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BURSTING AT THE SEAMS - Un regard ému sur les prisons philippines

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Écrit par Lila BUNOAN
Publié le 18 avril 2018, mis à jour le 18 avril 2018

Des milliers de personnes ont cru qu'échapper à la mort dans le cadre de la guerre contre la drogue du président Rodrigo Duterte était une chance. Jusqu'à leur entrée en prison... Elles n'auraient en effet jamais pu imaginer que les centres de détention philippins étaient si congestionnés, insalubres et inadaptés pour des humains.  

 

Une exposition sous forme de plaidoyer 

 

Rick Rocamora est un photographe documentaire primé qui se consacre à la documentation des questions relatives aux libertés civiles, aux droits des immigrants et à leurs contributions à la richesse des États-Unis, ainsi qu'aux droits de l'Homme et aux injustices sociales aux Philippines.  

 

Sur la commande de la Cour suprême des Philippines, le photographe a passé six ans à visiter des prisons et des centres de détention à travers les Philippines, documentant leurs surpopulations notoires et leurs conditions de vie inhumaines. Il a exposé son travail durant un mois à l'Ayala Museum de Manille (Greenbelt, Makati). 

La situation des prisons était déjà mauvaise en 2011, quand il a commencé son enquête, mais elle s'est aggravée de façon exponentielle avec la guerre de l'administration actuelle contre la drogue. 

 

Rocamora a pu passer du temps avec les détenus à l'intérieur de leurs cellules, une fois que les gardes se sont sentis assez en confiance pour le laisser seul avec eux. Pour y arriver, il les a convaincus que révéler le sort des détenus au grand public profiterait aux gardiens qui sont souvent tenus pour responsables et blâmés quand des émeutes se produisent ou quand des prisonniers meurent. Il s'est par ailleurs engagé à ne pas créer de tensions internes en mettant en valeur un groupe particulier de prisonniers. 

 

Quelques chiffres... 

 

L'état du système carcéral philippin viole depuis longtemps la Constitution philippine et l'ensemble des règlements des Nations Unies relatifs au traitement des détenus. Dès 2014, la prison de Quezon City, construite pour héberger seulement 815 détenus, en comptait 3 400. Chaque prisonnier bénéficiait d'une surface habitable de 0,28 mètres carrés, bien en deçà de la norme minimale de trois à quatre mètres carrés par personne établie par les Nations Unies pour le traitement des prisonniers.  

 

Selon l'Institut de criminologie de l'Université Birkbeck de Londres, le taux d'occupation moyen des prisons philippines était de 436% en 2017. Plusieurs organisations non gouvernementales considèrent même que les prisons philippines auraient actuellement un taux de congestion de 558%, supérieur à celui d'Haïti. Les conditions inhumaines en prison sont, dans l'ensemble, et d'après ces études, le résultat du cadre de rétribution et de punition dans ce système carcéral.  

 

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Selon les mêmes études, les prisonniers sont en effet punis en étant privés de leurs droits humains fondamentaux à un abri décent, à un accès à une eau propre et potable, à une nutrition convenable. La plupart des prisonniers vivent dans des locaux très exigus, sans ventilation ni éclairages appropriés. Ils dorment parfois à même le sol. Des éviers et des cuvettes de toilettes encombrent parfois davantage encore leurs petites cellules. 

 

Même avec un budget combiné de 6,66 milliards de pesos (issu de leurs deux administrations de tutelle), les administrateurs pénitentiaires n'attribuent en moyenne qu'une indemnité journalière de subsistance de 50 pesos par détenu. 

 

Un regard tourné vers le futur 

 

Ainsi, ce travail d'enquête photographique, qui a donc commencé comme une commande de la Cour suprême philippine, a évolué en un projet à long terme, artistique et politique.  

 

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Le photographe préconise aujourd'hui des solutions de grande envergure qu'il développe selon deux axes : l'amélioration structurelle des installations et une refonte du système de gestion financière des prisons, passant notamment par l'intégration des différentes parties prenantes dans une seule agence.  

 

Cela signifie qu'au-delà de la construction d'infrastructures plus nombreuses et de meilleure qualité, les prisons et les pénitenciers des Philippines, actuellement supervisés par le Bureau de la gestion des prisons et de la pénologie, le Bureau des services correctionnels et les administrations locales, devraient, selon lui, tous être intégrés dans un organisme unique pour normaliser les protocoles de gestion.  

 

L'amélioration du système carcérale ne pourra par ailleurs, selon lui, être efficace sans l'appui des juges et des avocats qui ont leur rôle à jouer pour décongestionner les prisons de tous les prisonniers en attente de jugement et pour faire appliquer la loi à l'intérieur même des prisons. 

Lila BUNOAN
Publié le 18 avril 2018, mis à jour le 18 avril 2018

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