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Jubilé de la francophonie avec l’auteure Sandrine Kukurudz

Jubilé de la francophonieJubilé de la francophonie
Écrit par Rédaction - New York
Publié le 20 mars 2020, mis à jour le 20 mars 2020

L’Organisation Internationale de la Francophonie célèbre cette année son cinquantenaire. À compter de ce vendredi 20 mars  et jusqu’à la fin de l’année, des événements seront organisés aux quatre coins du monde afin de fêter le jubilé de cette organisation dédiée à la francophonie. Notre édition entre dans la danse en publiant dans ses colonnes, des auteurs francophones des États-Unis.

En notre qualité de premier média francophone de part le monde à l’attention des expatriés francophones, avec quelque 67 éditions sur 5 continents, notre édition new-yorkaise a décidé de rendre hommage à la langue de Molière en publiant dans ses colonnes, durant cette période de jubilé, des auteurs francophones installés aux États-Unis. 

Nous commençons en cette Journée Internationale de le francophonie avec Sandrine Kukurudz, auteure et organisatrice de la première « Rencontre des Auteurs Francophones aux Usa ».

Nous vous invitons à lire un passage de son deuxième roman, L’Atelier au fond de la cour.

 

 

Il est encore tôt. Paul avait choisi l'une des tables près des fenêtres, proche des grands arbres du jardin. Deux jeunes enfants profitent du doux soleil de cette fin de journée de novembre pour jouer dans le jardin. 

La table est colorée. Les assiettes gourmandes. Les filets de bar sont grillés à souhait, le croquant de la peau contrastant parfaitement avec la chair moelleuse, marinée dans l'huile d'olive du pays, rehaussée de thym frais. 

Paul a choisi un vin du pays léger, qui se boit avec bonheur et qui plonge bientôt chacun dans une sorte de quiétude bien agréable à l'heure où le jour se couche. 

« Maintenant que nous sommes repus et que l'alcool a définitivement apaisé les tensions, je voudrais vous exposer mon projet. 

L'idée est de faire de ce lieu un espace collaboratif de création et de mode. 

Au rez-de-chaussée du bâtiment principal, se trouvera mon showroom et un espace ouvert à d'autres jeunes créateurs fraîchement sortis de l'école. Nous pourrons y faire des présentations, des expositions et inviter nos mentors lors de journées dédiées aux talents de demain. 

À l'étage, j’installerai ma table de travail et mon bureau de style. Mais aussi le cabinet de Paul et pourquoi pas quelques petites sociétés qui seraient ravies de partager l'espace. 

Et puis au fond de la cour, à l'ombre d'un soleil trop persistant et derrière les verrières réconfortantes, l'atelier. 

Celui où l'on découpera, assemblera, et d'où sortiront les prototypes des collections. 

Un lieu de vie emprunt du savoir-faire du passé et tourné définitivement vers demain... 

— Madame s'il vous plaît, remettez-nous une bouteille de ce délicieux vin ! » s'exclame alors Meriem, qui a bien besoin d'une pause dans ce tourbillon de projets plus fous les uns que les autres. 

« Et cerise sur le gâteau... la marque s'appellera : Max & Clara. Je ne voyais franchement pas quel autre nom donner à ce projet après tout ce que j'ai vécu ces derniers mois. 

— J'aime, ma fille ! Samir a souri de toutes ses longues dents, posant sa main d’un geste paternel sur le bras de Clara. 

—  Et Clarisse, qu’en pense-t-elle ?

— Clarisse ? Elle aura son bureau au premier étage ! Elle lance un site marchand de produits de Provence bien sûr et proposera ses recettes maisons à la lavande. Maman garde son petit local rue d’Italie. Elle s’y est attachée mais viendra faire des animations chez Clarisse. Elle me l’a promis ! » 

      Tout parait si facile sur le papier. Comme si l'histoire avait été écrite depuis des décennies pour s'inscrire de la sorte dans le destin de Clara. 

« Ce ne va pas être facile Clara. C'est une lourde tâche et il va falloir bien t'entourer. Comme Max. » rappelle Paul. « Que ce soit dans le choix de tes équipes de réflexion ou de production, mais aussi dans celui du management de ton espace et de ta société. À partir du moment où il devient collaboratif, tu dois pouvoir en gérer tous les aspects. 

— Éric et Paul, puis-je vous demander d’en discuter entre vous ? J'aimerais avoir Éric à mes côtés, du moins en partie, s’il en est d’accord. Après tout, mon projet est aussi né grâce à ma muse préférée. »

 

Les desserts arrivent en nombre et mettent fin à la discussion en cours. Tarte au citron meringuée, vacherin glacé, croquant au chocolat… Paul n’a pas lésiné sur le choix des desserts. Et chacun de vouloir savourer le reste de la soirée avec la même douceur que celle promise par la farandole de gâteaux que la cuisinière a amenée en personne à ses clients réguliers. 

Samir ne se prive pas de tous les goûter alors que Meriem lève les yeux au ciel. 

