué comme malveillant, consommateur de femmes, voire sadique. Les hommes ont peur et cela me chagrine, car un regard ne fait jamais de mal. Au contraire, un regard doux vous caresse, un regard gai vous enivre, un regard triste vous chagrine, un regard vif vous excite. N’a-t-on plus le droit de vibrer au son d’un gentil sifflement ou d’une remarque sympathique ? Sommes-nous devenues des femmes à ce point stériles et fermées au bonheur d’un regard chaleureux ? Le monde de la rue est devenu une autoroute sans droit de regard, et je ne suis pas d’accord avec cela. J’aime encore le Français qui me regarde, l’Italien qui me siffle, le Marocain qui me dévisage. Je n’ai pas peur, je prends cela comme un compliment, et je le garde précieusement comme une petite lumière qui éclaire ma journée. Grâce à Dieu, certains hommes français osent encore vous aborder, vous offrir une cigarette, un verre sans aucune arrière-pensée, juste pour le plaisir du regard. L’Américain lui ne regarde plus que son téléphone.
Ouvrage disponible en version Kindle sur Amazon ou en format poche chez French Wink
L’autreure et artiste peintre Béatrice Jousset-Drouhin