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RELIGION - Y aura-t-il une mosquée à Milan ?

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 16 mai 2016, mis à jour le 17 mai 2016

Début avril dernier, la Commune de Milan déclarait la construction de deux mosquées reportée d'au moins 90 jours, pour des raisons d'infaisabilité. Mais cette annonce pourrait cacher la volonté de dépasser la date des élections municipales de juin, par crainte de perdre des votes. Les associations islamiques de Milan déplorent cette situation, en rappelant notamment que la Constitution autorise les lieux de culte pour chaque religion. La France, elle, compte près de 2500 mosquées.

Mosquée Hassan II Crédit Photo : Never House


Déçue mais pas abattue pour autant. Après le désistement de la Commune de Milan quant au projet de construction de deux mosquées, il n'y a pas d'autres mots pour définir l'humeur de la communauté musulmane de la ville. "Un grand pas en arrière sans aucune raison valable", selon Davide Piccardo, porte-parole du Caim (Coordinamento delle comunità islamiche). L'annonce a un goût amer pour ce dernier puisque début avril, il pensait encore pouvoir poser la première pierre des nouveaux lieux de culte dédiés aux 120 mille fidèles de Milan. "Nous continueront d'emprunter toutes les voies légales pour obtenir ce qui est prévu par la loi et inscrit dans la Constitution", affirme-t-il. L'Italie compte six mosquées au total, dont une à Rome, à Segrate, à Turin, à Palerme, et deux à Catane. En comparaison, la France compte près de 2500 mosquées pour environ 3 millions de pratiquants musulmans, ce qui donne un ratio d'un lieu de culte pour 1200 personnes. La population musulmane au Royaume-Uni s'élève également à un peu plus de 3 millions d'habitants, pour 38 mosquées.

Un choix stratégique en vue des élections municipales ?
Pierfrancesco Majorino, conseiller municipal chargé des politiques sociales, a réagit a sa propre décision : "Pour le moment, la ville n'est pas en mesure de procéder à la création de mosquées, ni dans le bâtiment de via Esterle, ni dans l'aire de via Sant'Elia." Toutefois, il se dit "être désolé par cette situation", considérant le projet "sérieux, innovant et très beau", et assure enfin "qu'une fois la procédure d'auto-tutelle terminée, on pourra procéder à répondre aux demandes." La Commune dispose de 90 jours pour compléter cette procédure. Cela va donc au-delà des prochaines élections municipales, prévues le 5 juin prochain. Selon Davide Piccardo, "toutes les excuses sont bonnes pour retarder la création de mosquées? Leur but est de laisser cette tâche à ceux qui gouverneront dans le futur." Pourquoi donc ? Pour Abdel Shaari, président de l'ICI (Istituto Culturale Islamico), la réponse coule de source : "Créer des mosquées revient à perdre des votes. C'est la seule raison pour laquelle les choses trainent." Il s'agirait donc d'un choix stratégique. "Majorino est très juste dans ses paroles, mais au final elles ne reflètent jamais ses actes", continue-t-il. Parmi la population milanaise, les avis varient. Antonio, 67 ans, se dit partagé : "Je ne suis pas contraire à la création d'une mosquée, mais il faut que cela soit bien encadré. En revanche je trouve la proposition d'une loi anti-mosquées totalement exagérée." Ce projet de loi avait été rejetée en février dernier par la Cour Constitutionnelle. Roberto Maroni, président de la région Lombardie et promoteur de la loi avait alors déclaré : "Ils ont refusé notre loi qui réglementait la construction de nouvelles mosquées. La gauche exulte : Allah Akbar." Silviana, étudiante de 22 ans, est consternée : "Il est vrai que l'Italie peut paraître un pays encore très conservateur sous certains aspects, surtout parce que le Vatican se trouve sur notre territoire. Mais en 2016 il me semble normal que chacun puisse pratiquer sa religion librement." Selon elle, empêcher la construction de mosquées reviendrait à "créer un fossé entre deux cultures qui s'apprécient."

Projet de mosquée à Milan imaginé par le Caim


La Constitution, atout majeur des associations
Jusqu'à présent, le culte musulman est pratiqué dans les sièges des associations, dans des salles adaptées. Abdel Shaari ne cache pas que "la prière peut s'effectuer partout, même à la maison." Mais il revendique tout de même le droit d'avoir un lieu de culte : "L'article 8 de la Constitution italienne indique que chaque citoyen, quelle que soit sa religion, puisse exercer sa foi dans un lieu de culte. Je ne fais que demander que mes droits soient respectés." Selon Mohamed Maher Kabakebbji, président de l'Associazione Islamica di via Padova, "dans le contexte actuel, les citoyens milanais ne sont pas prêts à voir des mosquées s'installer dans la ville", regrette-t-il. "Il faut savoir que nous sommes plus de 100 mille citoyens de confession musulmane, et que jusqu'ici nous ne bénéficions d'aucun lieu de culte reconnu." Il ajoute : "En suivant ce raisonnement, je ne pense pas que la pratique d'un culte clandestin soit la meilleure façon d'améliorer les choses?" C'est donc une véritable guerre de position que se livrent les associations islamiques et la Commune de Milan, et cela risque de durer encore quelques temps. "Cela fait 30 ans que l'on attend une mosquée", déplore Abdel Shaari. Il conclut : "Mais je continue d'y croire et d'attendre, avec la patience orientale."


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Jules Fobe (lepetitjournal.com de Milan) Mardi 17 mai 2016

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Publié le 16 mai 2016, mis à jour le 17 mai 2016