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BIEN ETRE – Les Espagnols, moins heureux que le reste des Européens. Pourquoi ?

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 22 mars 2015, mis à jour le 23 mars 2015

L'agence européenne de statistiques vient de publier une étude dans le cadre de la journée internationale du bonheur (vendredi 20 mars). Selon cette enquête, lorsque l'on demande aux habitants de chaque pays d'évaluer leur niveau de satisfaction dans leur vie, les Espagnols se placent légèrement en dessous de la moyenne européenne.

Selon cette étude, sur une échelle de 0 à 10 près de 80 % des résidents européens ont évalué leur satisfaction globale de vie à 7 en moyenne (les données ont été récoltées durant l'année 2013). Les Espagnols, dont la joie de vivre a pourtant forgé leur réputation, seraient devenus plus pessimistes. C'est en réalité le reflet cruel d'une détérioration des conditions de vies en Espagne, et surtout sur les classes sociales déjà fragiles. Plusieurs éléments viennent malheureusement renforcer ce constat.

Les revenus faibles et les inégalités fortes
L'étude de l'agence met clairement en relation le niveau de satisfaction des foyers interrogés avec leur niveau de revenus. L'argent ne fait pas le bonheur ? Certes, mais lorsqu'il n'y a pas d'argent pour vivre, difficile de garder le sourire. Selon Eurostat, le salaire minimum est bien différent d'un pays à l'autre. L'Espagne enregistre en 2015 un salaire minimum mensuel de 756,70 euros, contre 1457,52 euros pour son voisin français? Et les Espagnols doivent attendre 65 ans et 35 années de cotisations pour pouvoir prendre la retraite. En plus d'avoir des revenus parmi les plus faibles d'Europe, l'Espagne voit également apparaître des inégalités importantes de revenus entre ses ressortissants. Le coefficient de Gini est un indicateur utilisé pour évaluer des disparités économiques au sein même de sa population. Toujours selon les données de l'agence Eurostat, l'Espagne présente en 2014 un coefficient de Gini de 33,7 en 2013, contre 31,9 seulement en 2008.

La pauvreté infantile
Les niveaux de revenus faibles ont favorisé la précarité des ménages les plus modestes. Ce qui a amené l'UNICEF à dresser un constat alarmant en 2014 dans son rapport L'enfance en Espagne 2014: 27,5% des enfants en Espagne vivent sous la menace de la pauvreté. Un chiffre déroutant, représentant plus d'un tiers des enfants. L'association va plus loin en expliquant que cette pauvreté a forcement des conséquences sur l'éducation des ces petits, et que statistiquement 23% d'entre eux seront exposés au décrochage scolaire. Pour lutter contre la pauvreté infantile qui touche le pays, l'Unicef construit un Pacte de l'Etat pour l'Enfance, et propose de signer la pétition ici.
Nuria, employée de le Croix Rouge Espagne, au contact des populations les plus précaires, confirme la tendance. Selon elle, de nouveaux profils de demandeurs d'aide son apparus, comme des jeunes avec des diplômes et davantage de personnes âgés. "Mais la population qui est le plus en demande aujourd'hui, ce sont sans hésiter les familles avec enfants", explique-t-elle. "Nous avons un nombre très important de familles avec un minimum de 2 enfants qui sont dans une grande précarité et on besoin de notre aide au quotidien en alimentation et couches et aliments  pour bébés. Les familles immigrées avec enfants sont les plus importantes".

L'emploi
L'autre élément essentiel de la baisse du niveau de satisfaction des Espagnols est évidemment le taux de chômage auquel ils sont confrontés : avec taux de 23,7% enregistré fin 2014, il s'agit du niveau de chômage le plus élevé en Europe derrière la Grèce, en légère baisse toutefois par rapport à 2013.

La baisse du taux de natalité
Des niveaux revenus faibles, une pauvreté infantile et un taux de chômage élevé, autant de facteurs qui ralentissent les jeunes femmes espagnoles à l'heure de fonder ou d'élargir leur famille. Il est bien normal, lorsqu'on ne trouve pas de travail et que l'on peine à combler ses revenus, de changer ses projets de famille. Et les statistiques espagnoles sont le reflet  de cette tendance : le taux de natalité dans la Péninsule a baissé de 19,38% entre 2008 et 2013.

L'éducation et la formation
Selon les données du ministère de l'éducation, le niveau de scolarisation en études supérieures est en croissance depuis 2008. Cette année là, on comptait 1.391.253 étudiants inscrit en Grado, 1er et 2ème cycle d'études supérieures. En 2014, ils sont 1.412.673.  L'évolution est plus frappante avec les étudiants en Master : ils étaient 50.421 inscrit en 2008, contre 120.055 en 2014. Ce qui montre bien que les jeunes Espagnols ont compris qu'ils doivent poursuivre leurs études pour se donner davantage de possibilités sur un marché du travail saturé. D'autre part, ils se tournent plutôt vers des études professionnelles ou des cursus master afin de gagner en expertise. Ils ont malheureusement vu nombre de leurs grands frères sortir de longues études universitaires et n'avoir aucune possibilité d'emploi. Les jeunes se découragent dans cette société qui leur offre en théorie peu de solutions d'avenir. Le risque pour l'Espagne, est de voir tous ses meilleurs étudiants s'expatrier avec leurs compétences techniques afin de tenter, à juste titre, leur carrière à l'étranger.  Maria (79 ans) explique que sa petite fille est partie tenter sa chance au Japon à la fin de ses études universitaires : "Elle est partie faire un stage là-bas, et ils lui ont proposé un poste après, alors elle y est restée. Je suis contente pour elle, même si elle me manque, parce que ça lui plait. Elle a raison, il n'y a rien ici pour son avenir. Et maintenant sa petite s?ur veut faire pareil !".

Viva España
Il convient toutefois de nuancer le discours et de rassurer : même dans une situation globale difficile par rapport aux autres pays d'Europe, il fait tout de même bon vivre en Espagne pour les classes moyennes. Selon les dernières données de l'Organisation Mondiale de la Santé, l'Espérance de vie moyenne en Espagne est de 82 ans, ce qui place le pays parmi les 15 premiers de ce ranking.
D'autre part, l'Indice de développement Humain de l'Espagne en 2013 est de 0,869 points, ce qui la place au rang mondial numéro 26 selon l'OCDE.
Et en observant la situation de l'Espagne avec un peu de recul, il est évident qu'il y a une certaine joie de vivre dans la Péninsule. La France, si elle connaissait les mêmes difficultés économique et sociales que connaît l'Espagne, ne se maintiendrait certainement pas aussi bien ! Et les indicateurs cités seraient bien plus  pessimistes. "Les Français se plaignent beaucoup", estime Jérôme Bonnafont, Ambassadeur de France en Espagne, dans une interview publiée hier dans El Pais. Que les Espagnols soient moins satisfaits de leur niveau de vie est un fait compréhensible. Cependant ils savent supporter cette situation, et attendre qu'un nouveau jour plus propice arrive. "Les Espagnols ont une capacité de résistance (?) une notion épicurienne et spontanée du carpe diem", estime l'Ambassadeur.

Consulter l'étude de l'agence européenne ici

Perrine LAFFON (lepetitjournal.com ? Edition de Barcelone) Lundi 23 mars 2015
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Publié le 22 mars 2015, mis à jour le 23 mars 2015

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