Alors que la demande mondiale en minéraux critiques explose, le Québec s’impose comme un acteur stratégique de l’industrie minière. Grâce à ses vastes ressources et à son engagement pour une exploitation responsable, il joue un rôle central dans la transition énergétique et renforce sa position sur l’échiquier géopolitique mondial. Entretien avec Jocelyn Douhéret, Directeur des Politiques minières au ministère des Ressources naturelles et des Forêts.


Une tradition minière solidement ancrée
Avec des ressources en or, en fer, en nickel et en cuivre, le Québec a toujours joué un rôle clé dans l’industrie minière canadienne. Aujourd’hui, il se distingue par l'exploitation des minéraux critiques et stratégiques, essentiels aux nouvelles technologies et à la transition énergétique. « Nos ressources minières sont plus que jamais au cœur des enjeux économiques mondiaux », affirme Jocelyn Douhéret, Directeur des Politiques minières au Ministère des Ressources naturelles et des Forêts.
Jocelyn Douhéret, un Français au cœur de l'industrie minière québécoise.
L’exploitation minière québécoise s’est historiquement développée grâce à la géologie favorable de la province et à des investissements massifs dans l’innovation et les infrastructures. Aujourd’hui, avec l’essor des technologies propres et de l’électrification des transports, les opportunités sont plus grandes que jamais. Les activités d’exploration minière se multiplient, en particulier dans le Nord-du-Québec, un territoire immense qui recèle un potentiel encore largement inexploité.

Des minéraux indispensables à l'économie moderne
Lithium, graphite, terres rares… ces minéraux critiques sont au cœur de la fabrication des batteries, des technologies impliquées dans la production d’énergies renouvelables ou encore des semi-conducteurs. « Sans ces matières premières, pas de batteries pour les véhicules électriques, pas de télécommunications et pas de transition énergétique », rappelle Jocelyn Douhéret.
Le potentiel du Québec est immense : il détient plus de 50 % des projets de lithium canadiens et une réserve de graphite parmi les plus importantes au monde. « Nous avons l’opportunité de devenir un fournisseur majeur, avec des standards environnementaux parmi les plus élevés », souligne-t-il.

De plus, le Québec possède un atout majeur : une électricité verte. Grâce à son réseau hydroélectrique, il peut offrir aux industries une source d’énergie à faible empreinte carbone, ce qui renforce son attractivité pour les investisseurs internationaux.
Un secteur en pleine mutation
L'industrie minière québécoise se transforme pour intégrer les notions de développement durable et, donc, d’extraction responsable. Depuis 2013, toute exploitation minière doit inclure un plan de restauration des sites. « L’idée est de maximiser l’utilisation des ressources et de minimiser l'impact environnemental », explique M. Douhéret.
Par ailleurs, plus récemment, l'accent est mis sur la valorisation des résidus miniers : « Il y a encore beaucoup à extraire des parcs à résidus de vieilles mines. Plutôt que de seulement ouvrir de nouveaux sites, la tendance est de voir à exploiter au maximum ce qui a déjà été extrait », ajoute-t-il.
La digitalisation et l’intelligence artificielle jouent aussi un rôle clé dans la modernisation des opérations minières. Des capteurs intelligents et des systèmes de surveillance avancés permettent de mieux gérer les ressources, d’améliorer la sécurité des travailleurs et de réduire l’impact environnemental des exploitations.

Une industrie créatrice d'emplois attractifs
L’industrie minière québécoise est en constante recherche de main-d’œuvre qualifiée. Les emplois offerts, souvent bien rémunérés, attirent des travailleurs de divers horizons, y compris de l’étranger. « Les mines proposent des salaires compétitifs et des conditions de travail qui peuvent être très avantageuses, notamment pour ceux prêts à travailler en région éloignée », explique M. Douhéret.
Les géologues, ingénieurs et techniciens spécialisés sont particulièrement recherchés. De nombreux géologues français ont ainsi choisi de faire carrière au Québec, séduits par les opportunités et l’immensité des territoires à explorer. « Il n’est pas rare de croiser un géologue français à Rouyn-Noranda ou dans le Nord-du-Québec. La profession est en forte demande et l’industrie québécoise accueille volontiers des talents internationaux », ajoute-t-il.
En parallèle, des programmes de formation spécialisés sont développés pour attirer davantage de travailleurs locaux, autochtones et non autochtones, et favoriser l’intégration des immigrants dans le secteur.
Une dimension géopolitique croissante
Les minéraux critiques sont devenus un enjeu de diplomatie internationale. Le Québec travaille en partenariat avec la France, l'Allemagne et le Japon pour développer des chaînes d'approvisionnement sécurisées. « La pandémie a révélé la fragilité des chaînes logistiques. Aujourd'hui, nous devons garantir un approvisionnement éthique et stable », insiste M. Douhéret.
La signature d’un accord avec la France en 2023 sur les minéraux critiques illustre cette stratégie. « Nous ne voulons pas seulement être un exportateur de matières premières. L’objectif est d’attirer des industries pour transformer ces ressources localement et créer de la valeur », déclare-t-il.
L’essor de la production de minéraux critiques au Québec s’inscrit aussi dans une compétition mondiale intense. Des pays comme la Chine, leader dans l’extraction et la transformation des terres rares, dominent le marché. Le Québec doit donc développer ses propres capacités de raffinage et de fabrication pour ne pas rester dépendant de puissances étrangères.
L'avenir de l'industrie minière au Québec
Le défi est de taille : comment extraire plus de minéraux tout en limitant l'empreinte environnementale ? Les solutions passent par l’électrification des mines, l’amélioration des processus d'extraction et une réglementation stricte. « L’industrie minière québécoise est en train d’innover à ces chapitres. Si nous réussissons, nous deviendrons un modèle mondial », conclut Jocelyn Douhéret.
Le gouvernement québécois investit aussi dans la formation et la main-d’œuvre, afin d’attirer de nouveaux talents et de répondre aux besoins croissants du secteur. L’automatisation et la robotisation permettent également de pallier la pénurie de travailleurs tout en améliorant les conditions de travail.
Avec une demande en constante augmentation et des ressources stratégiques, le Québec se prépare à jouer un rôle clé dans l’avenir des minéraux critiques. Une industrie en plein essor, à la croisée des enjeux environnementaux et économiques, qui pourrait bien redéfinir les standards de l’exploitation minière à l’échelle mondiale.
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