« Ne te plains pas d’être obligé de relever les coussins cette nuit pour dormir. 

—   Chaque chose en son temps Meriem. Je profite du plaisir de la gourmandise. Ne gâche pas le moment présent s'il te plaît. » 

La nuit est tombée. Le ciel est désormais parsemé d'étoiles. 

« Ce devait être un peu ça le décor de Max, quand il s'asseyait sur la terrasse de sa maison, près de Déborah, après le dîner. »

 

Claude n'a pas donné signe de vie à Clara. Il la sait occupée avec son formidable projet. Il essaie de reprendre sa vie en main. Il a acheté un petit appartement non loin du musée de Caumont, cette fabuleuse bâtisse devenue centre culturel, rassuré d'être au cœur de la ville et de son poumon historique. Il tente de réfléchir au sens qu'il va donner à sa vie à présent. Certes il a assisté pendant près de dix ans Max et a appris la gestion d'une telle entreprise à ses côtés. Mais qu'en faire ? 

Comme à son habitude il prépare ses œufs brouillés et se pose devant son écran dans le petit bureau de sa chambre. Ce rituel du matin est une exploration libre sur la toile, à la recherche d'une idée, d'une envie, de ce qui lui permettra de se réaliser à présent. 

Il découvre que Clara lui a envoyé un e-mail de bon matin. Clara. Quelle surprise ! Pourtant il met du temps à ouvrir son message, appréhendant une réprimande, un reproche nouveau, un jugement supplémentaire. Après tout, que pouvait avoir à lui dire Clara qui ne soit la résultante de ses mensonges et sa couardise. 

 

(…)

 

Max et Clara voit le jour quelques mois plus tard. Des mois de dur labeur, de travaux fastidieux, de bataille de permis. Des mois de recrutement de talents, de recherches de soutiens institutionnels, de batailles politiques, de constitution des équipes. Chacun a joué sa partie. Paul, Claude, Éric et les autres, enthousiastes de ce projet nouveau d’envergure en ville. 

Il a fallu batailler avec les égos de certains. Il a fallu envoyer des coups de pieds dans des fourmilières trop bien huilées. Il a fallu bousculer les indécis et les réfractaires. Mais au final la bâtisse est prête à vivre ses plus belles heures. 

 

Ce soir, pour l'inauguration, chaque personne qui compte dans le cœur de Clara a fait le déplacement. Même Marthe a été invitée avec ses enfants. Quelle meilleure occasion que celle-ci de rassembler les moutons égarés. 

Dans la cour, une longue table de bois a été dressée avec délicatesse. 

Clarisse a disposé de petits bouquets de lavande devant chaque assiette. La vaisselle blanche contraste avec la jolie nappe provençale colorée. Dans la seconde cour, le traiteur s'affaire pour que tout soit parfait. Les saveurs locales seront à l'honneur lors du dîner, sous la supervision de la grand-mère, reine des fourneaux. 

 

Clara aurait pu convier la presse, les notables, ceux qui font la pluie et le beau temps des réseaux mode... pourtant, elle a choisi de n'avoir autour d'elle que des amis, pour partager ce dîner d'exception. Car l'amitié est le bien le plus rare, le plus convoité et comme le rappelle souvent Samir, l'oxygène nécessaire aux cellules humaines pour avoir le privilège de vieillir. 

 

Michèle est allée parler à Claude pour la première fois depuis son retour. Il a levé les yeux sur sa femme et a esquissé un timide sourire.

« Claude, je t’ai attendu toutes ces années. Je me suis perdue, j’ai traîné ma carcasse sans passion. Je n’ai aimé personne et je suis devenue vieille avant l’heure. Pourtant, depuis que tu es revenu, je n’ai pas cherché à te joindre. Je crois avoir tout simplement réalisé que je t’avais effacé mais que j’avais oublié de m’en informer. Ne le prends pas mal Claude, mais ton retour est une libération. Désormais je sais que je dois rattraper le temps perdu. »

Michèle tend une enveloppe à Claude : « Libère-moi totalement Claude. Tu me le dois bien. Signe cette demande de divorce et commençons à vivre comme des amis. Pour notre salut. Et parce que Clara a besoin de cet équilibre.

— Allons-nous nous revoir ? Moi aussi j’ai tant de choses à te dire.

— Bien sûr Claude. Nous avons toute la vie pour cela. Mon geste de ce soir n’est pas un adieu. Bien au contraire c’est un message de bienvenue. »

Michèle salue avec tendresse Claude, alors que Clarisse au loin, témoin de cet échange, s’en félicite.

 

Ce soir, au milieu des étoiles, Clara a reconnu Max. Une étoile plus vive que les autres. 

 

« Je savais bien que tu ne me laisserais pas affronter ce challenge sans toi Max. LeHaïm ! Longue vie à nous ! » déclare Clara en levant son verre vers l'astre le plus lumineux de ce ciel provençal. 

 

Pour commander les romans de Sandrine Kukurudz

Sandrine Kukurudz

 

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Publié le 20 mars 2020, mis à jour le 20 mars 2020
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