En octobre 2021 Melissa a quitté la France pour sillonner l’Asie, s'impliquant dans divers projets à forte dimension environnementale et sociale, du Népal à l’Indonésie, en passant par le Cambodge, le Laos, la Thaïlande, et la Malaisie. Après près de trois ans en Asie, elle change de continent pour venir étudier la migration des baleines à Phillip Island depuis Juillet 2024.
Qui êtes vous?
Je m’appelle Mélissa, j’ai 25 ans et depuis trois ans je me suis lancée dans un tour du monde solidaire. J’ai grandi à Senlis, en Picardie, alors que mes parents travaillaient tous les deux comme personnels navigants pour Air France. Ma famille a toujours été passionnée par le voyage, et j’ai eu la chance de pouvoir découvrir le monde depuis que je suis jeune.
Pourtant à la fin de mes études, j’ai souhaité penser le voyage différemment.
En France j’avais déjà la bougeotte : j’avais fait ma prépa à Lille, puis mon école à Grenoble, avant de partir à Paris pour faire un deuxième master en hôtellerie, et revenir en Rhone-Alpes pour faire mon alternance à Lyon.
Quelles convictions et engagements dictent votre tour du monde solidaire ?
À la fin de mes études en école de commerce, je me suis retrouvée en pleine quête de sens, me sentant de plus en plus concernée par la crise climatique et les enjeux de justice sociale.
Je ne savais pas comment contribuer positivement à ces causes ni comment avoir un impact tangible sur le monde et les communautés. En octobre 2021, j’ai pris la décision de quitter la France pour rejoindre des projets à impact en Asie. Je ne comprenais pas tant comment je pouvais construire une vie professionnelle sans avoir compris le monde, alors j’ai voulu aller voir par moi-même ce dont on me parlait à l’école. Mon objectif était de découvrir ces régions à travers les problématiques environnementales et sociales qui les traversent, avec pour fil conducteur d’explorer différents métiers pour trouver celui qui me rendrait heureuse et utile.
Pourriez vous s’il vous plaît nous parler des premières étapes de votre tour du monde ?
Pendant près de trois ans, j’ai souhaité prendre le temps de la découverte en m’immergeant dans chaque pays (dans l’ordre : Népal 3 mois, Thaïlande 8 mois, Cambodge 4 mois, Laos 3 mois, Malaisie 5 mois, Indonésie 11 mois), en rejoignant un projet local dans chaque pays sous la forme de volontariats. J'ai tellement de choses à dire sur chacune de mes étapes, et l'interview est déjà assez longue : pour en savoir plus sur mon tour du monde avant mon arrivée en Australie, suite au prochain épisode, dans une deuxième interview, qui sera publié le vendredi 30 août 2024.
Bien que mes expériences aient été variées, j’ai vite réalisé que ce qui me passionnait vraiment étaient les projets liés à la protection animale, à la conservation et à la protection de la biodiversité.
J’ai travaillé dans des refuges pour chiens, des centres de réhabilitation pour animaux sauvages, et depuis deux ans, je me consacre à la conservation marine : tortues marines, requins, plantations de coraux, et tout récemment, la conservation des baleines.
Pourquoi avez vous choisi le volontariat ?
J’ai fait le choix de ne rejoindre que des volontariats pour avoir la liberté la plus grande dans le choix des projets et des métiers.
J’ai donc vécu sur mes économies pendant trois ans, en étant hébergée et parfois nourrie par les structures qui m’accueillaient. Si j’ai adoré ce mode de vie, j’avais également besoin de renflouer mon compte en banque et le PVT en Australie est apparu comme une opportunité incroyable pour continuer à apprendre tout en gagnant à nouveau de l’argent.
Pourquoi vous-êtes vous expatriée en Australie plutôt qu'ailleurs ?
Après trois ans à travailler pour la protection de la biodiversité, l’Australie s'est imposée comme une étape incontournable après l’Indonésie. La faune sauvage y est absolument fascinante, et les océans abritent des créatures aussi magnifiques que vulnérables. J’avais à cœur de continuer à approfondir mes connaissances tout en contribuant activement à la protection de l’océan.
Depuis mon départ de France, je m’efforce de minimiser mon impact carbone. C’est très important pour moi de montrer que d’autres manières de voyager sont possibles, plus lentes, plus conscientes.
J’ai traversé les frontières d’Asie pendant plus de deux ans sans prendre l’avion, et je tenais vraiment à poursuivre cette démarche. L'Australie étant le pays le plus proche accessible par voie maritime depuis l’Asie, c’était une transition naturelle.
Je suis impressionnée que vous ayez sillonné l’Asie sans jamais prendre l’avion ! Avez vous rejoint l’Australie par bateau ?
J’ai tenté pendant trois mois de rejoindre l’Australie en bateau-stop. J’avais trouvé un capitaine qui avait prévu de ramener son voilier fraîchement acheté à Singapour jusqu’à la Sunshine Coast, et qui cherchait un équipier supplémentaire pour faire la traversée. Le seul problème était que j’arrivais à bout de mon visa et que j’allais quitter le pays avec plusieurs jours d’“overstay”, mais je me disais que pour une telle aventure, le risque valait largement le coup. Nous étions censés faire ce voyage à trois, ce capitaine peu expérimenté, moi, et un marin qui avait navigué sur les mers du monde entier et qui était prêt à nous transmettre son savoir et son expérience. Sur le papier, c’était la combinaison parfaite ! Pourtant la veille du départ, ce deuxième capitaine, c’est-à-dire la seule personne qui était vraiment expérimentée, m’a appelé. Il m’informait qu’il avait quitté le bateau pour des raisons de sécurité, et me conseillait très fortement de ne pas monter sur le voilier.
