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Chef et traiteur à NY, Patricia Catenne raconte son impatriation

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La chef/traiteur Patricia Catenne
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 3 avril 2020

Ex-danseuse professionnelle au sein la célèbre compagnie Martha Graham, Patricia Catenne a suivi une autre passion : la gastronomie. En 2006, elle créé sa propre société de traiteur, à New York, Quintessencia. Pendant près de 10 ans, elle enchaine les succès et son carnet de commande ne cesse de croître avec des clients prestigieux. Puis, une décision importante : l’impatriation. De New York à Obernai, elle raconte au Petit Journal New York son parcours, son ancienne vie new-yorkaise, son métier de Chef/traiteur, ses choix, son retour dans un pays qu’elle a du mal à reconnaître après presque 20 ans de vie à l’américaine.

 

Lepetitjournal.com New York : Pouvez-vous nous raconter vos années américaines et pourquoi cette expatriation ?

Patricia Catenne : Je me suis installée à New York en 2000. À cette époque, j'aspirais à une carrière internationale dans le monde de la danse et c'est une bourse à l'Alvin Ailey American Dance Center qui m'a permis d'accomplir mon rêve. Comme j'avais, durant mes études, obtenu un diplôme en marketing international après un DUT en Relations Publiques avec une première année d'expérience professionnelle à Londres, la langue n'était déjà plus une barrière. J'ai de suite travaillé en plus de nombreuses heures d'entraînement dans les bureaux de cette école de danse internationale, ce qui m'a permis de survivre mes quelques années d'étudiante. Je voulais danser avec les grands, New York était le lieu dans le monde où je pouvais le faire. Et je l'ai fait durant 6 ans notamment avec la Cie Martha Graham.

Très vite j'ai compris les enjeux de la vie à New York. Loin d'avoir un salaire suffisant une fois engagée par des compagnies de danse, j'ai du très vite faire autre chose en dehors de mes longues journées d'entraînement. La cuisine étant ma seconde passion dans la vie, j'ai confectionné le premier menu imprimé par mes soins que je distribuais dans les couloirs d'Alvin Ailey. Je le regarde aujourd'hui avec émotion. Je ne savais pas à l'époque que cela me mènerait vers une carrière de 15 ans de chef/traiteur à NYC. Quand je vois à quelle vitesse je me suis confectionnée une belle clientèle, je me dis que tout est écrit quelque part. J'ai donc pendant quelques années mené tambour battant une vie de danseuse professionnelle tout en confectionnant quiches, tartes et brioches avec des recettes de famille. Ma grande tante a été la première femme diplômée de l'école hôtelière de Strasbourg. J'avais de quoi faire.

La partie immigration, elle a été moins facile. De visa d'étudiante en visas de travail temporaires, j'ai dû faire face en 2005 à l'inévitable obligation de passer à autre chose. Je commençais à être fatiguée de mener deux professions en même temps. Je me blessais souvent et les récupérations étaient de plus en plus longues. Avec l'aide de mon père et de mon ami Stéphane Verdille, chef du Consulat de France à New York, que j'ai assisté durant cinq ans pour les repas d'Etat et les grands cocktails, et qui m'a beaucoup appris, je me suis engagée dans la création d'une entreprise offrant des services de chef à domicile, d'abord, puis de traiteur. C'est ainsi que j'ai obtenu mon visa de travail en 2006 et que Quintessencia LLC, ma société était née.

Traiteur NY
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Premier menu de Patricia Catenne

 

Parlez-nous de vos clients, de vos partenaires

Pendant plus de dix ans, Quintessencia a été l'adresse discrète mais exclusive d’une clientèle privée et business. Parmi mes clients : la Famille Malle des Parfums Frédéric Malle, Judy Perl de Judy Perl Worldwide Travel (number one travel agency with the New York Times), Maggie Norris  de Maggie Norris Couture, l’Ambassadeur Nusseibeh - Représentant des EAU aux Nations Unies, la Famille Pinto de Micato Safaris, Richard Massey de Richard Massey Foundation, la Famille Birsh de Playbill, Citibank, Morgan Chase Bank, Jade Associate, The Other Press, Cristallerie Daume, Baron Francois - Wine and Liquor import, Planète Bordeaux, le Consulat du Luxembourg, la Mission Culturelle Française aux Etats-Unis... J'ai vécu de belles années avec des clients et partenaires de travail formidables, que ce soit mes fournisseurs alimentaires Baldor, d'Artagnan et Paris Gourmet, Séverine Piquet aux relations Publiques, Agnes Kress de Villarson, ma fleuriste talentueuse, mes employés au top du service et tous les chefs et commis qui m'ont accompagnée dans cette aventure. Car c'est une aventure constante que de travailler sur Manhattan. Les risques sont constants, mais le succès est savouré doublement.

