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Benoît Cohen : « Les Etats-Unis m’ont permis d’oser devenir écrivain »

Scénariste, réalisateur et même chauffeur de taxi, Benoît Cohen multiplie les casquettes. Depuis son installation aux Etats-Unis il y a déjà 8 ans, celui qui se sent à Brooklyn « comme chez lui » a découvert la liberté de son nouveau rôle d’écrivain. Trois livres publiés plus tard, le festival Rencontre des Auteurs francophones, du 15 au 18 mai, en a fait son invité d’honneur : « Je continue, même en tant que New-Yorkais, à être fier de cette langue et de cette culture, et d’en être l’un des représentants à mon petit niveau. », nous confie-t-il. 

benoit cohen invité d'honneur du festival Rencontre des auteurs francophones à New Yorkbenoit cohen invité d'honneur du festival Rencontre des auteurs francophones à New York
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 12 mai 2024, mis à jour le 14 mai 2024

Je ne me sens pas comme un expatrié mais bien comme un vrai New-Yorkais

 

Depuis combien de temps vivez-vous à New York ? 

J’ai vécu 45 ans à Paris et je ne pensais pas forcément en partir. Par le biais du cinéma, je suis souvent venu à New York et j’ai toujours adoré cette ville. Ma femme (la réalisatrice Éléonore Pourriat, ndlr) en est également tombée amoureuse mais avec la naissance de nos enfants, nous ne trouvions jamais le bon moment pour nous y installer. En 2012, mon film Tu seras un homme a très bien marché dans les festivals aux Etats-Unis. Au même moment, ma femme a également reçu une demande de Netflix pour un projet américain. Ces deux projets nous ont fait dire qu’il était temps de venir à New York. Nous avons donc embarqué nos deux enfants, de 13 et 16 ans à l’époque, même s’ils n’étaient pas vraiment emballés par l’idée. Pourtant, de mon côté, après une semaine à Brooklyn, je me sentais déjà américain. J’ai eu l’impression de trouver une ville qui me correspondait. Je me suis d’ailleurs beaucoup plus senti chez moi après 8 ans aux Etats-Unis qu’après 45 ans en France.

Beaucoup de personnes sont happées par l’énergie de cette ville qui accueille une vraie diversité et pourtant sans aucun jugement comme cela peut être le cas à Paris. D’ailleurs, aujourd’hui, je ne me sens pas comme un expatrié mais bien comme un vrai New-Yorkais, d’autant plus que j’ai maintenant la nationalité américaine. 

 

Benoît Cohen chauffeur de taxi pour Yellow Cab
Benoît Cohen chauffeur de taxi pour Yellow Cab

 

Vous êtes devenu chauffeur de taxi pour votre premier livre Yellow Cab. Est-ce que New York continue de vous inspirer ? 

L’énergie de la ville est toujours présente et reste une énorme source d’inspiration. J’ai écrit des films pendant vingt ans et je suis devenu chauffeur de taxi pour les besoins d’écriture d’un scénario. Cette expérience est finalement devenue un livre, avant peut-être de devenir un jour un film. J’ai adoré cette expérience inattendue d’écrivain et j’ai depuis écrit deux autres livres. Je me suis senti plus libre dans la littérature que dans le cinéma. Le cinéma est extraordinaire mais reste chronophage et violent. Dès que vous avez une idée, il faut la soumettre aux réalités d’un budget. Les Etats-Unis m’ont permis d’oser devenir écrivain, ce que je n’aurais peut-être pas fait en restant en France. 

 

les livres de Benoît Cohen

 

Comment travaillez-vous l’adaptation au cinéma de vos propres livres, comme pour Mohamad, ma mère et moi, qui est devenu Ma France à moi dans les salles ? 

Faire un copier-coller n’a pas d’intérêt. Je conçois les adaptations comme une autre version de la même histoire. Dans le livre Mohamad, ma mère et moi, cette expérience entre ma mère et ce jeune réfugié afghan est incroyable. Tout le monde est dans la bienveillance. Le cinéma a besoin de davantage de tensions. Le film est donc différent et ne porte donc pas le même titre.

Je suis en train de préparer une adaptation de mon livre Formidable, qui raconte comment, il y a une dizaine d’années, nous avons aidé mon père à mourir de manière illégale. Le film parlera du procès qui aurait pu avoir lieu. Que ce soit d’un film vers une série ou d’un livre vers un film, j’aime bien l’idée d’apporter un autre regard et de ne pas juste refaire la même chose. 

 

Ma vision aujourd’hui de la France n’est pas très optimiste

 

Dans Ma France à moi, vous parliez de votre mère, Marie-France Cohen, qui a accueilli un réfugié afghan. Depuis que vous êtes expatrié, comment voyez-vous votre France ? 

Ma France à moi était un titre un peu provocateur car il s’agissait d’un sujet polémique. J’ai fait face à une avalanche de commentaires racistes et antisémites au moment de sa sortie. Ce sera d’ailleurs l’objet de mon prochain livre. 

Ma vision aujourd’hui de la France n’est pas très optimiste. Il y a un repli très fort et une radicalisation de tous bords. La démocratie me semblait toujours être une valeur absolue, que nous ne pouvions pas remettre en cause. Mais malheureusement nous voyons que dans beaucoup d’endroits dans le monde, dont les Etats-Unis, cette démocratie se fait bafouer.

 

 

J’ai vécu l’histoire de Mohamad de l’intérieur et je pensais qu’il fallait montrer ce discours humaniste et solidaire. Mon film est sorti le jour où la loi sur l’immigration a été votée et j’ai vu qu’une majorité des Français étaient malheureusement d’accord. Cela ne m’empêche pas de défendre ce message et d’ailleurs d’avoir vu lors de la tournée promotionnelle en France des spectateurs en larmes, réellement touchés par cette histoire, bien loin des discours de rejet et de haine. 

Être aux Etats-Unis pendant le mandat de Donald Trump m’a appris ce qu’était la résistance. L’Etat de New York, traditionnellement démocrate, a d’ailleurs toujours fonctionné de manière démocratique. Pourtant, à l’approche des prochaines élections, il est triste de constater que les leçons ne sont pas retenues et que Donald Trump pourrait revenir au pouvoir. Je croyais que les choses allaient changer à l’arrivée de Joe Biden mais l’avoir choisi comme candidat des Démocrates est catastrophique. Beaucoup d’Américains ne vont pas voter pour les Démocrates à cause de cela. Je m’inquiète vraiment car si Donald Trump gagne, il a promis de s’attaquer aux fondements démocratiques.

 

Benoît Cohen

 

Vous êtes invité d’honneur du festival Rencontres des auteurs francophones à New York. Pourquoi avez-vous accepté ? 

C’est un honneur pour moi d’être invité d’honneur de ce festival. Je suis flatté de participer à ces différentes rencontres qui mettent en lumière des auteurs francophones aux Etats-Unis. Grâce à notre cinéma et à notre littérature, la francophonie trouve des interlocuteurs dans le monde entier. La France est un petit pays mais sa culture rayonne partout. Je continue, même en tant que New-Yorkais, à être fier de cette langue et de cette culture, et d’en être l’un des représentants à mon petit niveau. Je me réjouis donc de ce rôle d’invité d’honneur et j’espère être à la hauteur !

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