Elle est l’une des rares femmes photographes dont l’œuvre a été reconnue de son vivant. Le MoMA lui consacre une exposition « Words and Pictures » du 9 février au 9 mai 2020, la plus grande rétrospective que le musée d’art moderne new-yorkais n’ait jamais consacré à la célèbre photographe.
Une démarche anthropologique
L’inconscient collectif retient d’elle le portrait « Migrant Mother » devenu le symbole de la Grande Dépression aux États-Unis. Pourtant, Dorothea Lange, née en 1895 dans le New Jersey, est l’auteure d’une œuvre sociale et politique aussi émouvante que prolifique, qui ne saurait se résumer à ce cliché certes emblématique.
Après des études de photographie à l’université de Columbia, Dorothea Lange travaille jusqu’en 1932, en studio photo. Elle en sort peu à peu pour documenter les conséquences du krach boursier de 1929 dans les rues de San Francisco. Manifestations, soupes populaires, sans-abris… L’objectif de Lange prend le pouls d’une société meurtrie par la crise économique et rend compte, en image d’une des périodes les plus dramatiques pour les États-Unis. Très vite, ses images sont remarquées par le sociologue Paul Schuster Taylor, de l’université de Berkeley, son futur mari, qui les utilise pour illustrer plusieurs de ses articles publiés dans la revue Survey Graphic. Rien d’étonnant puisqu’au-delà d’être une photographe de talent, son travail prend alors ce qui restera l’empreinte de Lange : une plongée sociologico-anthropologique mêlée à un travail artistique.
Elle débute alors une traversée du pays de l’oncle Sam. Elle visite les États et fige dans son objectif la situation sociale d’un pays en crise où la pauvreté s’installe largement. À la demande de la Farm Security Administration, elle réalise plus de 4 000 clichés sur la population rurale et les fermiers, population la plus durement touchée par la Grande Dépression. Ce programme constitue aujourd’hui le plus vaste fonds d’archives photographiques aux États-Unis témoignant des effets de la politique du New Deal incarnée par le président Roosevelt, et ce, notamment auprès des populations rurales et migrantes.
C’est d’ailleurs dans un camp de cueilleurs de pois, que Dorothea Lange réalise son cliché le plus célèbre, qui entraînera d’ailleurs, plus tard, une véritable controverse : Migrant Mother. Cette mère de famille soucieuse, accompagnée de ses enfants devient un, sinon le symbole du réalisme brutal de la pauvreté aux États-Unis.
Pour la photographe, l’image ne vaut qu’accompagnée de mots. Aussi, lors de ses virées photographiques, prend-elle le soin d’interviewer les gens qu’elle photographie et de retranscrire leurs mots. Words and Pictures...
Par Dorothea Lange
Pauvreté et minorités
L’artiste rend compte de la misère et des laissés pour compte. Si elle photographie les gens, elle photographie aussi l’architecture mais pas n’importe laquelle. Immeubles délabrés, bâtiments abondonnés, bibliothèques de fortune dans les milieux ruraux, mais aussi dans les villes, restaurants, commerces et cinémas « pour personnes de couleur » témoignent, eux aussi du contexte économique et social de l’Amérique du New Deal. Une partie de son travail sera même classée « archives militaires » quand elle photographie un camp d’internement pour ressortissants américains d’origine japonaise après le bombardement de Pear Harbor. Cette partie de son travail ne sera dévoilée au public qu’en 2006.
Par Dorothea lange
Expliquer l’art aux enfants
Dans le cadre de cette exposition « Words and Pictures », le MoMa organise deux tours dédiés aux adolescents, les 25 et 26 avril à 10h30. « Tour for tweens : Dorothea Lange in focus » s’adresse aux enfants de 11 à 14 ans accompagnés de leurs parents. L’occasion d’expliquer la démarche de la photographe et d’inviter les plus jeunes à réagir sur son travail mais aussi sur l’Amérique du New Deal. Art, anthropologie et sociologie mais aussi histoire...
Pour en savoir plus sur l’exposition « Words and Pictures » dédiée à Dorothea Lange