On fait souvent l’erreur d’admettre que le chancelier allemand est l’égal du président de la République français. Or, ce sont là deux fonctions bien différentes à de nombreux égards : en effet, le système politique allemand diverge profondément du modèle français.
En Allemagne, l’héritage national-socialiste comme leçon d’histoire
Le système politique de la République fédérale d’Allemagne est construit de manière à ce qu’il réussisse là où la République de Weimar a échoué. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, la loi fondamentale fut rédigée dans l’idée qu’on ne pouvait pas remettre trop de pouvoir dans les mains d’une seule personne, ce qui avait, dans les années 30, favorisé l’avènement au pouvoir des nazis.
Le président de la République fédérale est élu par les parlements et se voit accorder des pouvoirs très réduits : il n’a en somme qu’un rôle représentatif. Le véritable chef de l’exécutif est donc le chancelier, qui est élu par les parlementaires siégeant au Bundestag : son rôle est de définir les grandes lignes de l’exécutif et de nommer les ministres fédéraux.
En France, un système qui n’est plus d’actualité ?
Le président français nomme le Premier ministre, peut faire un référendum, dissoudre le parlement, saisir le Conseil constitutionnel.
Aujourd’hui, de nombreuses voix de la classe politique française s’élèvent pour décrier ce que certains qualifient de « monarchie républicaine » et reprochent au président de disposer de trop de pouvoirs.
En effet, lorsque la Constitution de la cinquième République fut rédigée, la France était un pays en crise, et il semblait qu’un exécutif fort soit la seule solution pour remédier à l’instabilité parlementaire et à la guerre d’Algérie qui faisait rage. C’est dans ce contexte que De Gaulle apparut comme l’homme providentiel. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Des deux côtés du Rhin, une forte personnalisation du chef d’État
La popularité et le charisme du chef de l’État jouent un grand rôle dans l’opinion publique : on recherche une personnalité forte capable de faire rayonner le pays à l’étranger.
En France, le personnage du président est extrêmement médiatisé. Élu au suffrage universel direct, le chef de l’exécutif est vu comme un personnage clé qui conduit la politique de la Nation : bien que la Constitution confère ce pouvoir au gouvernant, le chef de l’exécutif s’en empare généralement puisque la plupart du temps il est de la même couleur politique que la majorité parlementaire.
Si le système est différent outre-Rhin, cela n’empêche pas à la chancelière Angela Merkel d’être elle aussi sous le feu des projecteurs : la preuve, elle est parfois désignée sous le surnom de « Mama Merkel » ou « Mutti » !
Le tandem franco-allemand, symbole d’une amitié intemporelle
Si l’amitié franco-allemande a toujours existé à travers les correspondances qu’entretenaient artistes, écrivains, femmes et hommes des deux pays, l’alliance des chefs d’États a en quelque sorte « institutionnalisé » les relations. En Allemagne on préfère le terme de « tandem », plus formel, au symbole de « couple franco-allemand » utilisé de façon récurrente à travers l’Hexagone.
Une date à marquer d’une pierre blanche est probablement celle du 22 janvier 1963, où le président français Charles De Gaulle et le chancelier allemand Konrad Adenauer signèrent le Traité de l’Élysée, annonçant une étroite coopération bilatérale entre leurs deux pays. Depuis, à chaque changement de chef d’État, on assiste à la formation de duos plus ou moins pertinents. On se souvient par exemple des années Merkel-Sarkozy : en premier lieu, la chancelière est en proie à l’incompréhension face au comportement peu conventionnel du Président français, elle regarde d’ailleurs les films de Louis de Funès pour tenter de mieux cerner celui-ci. Mais lors de la crise économique de 2008, les deux dirigeants surent allier leur leadership, donnant ainsi naissance au mot valise « Merkozy ».
Aujourd’hui, le tandem franco-allemand semble être de retour, et ce au nom du plan de relance économique européen suite à la crise du coronavirus. Alors que l’Union européenne avait pu, par le passé, être un sujet de discorde entre les deux États (notamment avec les politiques d’austérité revendiquées par Merkel), elle semble désormais les unir.