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« Le Nord, mon Amérique à moi » : récit d’une migrante devenue américaine

Olga Russo Waters, une migrante devenue américaineOlga Russo Waters, une migrante devenue américaine
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 6 août 2021

Installée dans l’État de Virginie depuis cinq décénnies, Olga Russo Waters passe son enfance dans le pays minier du Nord de la France, après avoir quitté en 1957 son Italie natale. De douces années qui la marquent à jamais, avant de partir, malgré elle, pour les États-Unis où elle fait carrière, soutenue par une cohésion familiale exemplaire. C'est l’histoire d'une famille de migrants déchirés qu'elle raconte dans son premier livre « Le Nord, mon Amérique à moi ». Un miroir pour tous les migrants.

Rencontre avec Olga Russo Waters.

 

Migrants aux États-Unis

 

 

Rachel Brunet pour Lepetitjournal.com New York : Parlez-nous de ce qui vous a poussé à publier cet ouvrage ?

Olga Russo Waters : Plus qu'une intention, j'ai fait de l'écriture et de la diffusion de ce livre un devoir sans toutefois jamais prétendre donner conseil ou leçon. J'ai souhaité rendre hommage à un père qui s'est sacrifié pour sauver sa famille et la voir réussir. Rendre hommage à un homme courageux qui, au péril de sa vie, a contribué en participant à l'extraction du charbon dans le Nord de la France — principale source d'énergie à l'époque — a redressé ce pays après la guerre. Rendre hommage à tous les migrants italiens, polonais et marocains que se sont associés à cette démarche à ses côtés et, par extrapolation, un hommage à tous les migrants du monde qui encore aujourd'hui se sacrifient pour les leurs en essayant de leur construire un avenir décent. J’ai salué la terre d'asile des États-Unis d'Amérique qui m'a permis, ainsi qu'à mes proches, de trouver les conditions d'un accomplissement personnel et professionnel. Enfin, témoigner et dire combien la cohésion familiale est un ressort indispensable qui contribue à la réussite dans tous les domaines. 

 

Écrire est un art, écrire son premier ouvrage ne doit pas être simple ?

Lorsqu'on n'est pas un professionnel en la matière, l'écriture d'un premier livre relève en général d'une volonté de vouloir transmettre un ou plusieurs messages à ses descendants d'abord, mais aussi au-delà pour ce qui me concerne. 

Mon statut familial m'a inspirée, mais également mon statut de migrante car cette situation est toujours d'actualité dans le monde même si les critères d'accueil dans les différents pays ont beaucoup évolué. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas voulu dissocier ces deux statuts qui se servent mutuellement par les richesses qu'ils ont générées. C'est sans doute cela qui m'a poussée à retourner en France après 50 ans avec une volonté indéfectible qui m'a permis de retrouver et de conjuguer les souvenirs générés par ces deux statuts. En 2015, mon mari et moi sommes retournés sur les lieux de mon enfance en France pour la première fois. C'était une décision très difficile à prendre car cet endroit préservait mes meilleurs souvenirs d'enfance mais c'était aussi le lieu où mon père avait sacrifié, sans le savoir, une partie de sa vie en raison de son travail forcené dans les mines de charbon. Cela s'est avéré être une aventure profondément douloureuse. Mais il était, comme je l'ai écrit, de mon devoir de lui donner une suite et d'en témoigner. 

C'est pour cela et bien d'autres critères que j'ai souhaité que ces écrits ne soient pas qu'un simple récit biographique fondé sur le vécu d'une structure familiale. À l'âge de 60 ans, « la mise en page » de cette aventure personnelle, au-delà de ce récit, m'a amenée à découvrir plusieurs critères fondés sur des vécus ethnographiques différents auxquels j'ai dû m'adapter pour me construire. 

Conjuguant les deux expressions littéraires, aujourd'hui, j'ai aussi la preuve qu'il faut croire en ses rêves à tout âge et que « l'on n'oublie jamais l'enfant que l'on a été ». J'ai parallèlement appris qu'avec le travail, le courage et une solide cohésion familiale, on peut vaincre des montagnes. Qu'il s'agisse des « montagnes noires » du Nord de la France, ou du Grands Canyon... 

 

Écrire, c’est aussi être entourée et encouragée ?

Avec les encouragements de mon ami parisien Jacques Pagniez qui a cru en mon projet ayant connu pendant son enfance une vie ouvrière similaire dans le Nord, il a été un moteur pour moi. Il a réanimé mes souvenirs gravés dans mon cœur à travers son œuvre sur un tout petit village minier dans lequel nous avions vécus dans le nord de la France. Il a redonné un sens à ma vie. Au-delà de ses encouragements, comme dans un conte de fée, il a su me réinstaller dans ce passé à la fois si lointain et si proche. 

Je me dois aussi de mentionner ma fierté, car Mon Amérique à moi, a été publié par La Voix Éditions en France. Cet éditeur fait partie du Groupe et marque « La Voix du Nord », une partie intégrante des communautés minières du Nord de la France dans la région des Hauts-de-France à Lille. Cet éditeur fait aussi partie de « la famille. » Dans ses valeurs fondamentales, je me suis retrouvée et c'est en toute confiance que je lui ai proposé mon histoire. Sa devise étant « 75 ans entre vous et nous ». Mon travail va au-delà d'un récit biographique. C'est ici que commence la version « migrants » de l'histoire avec une petite fille prénommée Olga qui va porter toutes les valeurs morales, sociales, affectives et matérielles de sa vie qu'elle vous invite à découvrir...

 

L'immigration est au centre de votre vie. Vous avez changé deux fois de pays, une fois enfant, une fois jeune adulte. Quelles différences entre ces deux situations ?

