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IMMIGRATION CLANDESTINE - Quand les barrières ne suffisent plus... l'Espagne dans l'impasse ?

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 19 mars 2014, mis à jour le 20 mars 2014

Les enclaves espagnoles au nord du Maroc, portes vers l'Europe, sont le théâtre de fortes pressions migratoires. Mardi, 500 candidats à l'immigration européenne ont à nouveau franchi les grillages de barbelés séparant le Maroc de Melilla, en territoire espagnol. Le franchissement record et “violent” de cette frontière remet sur la table la question de l'immigration. Une situation beaucoup abordée ces derniers temps avec le cas de Ceuta notamment et la collaboration des autorités espagnoles et marocaines. Quelles solutions pour l'Espagne qui peine à venir à bout des flux migratoires ? Quel rôle pour l'Europe ? Retour sur une situation embourbée.

barrière ceuta melilla espagne
(Capture source ministère de l'intérieur système bouclier)

Après l'arrivée massive à Melilla de 200 migrants le 28 février dernier, le 18 mars un millier de migrants sub-sahariens ont tenté leur chance à la frontière espagnole, rapporte Radio France International. Déjà dans la nuit, une centaine de personnes avaient réussi à rejoindre Melilla. Dans la matinée, aux alentours de 7h00, 500 d'entre eux sont parvenus à passer du côté espagnol, tandis que 250 ont été arrêtés. Les clandestins auraient profité du brouillard pour atteindre la triple frontière grillagée. Ils auraient repoussé les forces de l'ordre marocaines par des jets de pierres. Selon l'AFP, de nombreux blessés ont été dénombrés des deux côtés. Cinq policiers marocains et vingt-huit immigrés ont en effet été hospitalisés dans la ville de Nador, au nord-est du Maroc. Mais les chiffres record de cet assaut, qualifié de “violent”, n'étonnent qu'à moitié. Ils ne sont que la suite d'un flux d'immigration continu entre l'Espagne et l'Afrique du Nord que les autorités, de part et d'autre, peinent à refouler.

L'immigration hispano-marocaine en chiffre
Selon El Pais, les clandestins sont trois fois plus nombreux à franchir la frontière espagnole par rapport à 2013. S'ils étaient effectivement 1.074 l'an dernier, ils seraient à ce jour et depuis début 2014, 533 à être passés du côté espagnol. Pour autant, ils sont bien plus nombreux à tenter le passage. En réaction, le ministère de l'Intérieur se dit préoccupé. Depuis le 3 octobre 2005, où 350 sans-papiers avaient tenté de rejoindre Melilla, il n'y a pas eu de tentative aussi importante.
De façon générale, l'Etat espagnol évalue à 80.000 le nombre d'immigrants déterminés à entrer en Europe. Selon Jorge Fernandez Diaz, ministre de l'Intérieur espagnol, ils seraient 40.000 au Maroc et 40.000 entre la frontière mauritanienne et marocaine. Déjà en juillet dernier, Abdelmalik El Barkani, préfet de Melilla, constatait que le flux migratoire s'était fortement accru depuis l'éclatement du Printemps arabe. Le centre d'accueil temporaire pour immigrants (CETI) de Melilla accueillerait désormais 1800 personnes alors que sa capacité est estimée à 480 places.

Ceuta, prémisse de la polémique  
Le 6 février dernier, 15 migrants avaient péri alors qu'ils tentaient de rejoindre Ceuta à la nage. Ce triste épisode avait été suivi d'une polémique en Espagne comme en Europe. D'après l'AFP et selon les défenseurs des droits de l'homme et des migrants témoins de la scène, les forces de l'ordre espagnoles auraient tiré des balles en caoutchouc pour empêcher les clandestins d'atteindre les côtes. Le PSOE, parti socialiste espagnol, avait alors réclamé la démission d'Arsenio Fernández de Mesa directeur de la Guardia Civil.
Pour mettre un terme à la polémique, le secrétaire d'Etat à la sécurité espagnole, Francisco Martínez, a été contraint hier de rendre des comptes auprès du Congrès des députés. Si la Garde civile a depuis reçu pour consigne de ne plus en faire usage, ce dernier ne s'est pas prononcé sur l'élément le plus polémique de l'affaire, l'utilisation des 145 balles en caoutchouc, déplorait le quotidien espagnol El País.

Vers quelles solutions ?
Les autorités espagnoles ont un temps envisagé de mettre en place à la frontière un dispositif “bouclier” pour lutter contre l'immigration clandestine. D'après El País, il s'agissait de “blinder” les frontières de Ceuta à l'aide de clôtures métalliques et barbelées de six mètres de long -d'ores et déjà existantes- et d'un dispositif d'alarme et de vaporisation de gaz lacrymogène entre autres. Depuis mardi le ministère de l'Intérieur a annoncé que des renforts de police seraient envoyés à Melilla.
Face à ces afflux, le Maroc et l'Espagne, qui partagent un système de communication commun, s'aident et se protègent lors des assauts d'immigrés clandestins. Ils privilégient toujours dans leur coopération anti-immigration la réponse sécuritaire. Pour l'association anti-raciste marocaine Gadem, qui appelle à une “cogestion” des deux pays, cette solution est une “impasserapporte RFI. Cette méthode serait inefficace et ne ferait pas diminuer l'immigration, explique l'association chiffres à l'appui. Pour son co-fondateur le sociologue Mehdi Alioua, “[l'Espagne et le Maroc] gèrent les frontières, mais de manière violente. Il serait temps qu'ils gèrent aussi les communautés de destin des peuples transfrontaliers, transméditerranéens.”

Au vu du contexte, Francisco Martínez a rencontré lundi dernier Charki Draiss, ministre délégué de l'intérieur au Maroc. Les deux hommes se sont entretenus autour de la coopération hispano-marocaine contre l'immigration irrégulière. Parmi les solutions ils ont évoqué la nécessité de “détecter et de démanteler les réseaux criminels” de trafic d'êtres humains qui contribuent à la réalisation de cette immigration illégale. Ce qui a été le cas lors de l'opération bugbuss qui en 2013 était parvenue à démanteler un réseau et d'arrêter quatre personnes. Ils ont également préparé la réunion du Comité Mixte à propos de la prolongation de l'accord hispano-marocain datant de 1992, et qui se tiendra à Tanger le 26 mars prochain. A l'occasion de cette rencontre, Jorge Fernández Díaz souhaiterait inclure à l'accord que les immigrants interceptés soient immédiatement retournés à la frontière marocaine, rapporte El País.

Au-delà de la coopération hispano-marocaine, il y a l'Europe. Si elle a fortement critiqué l'usage de la force pour faire reculer les migrants, son implication dans la lutte contre l'immigration illégale reste floue. Le ministre de l'Intérieur a pour sa part estimé que la lutte contre l'immigration illégale relevait d'une responsabilité partagée des pays de l'UE, privilégiant ainsi une solution globalisée à l'échelle de la communauté européenne.

Léa JOURDAN et Laura LAVENNE (www.lepetitjournal.com – Espagne) jeudi 20 mars 2014
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Publié le 19 mars 2014, mis à jour le 20 mars 2014