Vendredi 13 juin, le rideau est tombé sur la finale du Défi AquaHacking Québec 2025 au Petit Théâtre du Vieux Noranda. Dix équipes d’étudiant·e·s et de jeunes professionnel·le·s sont venues présenter leurs solutions technologiques pour relever les grands défis de l’eau douce. Tour à tour, elles ont exposé leur projet devant un jury d’experts, un public nombreux dans la salle… et plus d’un millier de personnes qui ont pu suivre l’événement en direct sur Viméo. Un événement où se sont mêlés engagement, rigueur scientifique, créativité technologique et, surtout, espoir.


Un défi ancré dans le territoire et construit sur le terrain
La tenue de la finale 2025 à Rouyn-Noranda s’explique par la forte mobilisation locale autour de la revitalisation du lac Osisko, plan d’eau emblématique au cœur de la ville, durement affecté par l’héritage minier. Cinq grands enjeux environnementaux ont été identifiés avec l’aide de porteurs d’enjeux du territoire : le ruissellement urbain, l’eutrophisation, la contamination de l’eau et des sédiments, la prolifération d’espèces aquatiques envahissantes, ainsi que le besoin de mieux mobiliser la science citoyenne au service des lacs et rivières.
Ces défis, ancrés dans la réalité du terrain, ont été formulés grâce à l’expertise d’une quinzaine de chercheuses, chercheurs, responsables municipaux, organismes environnementaux et entreprises de la région. Leurs contributions ont permis de transformer un concours d’innovation en un véritable exercice de co-construction appliquée. Cette manière de faire est à saluer, elle permet une véritable adéquation entre les projets et la réalité.
Après une première sélection en novembre 2024, une demi-finale tenue le 8 mars 2025 a permis de retenir dix équipes finalistes. Celles-ci ont été accueillies à Rouyn-Noranda en avril pour une immersion de trois jours : exploration du lac, rencontres avec les acteurs locaux, ateliers de travail. De retour dans leurs milieux respectifs, elles ont bénéficié de plus de 50 heures d’ateliers et de mentorat, avec un soutien financier de 1 000 $ par équipe pour le développement de leur prototype. Le 13 juin, elles étaient prêtes pour la grande finale…

Un public ému, une mairesse fière
La journée commence sous les projecteurs, mais c’est le lac Osisko, situé à quelques pas de là, qui reste au cœur des conversations. « Ce lac est plus qu’un plan d’eau, c’est notre mémoire collective », rappelle Diane Dallaire, mairesse de Rouyn-Noranda, dans une allocution chaleureuse. C’est aussi un terrain d’expérimentation, marqué par la contamination des sédiments, l’eutrophisation, l’érosion des berges et la prolifération d’espèces envahissantes. Lieu-symbole, donc, pour ce 14e Défi AquaHacking, soutenu par AquaAction, le ROBVQ, Réseau Environnement et le Collectif Territoire.

Sur scène, une citation s’incruste en filigrane tout au long de l’après-midi : « L’eau n’a pas besoin de nous. Nous, par contre, dépendons d’elle pour tout. » Une formule de vérité partagée avec émotion par Anne Pascale Richardson, incroyable cheffe d’orchestre de la journée, qui voit dans cette finale bien plus qu’un point d’arrivée : « C’est une ligne de départ. »
Dans les coulisses de l’eau : des idées qui bousculent
Le format est simple : cinq minutes de pitch, cinq minutes de questions. Et un jury d’experts aux oreilles grandes ouvertes. Les idées fusent : bio-réacteurs flottants, capteurs IoT, plateformes éducatives, intelligence artificielle, phytoépuration. Chaque équipe incarne à sa manière une vision de l’avenir.
Derrière les innovations, des visages : Chafia, née sur une île, qui raconte son basculement vers l’écologie après avoir vu des enfants malades à cause d’effluents industriels ; Jamel, qui a grandi à suivre son père agronome sur le terrain, et qui croit que « la donnée est la clef » ; ou encore ceux de l’équipe CADeau, qui ont développé une application ludique pour sensibiliser les plus jeunes à la santé des lacs.

Le jury – composé de Mariève Migneault (CLD Rouyn-Noranda), Anne-Marie Nadeau (Ville de Rouyn-Noranda), Sébastien Cottinet (ROBVQ), Thomas Genty (Agnico Eagle), et Marouan Rejeb (CTRI) – aura fort à faire. Car comme le dit l’un d’eux : « Idéalement, on aimerait faire gagner tout le monde. »

Première place : Sulys
C’est finalement l’équipe Sulys qui repart avec les honneurs – et les 20 000 $ du premier prix. Leur technologie : une solution combinant analyse d’ADN environnemental et intelligence artificielle pour détecter les espèces aquatiques envahissantes. L’idée est ambitieuse, la réalisation convaincante. « Ce prix, ce n’est pas une fin. C’est un levier. On a la responsabilité d’en faire quelque chose », lance Louis-Philippe Noël, l'un des co-fondateur, dans un discours chaudement applaudi.