 

Qu’est-ce qui vous a décidé à rentrer en France ?

J'ai quitté New York pour deux raisons qui sont tout aussi importantes pour moi. Tout d’abord, depuis la crise de 2008, la vie dans Manhattan était devenue plus chère. Ce qui m'énergisait avant devenait plus fatiguant 10 ans plus tard. Faire un bon travail au niveau désiré devenait de plus en plus difficile et compétitif. Les denrées de plus en plus chères. Mes marges diminuaient alors même que mes services s'amélioraient d'année en année. Tous les traiteurs et restaurants ont vécu cela à New York. Le rythme est soutenu, implacable. C'est marche ou crève. Ensuite, mes parents en France allaient mal. Mon père souffrant d'Altzheimer et d'un cancer devenait une charge de plus en plus lourde pour ma mère. Les allers/retours se multipliaient, me prenant le peu de réserves financières que je pouvais faire, et, à chaque voyage, l'état de mes deux parents empirait.

Début 2017, je me suis rendue à l'évidence. Je ne me sentais plus à ma place à New York et je voulais être auprès de ma famille. Aujourd'hui je me dis que j'ai bien fait. Mon père est mort un an après mon retour. Cette année là a été précieuse pour moi. J'ai aidé mon père jusqu'à son dernier souffle comme il m'avait toujours aidée et ai soulagé ma mère d'un poids qu'elle ne pouvait plus porter. Je n'ai pas pu m'occuper de mon retour comme cela était prévu mais je ne regretterai jamais ce sacrifice. Certaines choses n'ont pas de prix.

 

Est-ce qu’on se prépare psychologiquement à rentrer ? Dans quel état d’esprit étiez-vous à l’idée de vous impartier ?

Oui, on est forcé d'y penser, de prendre des infos, de se renseigner. Pour moi quitter New York pour rentrer en France voulait dire une refonte totale de ma vie. Je savais que je laissais derrière moi une société viable mais que je ne pourrais pas la recréer en France. Aujourd'hui je me dis que j'aurais du creuser plus. Je suis une self made woman. J'ai acquis mon expérience et mon succès à la sueur de mon front et avec l'aide des chefs qui m'ont accompagnée dans cette ascension. Je fais partie des rares qui n'ont pas de diplômes mais qui ont su se faire un nom sur la place. En France, je ne suis rien ou presque. Tout étais à repenser, je le savais, mais je n'avais pas mesuré à quel point ce serait difficile.

Je suis rentrée en France dans un état de questionnement constant. C'est aussi ma nature perfectionniste, Au questionnement se sont rajoutés le doute et la peur. Et le chemin était long car il n'existe pas ou peu d'aides pour les personnes qui reviennent dans leur pays après une longue absence. Pôle emploi ne m'a rien apporté. Je ne voulais pas travailler en restauration. Je n'avais droit à aucune aide et je ne voulais pas être un poids pour une société dans laquelle je n'avais presque pas cotisée. J'ai juste réactivé ma sécurité sociale en un mois et demi, ce que j'ai reçu comme un cadeau du ciel, après plus de 15 ans dans le système américain où la santé à un prix fort. J'ai d'ailleurs célébré avec mon mari l'obtention de notre carte vitale, c'est dire !

 

Comment s’est passé le retour ? Est-ce qu’il y a des défis une fois sur place ?

En ce qui me concerne non. J'ai fait le travail d'inscription aux divers organismes nécessaires à toute vie sociale: Banque, CPAM, mutuelles etc... Je savais que sans l'aide familiale le fait de trouver un logement s'avèrerait très difficile compt tenu des garanties demandées aujourd'hui par les propriétaires ou agences. J'ai donc privilégié le déménagement dans un appartement meublé à 100 mètres de chez mes parents, ce qui me permettait dans un premier temps d'être proche d'eux. Cet appartement, loué directement par des voisins que nous connaissions déjà, a grandement facilité cette première année en France et je leur en serai toujours reconnaissante pour cela.

