L'Espagne ne peut pas réécrire son histoire, mais insiste pour laver la mémoire des personnes victimes de la dictature. Une nouvelle étape a été franchie ce mois-ci avec le retrait des honneurs décernés à "Billy el Niño". Trop tard au goût de certains.
Le temps n'efface pas tout, et mieux vaut tard que jamais. Ces dictons illustrent bien le dilemme auquel le gouvernement espagnol essaie de répondre pour laver la mémoire des citoyens tombés sous le régime franquiste. Plus de 45 ans après la fin de la dictature et le début de la transition, l'Espagne se confronte encore à la tâche ingrate de débarrasser le pays des souvenirs du franquisme en retirant les honneurs et les mérites attribués autrefois aux violences du régime. La décision la plus conséquente et la plus médiatique a été prise l'année dernière : le corps du dictateur Franco a été exhumé et sorti du Valle de les Caídos.
Retrait des honneurs à Billy el Niño
Le congrès des députés a effectué un nouveau pas pour solder la dette du pays envers la démocratie. La majorité des députés (à l'exception du parti Vox qui a voté contre et du PP qui s'est abstenu), ont validé une initiative pour retirer toutes les médailles et autres titres honorifiques qui avaient été accordés par le passé à Juan Antonio González Pacheco, considéré comme l'un des bourreaux de la dictature franquiste. Davantage connu sous son surnom de "Billy el niño", l'ancien inspecteur de la police franquiste est réputé pour avoir torturé "physiquement et psychologiquement" les opposants au régime, sur lesquels il aurait exercé une brutale violence dans les locaux de la Direction générale de la police à Madrid. González Pacheco est décédé le mois dernier en conséquence d'une infection du Coronavirus, sans jamais avoir été jugé pour ses crimes. Nombreux sont ceux qui regrettent que Billy el Niño soit parti sans avoir payé pour ses tortures, et toujours décoré de ses médailles (dont la médaille du mérite policier, une haute distinction). Le bourreau de la dictature a continué à percevoir les pensions et rémunérations liées à ses décorations militaires jusqu'à sa mort. À ce jour, l'Etat verse encore les compensations liées à 115 médailles attribuées à des policiers de la dictature franquiste.
La loi de Mémoire historique : laver l'honneur
Pour retirer les honneurs accordés à l'époque à Billy el Niño, le gouvernement s'appuie sur la Loi de la mémoire historique. Validé en 2007, ce texte de loi espagnol reconnaît "la mémoire de ceux qui ont lutté pour la liberté et la démocratie" et a pour objectif de "bannir définitivement de notre société le franquisme et tout ce qu’il a représenté, comme symbole le plus puissant de la négation de ses valeurs". En 2008 était ainsi retirée à Santander, la dernière statue du généralissime, présente sur la voie publique. Il faudra néanmoins attendre dix ans supplémentaires pour que l'Espagne se lance vraiment dans le nettoyage des souvenirs du franquisme : outre l'exhumation du corps de Franco du Valle de los Caidos, le pays a commencé à changer les noms de près de 2.000 rues, places publiques et autres bâtiments communs baptisés de noms de personnages clés de la dictature, militaires ou responsables du coup d'état. Six communes espagnoles se résistent encore à changer leur nom franquiste. Il s'agit des localités de Alberche del Caudillo (Toledo), Villafranco del Guadiana (Badajoz), Quintanilla de Onésimo (Valladolid), San Leonardo de Yagüe (Soria), Villafranco del Guadalhorce (Málaga) et Guadiana del Caudillo (Badajoz).