Ancienne institutrice devenue figure familière du Mountain Shadows Resort, Antoinette Miluk raconte son parcours, du Val-d’Oise aux déserts de l’Arizona. Portrait d’une Française bien ancrée dans la capitale de l’État, où un climat généreux et un dynamisme économique attirent chaque année de nouveaux expatriés : « Nous avons de la chance ici, pas de tremblements de terre, pas d’ouragans, et du soleil presque tous les jours. ».


Le soleil décline derrière Camelback Mountain, projetant une lumière orangée à travers les baies vitrées du Mountain Shadows Resort. À l’entrée du Hearth ‘61, restaurant signature de l’hôtel, l’air porte les effluves de la cuisine du chef Charles Wiley, l’une des légendes de la vallée. Quelques mètres plus loin, la boutique qu’Antoinette Miluk tient d’une main sûre, entre foulards en soie, bijoux choisis avec soin et éclats de conversation.
La Française traverse la salle d’un pas vif, son rire précédant ses mots. « Vous devez goûter le gazpacho… oh là là, c’est une catastrophe tellement c’est bon ! » dit-elle, mi-sérieuse, mi-taquine, avec cette pointe d’accent qui accroche l’oreille. Son regard pétille comme si elle retrouvait de vieux amis. La boutique qu’elle tient est à deux pas, mais ce soir, elle est simplement l’hôtesse parfaite, racontant ses saisons passées au Club Med, ses années dans le désert et les raisons qui l’ont poussée, il y a trente-cinq ans, à choisir Phoenix. Autour d’elle, les assiettes se vident, les conversations se croisent, et l’on comprend que cette ville, comme cette femme, a un charme qui ne se dévoile qu’en prenant le temps de s’asseoir.

Du Val d’Oise et son tableau noir au désert rouge de l’Arizona
« J’adorais mon boulot d’institutrice, mais d’avoir 35 enfants dans une classe… c’est mortel. Je rentrais à la maison, je débranchais le téléphone, j’étais dans le silence total pendant une demi-heure. » Dans le Val-d’Oise, elle enseignait encore il y a trente-cinq ans. Rien ne la prédestinait à une vie dans le désert américain, si ce n’est un besoin vital de changement. L’été, une amie l’entraîne au Club Med. Deux mois suffisent pour tout faire basculer. « J’ai pris une année sabbatique… et je ne suis jamais retournée à l’éducation nationale. », décrit Antoinette Miluk, quittant la région parisienne pour une vie plus libre.
« Je ne parlais pas un mot d’anglais à l’époque. »
Pendant sept ans, elle enchaîne les saisons autour du monde : Côte d’Ivoire, Grèce, Bahamas, Alpes Tunisie… « J’ai adoré. C'était une vie extraordinaire. On apprend beaucoup sur les gens, on apprend à accepter les différentes cultures… les meilleures années de ma vie. » Au Mexique, elle rencontre Tim, un Américain de Cleveland, dans l’Ohio. Elle ne lui parle pas pendant deux mois : « Je ne parlais pas un mot d’anglais à l’époque. » Mais l’amour finit par faire tomber les barrières linguistiques. Ensemble, ils cherchent un endroit où il fait toujours chaud. « Pas la Californie – trop cher – ni la Floride – trop humide. Alors, nous avons choisi Phoenix. »

Phoenix, l’autre eldorado des Français
Longtemps éclipsée par Los Angeles ou San Francisco, Phoenix est en train de s’imposer comme une destination de choix pour l’expatriation. Capitale de l’Arizona, cinquième ville des États-Unis, près de 5 millions d’habitants dans son aire urbaine, 334 jours de soleil par an et un coût de la vie inférieur aux grandes métropoles côtières, la ville a plus d’une carte dans sa manche.
Avec 1.264 entreprises qui ont vu le jour en 2023, 285.000 emplois générés, des investissements massifs des géants de la tech, c’est une ville en plein essor économique. Phoenix connaît également une croissance immobilière record. Ici sont construites plus de 1.500 maisons par an. L’ensoleillement et les vastes espaces en font une alternative séduisante à la Californie. « Ici, les autoroutes roulent, pas de bouchons comme à Los Angeles », sourit Antoinette.
S’installer à Phoenix : les cinq grandes différences avec la France
« Ce qu’on a créé en 12-13 ans ici, en une vie, on ne l’aurait peut-être pas fait en France »
Les français, discrets mais présents
Si Phoenix compte plusieurs milliers de Français, la communauté est loin d’être soudée. « Les Français ici sont très indépendants. On se voit surtout quand on travaille pour la même entreprise, sinon chacun a sa vie », explique Antoinette, veuve depuis quatre ans.
Parmi les nouveaux arrivants, certains suivent un conjoint américain, d’autres viennent créer leur entreprise. On y croise des profils d’expatriés variés, comme un couple qui a construit un hôtel au milieu du désert, un chef qui exporte ses quiches dans tout l’Ouest américain, un mécanicien qui restaure des Mustang de collection… Les Français sont discrets, mais de plus en plus nombreux. Pour beaucoup, c’est la combinaison entre qualité de vie et potentiel professionnel qui convainc. « Ce qu’on a créé en 12-13 ans ici, en une vie, on ne l’aurait peut-être pas fait en France », confiait un chef français installé à Phoenix.