Deuxième place : Lacus Cras
Le prix Agnico Eagle (10 000 $) revient à Lacus Cras et son FloteX, un îlot flottant de dépollution naturelle, composé de matériaux québécois et de plantes filtrantes. « Ce projet est 100 % québécois, de l’idée à la fabrication. C’était important pour nous », souligne Yachar Ben Arous, membre de l’équipe, très émue.

Troisième place : AquaPure Analytics
La médaille de bronze (5 000 $) est remise à AquaPure Analytics, une plateforme connectée de surveillance de la qualité de l’eau. L’équipe mise sur l’analyse de données, la modélisation prédictive et les capteurs multi-paramètres. Leur slogan : « On ne peut pas gérer ce qu’on ne mesure pas. »

Quatrième place : CADeau
Un prix surprise (4 000 $) a été attribué à CADeau pour ÉduAction, une application éducative au graphisme coloré, combinant carte interactive et terrarium virtuel. Leurs remerciements improvisés sur scène arrache les sourires : « C’est une surprise totale, mais un grand encouragement. »

Prix du public : AQUORA
Enfin, le public – plus de 800 votants – a récompensé AQUORA pour BioFintel, un biofiltre intelligent qui utilise des processus naturels couplés à des capteurs. « C’est grâce à vous qu’on est là. Merci d’avoir cru en nous », déclare Cyrille Gatien Kafack Zamo, porte-parole de l’équipe, en saluant aussi leur directrice de recherche.

AquaAction : catalyseur d’innovations pour l’eau
Depuis près d’une décennie, AquaAction s’impose comme un acteur incontournable de l’innovation en environnement au Canada. Son programme phare, le Défi AquaHacking, est plus qu’un concours : c’est un incubateur de talents, un tremplin vers l’action, et un véritable accélérateur de solutions pour les enjeux liés à l’eau douce.
Grâce à son approche fondée sur le mentorat, le développement du leadership et des partenariats stratégiques avec l’industrie et les collectivités, AquaAction a accompagné l’émergence de plus de 100 entreprises technologiques actives dans le domaine de l’eau. Ensemble, ces initiatives génèrent aujourd’hui plus de 200 millions de dollars de revenus annuels, ont permis de lever plus de 65 millions de dollars en capitaux et ont créé plus de 400 emplois verts à travers le pays.

Au cœur de cette réussite : une philosophie de l’engagement et de la collaboration. Comme le résume Soula Chronopoulos, présidente d’AquaAction
« Notre mission est de soutenir la relève qui développe des solutions concrètes pour les enjeux les plus pressants liés à l’eau. La finale d’aujourd’hui n’est qu’un début. »
Chaque édition du Défi AquaHacking vient nourrir un écosystème d’innovation ancré dans les réalités locales, mais tourné vers les solutions globales. Et c’est cette dynamique — celle d’un changement systémique par le bas — que l’événement de Rouyn-Noranda a rendu plus tangible que jamais.
Une communauté qui ne fait que commencer
Au-delà des prix, la finale a révélé des liens profonds : entre pairs, mentors, porteurs d’enjeux et institutions. Le Collectif Territoire, impliqué dans la revitalisation du lac Osisko, a salué « la qualité humaine et la pertinence environnementale » des projets. Du côté d’AquaAction, on pense déjà à la suite pour ces finalistes : le programme AquaEntrepreneur, l’intégration dans le réseau AquaNation...
Visionner les vidéos de présentation des 10 équipes finalistes
Dans son introduction, Dominique Monchamp, directrice de la Fondation de Gaspé Beaubien, qui a établi AquaAction, partage une leçon tirée de l’expérience de Philippe de Gaspé Beaubien à l’Expo 67 : « Ne vous fiez pas à l’idée que vous aviez, regardez où les gens veulent passer. Et agissez en fonction de ce que vous voyez.»
Ce que Rouyn-Noranda a démontré, d’autres territoires francophones pourraient l’inventer à leur tour.
Et maintenant…
La démonstration est faite : la jeunesse québécoise est prête à innover pour l’eau, avec rigueur, ambition et solidarité. Mais une autre question, plus vaste, se profile désormais : et si cette dynamique dépassait les frontières du Québec et du Canada ?
Partout dans l’espace francophone — des rizières du Mékong aux berges du fleuve Sénégal, des rives du Saint-Laurent aux deltas de la Loire ou du Congo — les défis liés à l’eau douce s’intensifient. Et partout, une génération se lève, porteuse d’idées et de solutions concrètes.
Le modèle d’AquaAction a fait ses preuves. Ne serait-il pas temps d’imaginer un Défi AquaHacking international, ancré dans la Francophonie et ouvert aux talents d’Afrique, d’Asie et d’Europe ?
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