Enclavé dans un merveilleux cirque de montagnes, au pied de la Sierra de Guadarrama, le Monastère Royal de Santa Maria du Paular est sans doute l'une des plus belles Chartreuses de Castille. Après 10 ans de restauration, le Paular peut aujourd'hui être visité dans les meilleures conditions. Surtout, il accueille de nouveau une collection de peintures uniques, dont on dit qu'elles auraient inspiré Goya : les "Carduchos"
(Photo Monasterio El Paular)
Dans la vallée de la rivière Lozoya, le monastère du Paular s'offre au voyageur dans un site privilégié où convergent plusieurs rivières, jouissant d'une végétation abondante et abritant une flore et une faune riches en espèces uniques.
Fondé en 1390, sur l'initiative du Roi Jean Ier de Trastamara, le Paular sera la première Chartreuse de Castille. Il deviendra, au cours des siècles, l'une des meilleures Chartreuses, grâce aux importants revenus provenant de ses exploitations (fermes, revenus divers, moulin à papier, élevages de moutons). On remarquera tout particulièrement dans son église grandiose, des grilles plateresques, des stalles, un retable d'albâtre polichrome d'une beauté exceptionnelle. Au XVIIe siècle, le cloître est enrichi par 56 peintures de l'artiste d'origine italienne, Vicente Carducho (1576-1638).
Gloire et décadence... et renaissance du monastère
Mais en 1835, la "desamortizacion de Mendizabal", la fameuse confiscation des biens du clergé, a pour conséquence la fermeture du monastère. Les richesses sont dispersées aux quatre vents et de nombreux objets sont perdus. Le monastère tombe dans l'oubli, jusqu'à ce que, après des années d'abandon, des moines bénédictins s'installent dans le monastère en 1954.
En 2002, sous l'impulsion du Ministère de la Culture, sont commencés des travaux de restauration des peintures de Carducho, avec la collaboration du gouvernement régional, de l'ordre des bénédictins, de la mairie de Rascafria et du Musée du Prado. Pour réintégrer les tableaux dans leur cadre originel, il a fallu non seulement les réunir et les restaurer, mais également procéder à la réhabilitation des lieux afin de leur assurer des conditions de conservation adéquates (cloître, toitures, galeries, fouilles archéologiques). Ce projet qualifié de "brillant" par la Ministre de la Culture, Mme Sinde, a été dirigé par l'architecte Eduardo Barcelo. Il permettra de convertir le Paular en une référence de la Communauté de Madrid. Après tant de vicissitudes, 54 tableaux de cette collection unique ont retrouvé leur place originale dans le cloître, au mois de juillet dernier.
Vicenzo Carducci dit Vicente Carducho (Forence 1578 - Madrid 1638)
Philippe II avait besoin de nombreux artistes pour mener à bien ses projets de l'Escorial. C'est dans ce cadre que vinrent en Espagne, Bartolomé Carducho et son jeune frère âgé de 9 ans. Bartolomé devint rapidement l'un des peintres favoris de Philippe II (pintor regis) et on lui doit les fresques de l 'Escorial. A sa mort, son frère Vincente hérita du poste et devint le peintre favori de Philippe III puis de Philippe IV. Il collabora à la création de plusieurs peintures et retables dans divers couvents et églises (San Francisco el Grande, Cathédrale de Tolède, Monastère de Guadalupe, Monastère de l'Incarnation de Madrid).
En 1626, le prieur du Paular, Juan de Baeza, homme remarquable et jouissant d'un grand prestige, le chargea de réaliser une ?uvre monumentale : représenter dans 54 peintures de grande taille (3,45 sur 3,15m) la vie de Saint Bruno de Cologne, fondateur de l'ordre des Chartreux, ainsi que l'histoire de l'Ordre. On a pu compter la représentation de 202 moines. Carducho, conscient de l'importance de cette commande, réalisa de nombreuses esquisses que se trouvent à l'heure actuelle dans diverses institutions, telles que la Bibliothèque Nationale ou le Musée du Prado. Le Musée du Louvre expose quant à lui six esquisses achetées en 1980 et provenant de la collection de Contini Bonacossi.
L'importance de Carducho
Carducho exécuta les 54 tableaux entre 1626 et 1632. Certains ne sont pas sans rappeler des ?uvres de Zurbaran ou de Caravagio. On dit que Goya s'en serait inspiré pour certaines de ses peintures. Très connu à son époque et auteur de "Dialogos de la Pintura - Madrid 1633", l'un des plus important ouvrage théorique de l'époque en Espagne, Carducho fut éclipsé par Velasquez, devenu également "pintor regis".
Monique AUXENFANS (www.lepetitjournal.com - Espagne) Vendredi 23 septembre 2011
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