Du Club Med au Mountain Shadows Resort
À son arrivée, Antoinette travaille au bureau du Club Med de Scottsdale avant de rejoindre l’hôtellerie. Aujourd’hui, elle est responsable de la boutique du Mountain Shadows Resort, un établissement haut de gamme qu’elle a vu sortir de terre. La journée, Antoinette conseille les clients, et joue parfois le rôle de guide touristique. Le soir, elle aime partager un repas au restaurant voisin, dont elle connaît la carte par cœur. Son rire résonne entre deux tables, sa conversation est ponctuée d’anecdotes, et de remarques complices sur la vie en Arizona. On l’écoute et on comprend pourquoi elle est devenue une figure familière des lieux.
Antoinette veille sur sa boutique depuis 8 ans. « Je suis à la boutique de 10 h à 18 h, tranquille. Tant que je peux marcher, je resterai. » Ses clients s’amusent souvent à deviner son accent : « Ils me demandent toujours : “Mais c’est quoi votre accent ?” Je leur dis : “I don’t know.” Les Américains qui voyagent beaucoup trouvent tout de suite que je suis française. Les autres me sortent parfois… Bosnie ! » Son mari le lui disait : « Ton accent a changé. Les premières années, c’était évident. Maintenant, ça ressemble à l’américain. » Elle parle aussi italien, espagnol, et apprend le turc.
Un climat rude mais apprivoisé
Dans la région, le thermomètre grimpe régulièrement à 45 °C l’été. « Le seul moment dur, c’est quand la voiture a passé la journée dehors », plaisante Antoinette. Mais l’air conditionné omniprésent et les maisons conçues pour limiter la chaleur rendent la vie confortable.
Une villa de 320 m² avec piscine coûte environ 200 € par mois en charges d’eau et d’électricité. L’Arizona puise ses ressources dans le fleuve Colorado et ses barrages hydroélectriques, mais l’eau reste précieuse. Un sujet que les nouveaux arrivants apprennent vite à respecter.
Que faire à Phoenix : les must see et les must do

« Nous avons de la chance ici, pas de tremblements de terre, pas d’ouragans, du soleil presque tous les jours. »
Le désert comme art de vivre
Au-delà de la situation économique de la région, c’est un mode de vie que beaucoup viennent chercher. Randonnées au milieu des saguaros, escapades au Grand Canyon ou à Sedona, week-ends au Mexique à quatre heures de route… Pour Antoinette, comme pour d’autres expatriés, Phoenix est avant tout un choix réfléchi : climat, qualité de vie, opportunités. « Nous avons de la chance ici, pas de tremblements de terre, pas d’ouragans, du soleil presque tous les jours. » Grâce à son mariage, elle obtient une carte verte, puis la nationalité américaine. Ses deux filles naissent ici. Comme beaucoup d’Américains, elle pleure de joie lors de l’élection d’Obama. Si elle retourne en France tous les deux ans pour voir sa famille, c’est bien en Arizona qu’elle se sent chez elle.
En sortant du restaurant, la nuit est tombée sur le resort. Les cactus du jardin sont éclairés par des spots discrets, le murmure des conversations se mêle au cliquetis des verres. Au détour d’un couloir dont les photos d’époque couvrent les murs, Antoinette raconte l’histoire des lieux, qu’elle connaît par cœur : « Il n’y avait rien ici. Ils ont tout construit. » Elle garde un œil critique sur l’Amérique. À 70 ans, elle reste une femme libre, drôle, énergique, avec une verve bien française. « Les Français qui sont ici, on ne se voit pas trop. C’est chacun de son côté. Mais bon, on se reconnaît. » conclut-elle.
Antoinette salue encore, fait promettre de passer dire bonjour à la boutique demain matin. Dans ce décor d’oasis chic, on devine que, pour elle comme pour beaucoup de Français, Phoenix est devenu un choix de vie.
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