Avec beaucoup de frustration mais préférant ne pas me mettre en danger, j’ai informé le capitaine du voilier que j’annulais ma participation à la traversée.
N’ayant aucune autre piste de bateau-stop et étant déjà en overstay en Indonésie, j’ai quitté Lombok le jour même pour arriver à Brisbane quelques heures plus tard, le 9 juillet 2024.
Comment votre famille a-t-elle vécu votre emménagement en Australie ?
J’ai eu la chance incroyable de faire un échange scolaire de deux mois à Brisbane quand j’avais 14 ans, pendant mon année de seconde au lycée. J’y ai vécu chez ma correspondante australienne et sa famille, et elle est ensuite venue vivre deux mois chez ma famille, dans notre maison d’une petite ville de Picardie. Cette expérience a été très enrichissante pour tout le monde, créant un lien particulier entre ma famille et l’Australie.
Tout le monde était donc très excité de me savoir y retourner après plus de dix ans. À mon arrivée à Brisbane, j’ai eu la chance d’être hébergée par mon ancienne correspondante, ce qui a facilité mon ajustement et a rassuré ma famille.
Après trois ans à changer de pays tous les six mois, je crois qu’ils étaient contents de savoir que je resterais dans un même pays pour une durée un peu plus longue.
Pourquoi avez vous choisi Phillip Island plutôt qu'ailleurs ?
Je suis arrivée en Australie avec un désir brûlant d’en apprendre sur les migrations, et notamment celles effectuées tous les ans par les grands mammifères marins.
J’ai ainsi envoyé des candidatures spontanées à tous les centres de conservation et compagnies de bateau qui travaillaient pendant la saison de migration des baleines à bosses, sur la côte Est et Ouest. Un matin, j’ai reçu un message de Wildlife Coast Cruises, une compagnie de whale watching à Phillip Island, qui me proposait de rejoindre leurs équipes. Non seulement j’avais réussi à emmener ma curiosité en Australie, mais en plus pour la première fois depuis longtemps, j’allais recevoir un salaire. J’avais l’impression d’avoir tout gagné ! Pourtant j’avais un peu peur d’aller autant au Sud de l’Australie, parce qu’après avoir passé autant de temps sous la chaleur de l’Asie, j’avais peur d’y perdre quelques doigts de pied.
Que pensez vous de la vie à Phillip Island?
Je dois admettre qu’après trois ans en Asie, la grandeur de l’Australie m’a un peu effrayée. Après quelques semaines à Brisbane, j’avais besoin de trouver un cocon près de l’océan, en dehors du brouhaha de la ville. On m’a dit, à Phillip Island on sent le vent glacé d’Antarctique et cette idée du bout du monde a suffi à me convaincre. Dans le bus pour y arriver, j’ai compris que j’avais pris la bonne décision. Il y a sur l’île, le temps qui s’étire.
Quand je me balade sur mon vélo, j’entends les oiseaux qui chantent et je vois les troupeaux qui vivent près de l’eau. Tous les soirs le soleil se couche et le ciel se transforme. Surtout, il y a les baleines, les pélicans, les pingouins, les dauphins. Phillip Island c’est un petit bout de magie qui en dit beaucoup sur la beauté et la richesse de l’Australie.
Pouvez-vous nous parler de votre emploi chez Wildlife Coast Cruises ?
Je travaille comme deckhand pour Wildlife Coast Cruises pendant la saison de migration des baleines. Même si je n’ai pas fait d’études en biologie marine, ma curiosité m’a permis d’apprendre énormément sur les créatures qui peuplent nos océans. Après avoir passé un an à protéger les requins en Indonésie, je tenais vraiment à plonger dans l’univers fascinant des baleines.
Travailler sur l’eau est un privilège incroyable, offrant chaque jour un spectacle unique. On ne sait jamais quelles merveilles on va croiser, et c’est ce qui rend ce métier si magique !
Je suis arrivée début août, juste à la fin de leur remontée vers le Queensland. Dans quelques jours, nous partirons au parc national de Wilsons Promontory pour observer leur retour vers l’Antarctique. Mes collègues m’ont décrit cette expérience comme unique, car les baleines y sont nombreuses et très joueuses, et j’ai hâte de vivre ça.
Quant à mon rôle : sur le bateau, je veille à la sécurité et au confort des passagers pendant la croisière, et je partage avec eux des informations sur les baleines et sur leur conservation.
Quel visa avez-vous demandé pour venir travailler en Australie ?
J’ai opté pour un visa Working Holiday, qui me permet de travailler tout en voyageant, avec la possibilité de rester jusqu’à trois ans.
Combien de temps prévoyez-vous de rester en Australie ? Quelle est votre prochaine destination ?
Je prévois de rester environ deux ans en Australie, afin de prendre le temps de m'investir dans un projet dans chaque État.
Ensuite, j’espère reprendre mes aventures en bateau-stop pour rejoindre la Nouvelle-Zélande, puis Tonga, les Fidji… mon rêve étant d’arriver en Polynésie Française en voilier !
Avez-vous des conseils à donner à nos lecteurs qui envisagent de s'expatrier en Australie ?
Après avoir intentionnellement fui le froid pendant trois ans et m’être réfugiée dans des pays où on se sent toujours en été, je dois admettre que l’arrivée en Australie m’a rappelée ce que pouvait être l’hiver.
Couvrez-vous bien si vous prévoyez de visiter Phillip Island à partir de mai !