Enfant, on ne perçoit pas les contraintes et les souffrances d'un déracinement comme peuvent les ressentir les adultes. C'est ainsi que mon départ d'Italie pour le Nord de la France, je l'ai vécu comme une belle aventure, une savante découverte au cours d'un voyage extraordinaire. La langue française, je l'ai apprise à l'école avec des enseignantes adorables, comme on apprend une chanson. Les gens du Nord m'ont accueillie avec les miens comme leur petite-fille, leur sœur, leur amie. Il est vrai que ces gens font preuve d'une grande générosité. Spontanément, j'ai été rassurée et choyée. Avec eux, je me suis construit un petit univers qui m'allait très bien. 

Mais quelques années plus tard, mon départ précipité aux États-Unis a constitué une rupture douloureuse. J'avais atteint l'âge de comprendre et d'intégrer les réalités de la vie. Je m'interrogeais sans que je n'obtienne de véritables réponses : pourquoi devions-nous partir alors que nous avions trouvé le bonheur, la sérénité, la sécurité ? Je n'ai pas encore trouvé une réponse cohérente même si les paramètres matériels semblaient l'imposer. À mes yeux et par le vécu, j'ai très vite compris que les États-Unis, c'était le gigantisme, la difficulté d'une autre langue que l'on n'apprenait pas comme une chanson, un isolement, un combat au quotidien pour travailler, pour se sentir en sécurité... Une somme de montagnes à gravir. Ma vie d'enfant s'était arrêtée le jour où nous avons débarqué à l'aéroport JFK. Très vite, j'ai été accablée de responsabilités familiales qui me dépassaient souvent. Beaucoup de choses changeaient dans notre quotidien. Les rapports avec ma chère sœur, si protectrice, évoluaient. Mes frères grandissaient et s'affirmaient et je rencontrais des difficultés pour les encadrer. Quant à mon père, je me trouvais parfois dans un rapport de force. 

C'est alors que commença mon dur combat pour construire mon avenir sans contrarier notre cohésion familiale si précieusement conservée. Un combat pour gagner ma vie, pour entreprendre des études, pour trouver ma place dans un pays qui s'était fait grâce à un mélange de cultures si différentes les unes des autres, et pourtant si enrichissantes. 

Mon récit montrera comment dès son enfance, puis dans l'adolescence, on se forge un caractère pour réussir... 

 

Du coup, dans quel pays vous sentez-vous chez vous ?

Je me suis senti chez moi partout, là où la dimension humaine vous apporte toute la consistance de la vie. L'Italie, c'est ma terre natale, celle de mes anciens et de mes ancêtres. Je la respecte et je l'aime sans faillir. Elle entretient la mémoire des miens et plus particulièrement, celle de mon petit frère Alfredo décédé à l'âge de 6 ans. Il y repose. 

La France, avec plus particulièrement sa région minière du Nord, est ma première terre d'asile. Celle où nous avons trouvé un confort de vie, une solide solidarité et affection avec les gens, Celle où mes deux frères ont vu le jour. Celle que l'on n'oublie jamais car on n'oublie jamais l'enfant que l'on a été. Je partage cette phrase d'une chanson populaire : « Les gens du Nord ont dans le cœur le soleil qu'ils n'ont pas dehors ». Lors de mon retour chez eux, 50 ans plus tard, ce soleil brillait toujours. 

 

Quel est votre parcours professionnel en dehors de l'écriture ?

Mon parcours professionnel est atypique, mais il témoigne du travail et des efforts que j'ai dû accomplir pour atteindre mes objectifs. Mon mari, américain, y a largement contribué. Grâce aux possibilités qui m'ont été offertes aux États-Unis, je dois dire que ce fut une réussite. Je cite un extrait de ma présentation dans le livre : « Après une période d'adaptation difficile, la jeune fille fera de brillantes études secondaires et universitaires couronnées par plusieurs diplômes de haut niveau qui lui ouvriront de beaux horizons professionnels. Olga occupera alors dans le secteur privé, pendant plusieurs décennies, des postes à responsabilités majeures, en qualité successivement d'administrateur, directeur de projets, analyste, conseil, gestionnaire, essentiellement attachés au domaine de la programmation pour l'aviation civile en relation avec les autorités gouvernementales de son pays d'adoption. Au cours de ces années de travail et de réussites, elle aura, avec John, son mari, deux enfants, Danielle et Joël, qui réussiront également brillamment leurs vies personnelles et professionnelles. 

Aujourd'hui, retraitée, Olga Russo Waters jardine, lit, fait du sport, s'occupe de ses petits-enfants, entretient la flamme d'une solide cohésion familiale et écrit ses souvenirs d'enfance dans le Nord, auxquels elle reste viscéralement attachée. » 

 

Pensez-vous à un deuxième ouvrage dans l'avenir ?

Dans l'immédiat, je suis la promotion de ce livre en France et j'ai entrepris de le diffuser aux États-Unis en version française à travers divers réseaux que j'ai découverts et que je tente d'approcher dans les meilleures conditions. 

Rien ne s'oppose par ailleurs à sa diffusion en version numérique voire en livre audio. Une étude dans ce sens serait nécessaire. Il devrait s’en suivre la version anglaise, déjà écrite. Je suis à la recherche d'un éditeur. Potentiellement, les États-Unis étant un pays de migrants, je reste persuadée que cet ouvrage, dans lequel ils se retrouveraient, toutes générations confondues, pourrait trouver audience positive. Quelles que soient les orientations envisagées, ce ne sera qu'avec les médias écrits, sonores et vidéo que je pourrais envisager une carrière pour ce livre. Pour conclure, je dois avouer que l'écriture est une chose passionnante et salutaire. Elle m'a permis, et cela est dans mon caractère, de me remettre en question. 

J'y penserai à l'avenir ! 

 

 

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