Deux ans à peine après sa relance, l’Alliance Française de Montréal dévoile un rapport annuel qui témoigne d’une transformation exceptionnelle. Avec un chiffre d’affaires supérieur à un million de dollars, une offre pédagogique en forte expansion et un rayonnement culturel renouvelé, l’institution marque un tournant décisif. Reste à stabiliser cette croissance fulgurante sans perdre l’âme du projet.


Un redéploiement audacieux dans le Vieux-Montréal
En juillet 2024, l’Alliance Française de Montréal a pris possession de ses nouveaux locaux au 317 place D’Youville, au cœur du Vieux-Montréal. Une adresse emblématique pour une institution en plein renouveau. « C’est plus qu’un déménagement, c’est un changement de dimension », explique Christophe Brayet, directeur général. Le lieu, à la fois élégant et fonctionnel, a permis de repenser les espaces d’accueil, d’enseignement et de culture, tout en les ouvrant sur la ville.
Ce nouvel ancrage a favorisé une montée en puissance rapide. L’école a accueilli 887 apprenants — soit neuf fois plus que l’année précédente — et proposé 16 470 heures de cours. Le taux de réinscription dépasse les 50 %, signe d’un fort attachement à l’expérience offerte. « Nous avons créé un lieu de transmission mais aussi de confiance, où chacun peut progresser à son rythme », souligne le directeur.
L'Alliance Française de Montréal : une renaissance dans le Vieux-Port
Une offre pédagogique repensée et inclusive
L’Alliance a structuré son pôle pédagogique autour de trois axes clairs : les cours collectifs progressifs, les cours privés flexibles et les ateliers pratiques. Trois formats d’intensité sont proposés, du régulier à l’intensif, avec des outils numériques à l’appui. Parmi eux, la plateforme PrepMyFuture, récemment intégrée, permet aux apprenants de se préparer en autonomie aux examens de français — TEF, TCF, DELF ou DALF — grâce à des leçons interactives, des tests blancs et un suivi personnalisé.
Mais au-delà des formats, c’est la pédagogie humaine et bienveillante qui séduit. « Je peux parler en français sans avoir peur de me tromper. C’est ça qui change tout », témoigne Mei, apprenante japonaise. L’équipe enseignante — composée de 33 professionnels formés aux certifications officielles — porte une attention particulière à la progression de chacun, avec un encadrement personnalisé et des remises de diplômes officielles qui valorisent les parcours.
Un pôle culturel en pleine lumière
L’année 2024–2025 a été marquée par une programmation culturelle audacieuse : expositions, concerts, projections, concours d’éloquence… La participation de l’Alliance au Défi Inter-Alliances — avec un finaliste à Paris — a illustré l’intégration de Montréal dans la dynamique francophone mondiale. « Cette année, nous avons tissé des liens avec des partenaires internationaux tout en renforçant notre ancrage local », observe Fanny Macé, présidente du CA.

La Journée internationale de la Francophonie a été célébrée en grande pompe, en collaboration avec les institutions québécoises. Expositions de Raphaëlle Macaron et du tandem Blain/Jancovici, concert de Maxime Zecchini au Conservatoire… L’Alliance s’est imposée comme une vitrine vivante de la culture francophone, dans toute sa diversité.
Maxime Zecchini : un virtuose de la main gauche à Montréal
Des finances dynamiques mais maîtrisées
Le chiffre d’affaires annuel 2024–2025 atteint 1 069 730 $, contre 200 385 $ l’année précédente, soit une progression spectaculaire par un facteur de cinq. Cette croissance est portée quasi exclusivement par l’activité pédagogique : cours et certifications représentent l’immense majorité des revenus, tandis que la part des activités culturelles reste marginale (moins de 4 %).
Les dépenses ont suivi une courbe parallèle, passant de 196 248 $ à 1 032 607 $. L’exercice se clôt sur un excédent net indiqué de 37 123 $, signe que la montée en puissance reste sous contrôle. L’enjeu pour les années à venir sera de consolider cette nouvelle échelle sans perdre l’agilité acquise.
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Une masse salariale à la hauteur de l’ambition
La masse salariale (salaires, charges et honoraires) a suivi la courbe d’expansion : de 35 653 $ en 2023–2024 à 579 631 $ en 2024–2025. Le nombre d’enseignants référencés a fortement augmenté, et de nouveaux postes ont été créés. Ce choix reflète une volonté claire : garantir un enseignement de qualité dans un cadre structuré. « La croissance est venue avec l’exigence d’un service irréprochable », souligne l’équipe dans le rapport.
Un loyer en forte hausse et des locaux stratégiques
Le poste “loyer” illustre lui aussi le changement d’échelle. Passé de 28 601 $ à 145 295 $, il intègre désormais les frais liés aux nouveaux locaux du Vieux-Montréal, à leur agrandissement progressif et à la professionnalisation de l’accueil. Là encore, l’objectif est à long terme : faire du site un pôle vivant, accessible et multifonctionnel, à la hauteur du rôle que l’Alliance entend jouer.
Vers un centre d’excellence pour l’enseignement du français
L’Alliance Française de Montréal affiche désormais l’ambition claire de devenir un centre d’excellence pour l’apprentissage du français langue seconde en Amérique du Nord. Ressources numériques, encadrement personnalisé, formation continue et certifications internationales en sont les piliers. « Apprendre le français à Montréal, c’est aussi apprendre à vivre en français », affirme l’équipe pédagogique.
Une croissance projetée, mais prudente
Pour l’année 2025–2026, la direction annonce une hausse ciblée de 10 % des inscriptions, et une consolidation de l’existant plutôt qu’une nouvelle phase d’expansion. L’équilibre budgétaire reste prioritaire. L’Alliance entend capitaliser sur sa notoriété croissante, tout en renforçant ses liens avec les institutions locales et les communautés francophones du Québec.

Un conseil d’administration engagé et renouvelé
L’assemblée générale a aussi été l’occasion de renouveler une partie du conseil d’administration de l’Alliance Française de Montréal. Marqué par un équilibre entre continuité et ouverture, le nouveau CA accueille Pierre-Franck Honorin, MBA., en tant qu’administrateur, et reconduit les mandats de Valeriane Boschetti Dumont et Fabien Kuntzmann. Fanny Macé demeure présidente, entourée de Fabien Kuntzmann (vice-président), Jean-Paul Sabini (secrétaire), Marianne Lépinoit (trésorière), Arnaud Nobile, et Christophe Brayet, directeur général. Un mot de reconnaissance a été adressé à Florent Vagnier pour son implication tout au long de son mandat. L’ensemble de l’équipe dirigeante entend poursuivre avec rigueur et ambition la consolidation des activités pédagogiques et culturelles de l’Alliance.
Et toujours, la langue comme moteur
L’Alliance a réussi en deux ans ce que d’autres mettent cinq à dix ans à faire : construire un lieu vivant, attractif, et crédible pour la langue et la culture françaises à Montréal. La direction sait où elle va. Les outils sont là. L’élan est réel.
Au cœur de cette effervescence, l’apprentissage du français demeure la boussole de l’Alliance. C’est par la langue que l’on tisse les liens, que l’on accède à la culture, que l’on s’intègre à une communauté. En ce sens, l’Alliance Française de Montréal ne se contente pas de transmettre une grammaire : elle construit un espace de confiance, de dialogue et d’émancipation.
Alors que Montréal continue d’accueillir des milliers de nouveaux arrivants francophiles, le rôle de l’Alliance Française s’impose avec d’autant plus d’évidence. Car apprendre le français ici, c’est bien plus que suivre un cours : c’est entrer dans une histoire commune, partagée, vivante.