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"OPERATION PALACE" – Un faux documentaire sur le 23F qui fait polémique

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 26 février 2014

Le journaliste espagnol Jordi Évole  crée la polémique cette semaine autour de son faux documentaire concernant la tentative de coup d'Etat (23-F) qui en février 1981 a tenu en haleine toute l'Espagne. Sa mise en scène fictive sous la forme plutôt réaliste du documentaire sème le trouble. Il aura retenu l'attention d'une audience qui se chiffre à 23.9% de part de marché soit plus de 5 millions de téléspectateurs mais aussi de nombreuses réactions. Simple ?farce? se défend le réalisateur ? Derrière sa volonté affirmée de ?jouer avec les téléspectateurs? se cache des motivations plus sérieuses, estiment d'autres analystes.

(Copie d'écran de la bande d'annonce du pseudo documentaire)

Si sa volonté était de faire le buzz, c'est sans nul doute que Jordi Évole y est parvenu. Pendant 50 minutes, le documentaire ?Opération Palace?, diffusé dimanche soir sur la chaine privée La Sexta, raconte l'histoire fictive de la tentative de coup d'Etat orchestré par le lieutenant-colonel Antonio Tejero. Le 23 février 1981, il avait fait irruption ?armé- au sein du Conseil des députés. La nuit du 23 au 24 février, le roi Juan Carlos, alors intervenu à la télévision pour défendre ?l'ordre constitutionnel?, faisait avorter la tentative. De cette nuit historique ?telle qu'elle s'est réellement passée- l'Histoire retient deux choses. La peur des Espagnols de voir la démocratie basculer cinq ans seulement après la mort du général Franco et le point de départ qui a permis au Roi de conquérir sa légitimité.

Face à la grande muette, fausse machination d'Etat
La version de Jordi Évole est toute autre. Parti de la trame de l'histoire, il présente aux téléspectateurs l'évènement comme une machination orchestrée par les autorités de l'époque. L'objectif : "protéger la démocratie des menaces des militaires et renforcer la figure du Roi comme chef d'Etat" dans un contexte latent d'agitation militaire. L'opération aurait été montée de toute pièce par le gouvernement d'Adolfo Suarez, alors au pouvoir, l'opposition représentée par le socialiste Felipe González, les responsables politiques et les services secrets.
Si le faux documentaire fait tant de bruit c'est que de son scénario est minutieusement ficelé. Il paraît tellement vrai qu'il en est troublant. Il prétend s'appuyer sur des documents secrets appartenant à la CIA. Les interviews et témoignages, du réalisateur, des vétérans, de personnalités politiques, tout prête à croire à la véracité de ce documentaire inédit jusqu'au discours du Roi filmé six jours avant la tentative.
Ce n'est qu'à la fin du documentaire qu'un message d'explication vient estomper les doutes et confusions des téléspectateurs : "Nous aurions aimé raconter la véritable histoire du 23 février, mais cela n'a pas été possible. Le Tribunal suprême n'autorise pas à consulter les archives du procès (des militaires impliqués, ndlr) jusqu'à ce que 25 ans se soient écoulés après la mort des personnes poursuivies ou 50 ans après le coup d'Etat". Avant de conclure : "cette décision [du tribunal Suprême] offre un terrain fertile aux théories et affabulations de tous types. Comme celle-ci. La nôtre ne sera probablement pas la dernière ni la plus fantaisiste".


Une ?farce? de mauvais goût ?
Pour Jordi Évole, son documentaire aura au moins permis d'attirer l'attention sur ?comment filtrer la quantité d'information que nous recevons". Mais les explications du réalisateur n'ont pas empêché de vives critiques d'avoir lieu. Sur les réseaux sociaux notamment, un débat ?pour ou contre l'initiative? a suscité de nombreuses réactions.
?En voyant le documentaire ce dimanche, j'ai été atterré ?comme beaucoup- du début à la fin. Non que l'histoire racontée ainsi m'est impressionnée mais parce que le sujet était grave et qu'on en parlait ainsi via un média de masse. Je connais Jordi Évole en personne (?) Je pense qu'il a commis une grave erreur de faire de la fiction (sans prévenir) dans un espace qui relevait jusque la de la non-fiction (le documentaire). Il a joué avec l'intérêt de milliers de personnes? a ainsi déclaré le journaliste espagnol Miguel Jara sur sa page Facebook. Dans une colonne pour El País, Juan Cruz défend lui le droit de rire de l'Histoire. Optant pour un ton plus léger, il a ainsi affirmé : ?qui Évole a-t-il offensé ? Ceux qui ne se sont pas rendu compte qu'il s'agissait d'une blague. Qui une blague peut offenser ? Ceux qui se prennent trop au sérieux?. Mais de nombreux tweets prouvent que beaucoup ont cru à la véracité du documentaire.

La revendication de la simple ?farce? semble obscurcie par les enjeux qui se cachent derrière l'initiative de coup d'Etat mettent en lumière la question du voile qui plane autour du 23-F. Comme le rappelle Iñaki Anasagasti, qui a également participé au tournage du documentaire "on ne sait rien du volet civil du 23 février, qui n'a pas fait l'objet d'une enquête, et on ne sait rien officiellement sur l'implication du Roi qu'aucun historien ne met en doute?. Certains Espagnols réclament encore des explications ?plus de 30 ans après- sur les faits.

Laura LAVENNE (www.lepetitjournal.com/madrid) mercredi 26 février 2014
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Publié le 25 février 2014, mis à jour le 26 février 2014
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