 

Vous a-t-il fallu du temps pour vous réadapter à la France ? Certains impatriés font allusion à un « choc culturel inversé », l’avez-vous connu ?

Oui absolument. Pas durant les premiers mois. Je m'étais fait une vision idéalisée de ma ville et région de naissance. Je retrouvais mes racines, ma famille, mes anciens amis. Mais les épreuves de la maladie de mes parents, les difficultés contre lesquelles je butais sur le plan professionnel, et tout simplement le décalage entre ce que j'avais vécu à NYC et ce que vivais mes compatriotes locaux m'ont vite fait me sentir comme une étrangère dans ma ville. J'ai vite déchanté. Tout ce qui était simple 20 ans auparavant devenait compliqué. Je n'étais plus celle qui avait quitté les lieux 20 ans plus tôt. Mes amis ne me reconnaissaient qu'à moitié. Le temps avait fait son travail. J'ai commençais à être vraiment en manque de certaines choses et habitudes New Yorkaises. Je n'avais plus de repères. La page blanche de l'écrivain...

J'ai donc avec mon mari créé en 2018 une nouvelle entreprise Quintessencia France, avec une activité commune basée sur l'e-commerce : la vente en ligne de bijoux fantaisies tendances et inspirés de nos voyages et du continent américain.

Lui a continué ses services de développeur internet et moi dans un premier temps de consultante culinaire. Le patron d'une franchise de restaurant branchée hamburger et spécialités New Yorkaises (le 231 East Street) m'a fait confiance, et j'ai développé sur sa demande des recettes inexistantes jusqu'alors en France de cookies et muffins américains faits maison, cuits quotidiennement à partir de produits frais.

 

Est-ce qu’un jour, l’expatriation pourrait de nouveau être au goût du jour ?

Je ne pense pas mais qui peut dire... Les difficultés que nous rencontrons actuellement au niveau mondial sont de taille. La culture américaine fait partie intégrante de moi autant que la culture française. Nous avons étendu l'activité de notre e-commerce aux US et Canada en début d'année et cela ne fait que commencer. Je projette d'ici à deux ans de vendre des produits alimentaires que je qualifierai de "petits plaisirs" de ma signature par ce biais aussi ; Réenchanter le quotidien des consommateurs par des basiques revalorisés, une fantaisie, le goût de l'authentique comme j'aime à le dire. Celui qui rappelle l'enfance et l'insouciance. Riche de mon expérience américaine, cela devrait être intéressant et fructueux. Mon idéal serait d'avoir un pied à terre sur les deux continents. Ce serait top !

 

Comment s’est passé votre retour professionnellement ? Pouvez-vous nous parler de votre activité, de votre vie ?

Je ne peux pas dire que mon retour professionnel soit accompli; plutôt "in progress". J'ai encore bien des étapes à passer avant de réaliser mes projets. Loin du tumulte, je souhaiterais aujourd'hui créer mon propre atelier culinaire en vue de commercialiser ce que je fais de mieux, donner des cours de cuisine aux locaux mais aussi de manière saisonnière aux nombreux touristes qui viennent visiter l'Alsace. En attendant, je continue mon activité de consultante culinaire, je travaille sur mon futur blog, un nouveau site internet et j'aide mon mari dans la comptabilité et le développement de son e-commerce.

 

Est-ce que vous êtes une impatriée sereine ?

Oui dans la mesure ou le lieu géographique où je me trouve actuellement me convient mieux que Manhattan, devenu trop trépidant pour moi. La beauté de la ville d'Obernai que je recommande vivement de visiter, la tranquillité et la qualité de vie associée à des produits locaux exceptionnels sont des éléments essentiels à mon bien-être. Après, j'ai l'impression qu'il me faudra encore beaucoup de temps pour me réapproprier ce lieu et m'y sentir complètement intégrée. Je pense que c'est par le tissu social et mes interactions dans le cadre professionnel que je serai une impatriée sereine et confiante.

 

Merci Patricia !

 

Le nouveau site internet de Patricia Catenne « QUINTESSENCIA by PATRICIA CATENNE » est en construction et sera bientôt accessible.

D’ici là, vous pouvez suivre son actualité et son talent culinaire sur sa toute nouvelle page facebook, PAT’S corner, lancée il y a 48 heures.

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