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Le jardin de Campo Grande

Campo grande LisbonneCampo grande Lisbonne
©M.J. Sobral
Écrit par André Laurins
Publié le 18 septembre 2019, mis à jour le 19 septembre 2019

Peu avantagé par sa position géographique sur l'une des voies d'accès principales au nord de la capitale, le jardin de Campo Grande mérite, cependant, qu'on s'y attarde. 

D'inspiration romantique, c'est l'un des plus grands jardins de Lisbonne, en dehors des jardins de palais qui peuvent être plus amples, comprenant au total une superficie de 11 hectares.

 

Présentation et évolution historique

Si nous l'abordons par le sud, en venant du centre-ville, un monument érigé à son entrée rappelle la triste période pour le peuple portugais des Guerres Péninsulaires, qui vit s'affronter sur leur sol de terribles faits opposant la population soutenue par des forces britanniques aux envahisseurs français, soldats de l'Empire, pendant les trois invasions napoléoniennes que connu le pays entre 1807 et 1811.

Les sols très fertiles de basalte, qui dominent dans cette partie de la ville, se reflètent bien dans la végétation multiple qui s'y est développée au cours de deux siècles d'existence. Les origines de Campo Grande remonte au XVIème siècle et explique le nom que l'on a donné à cet endroit, localisé sur un haut plateau, où alors s'étendait une vaste et fertile zone de cultures céréalières et des aires de battage, descendant jusqu'à Campo Pequeno, réalité qui persistera jusqu'en 1830. Ce sera également un grand camp d'entraînement de troupes, notamment celles commandées par  le roi Dom Sébastien (1554-1578), pour la préparation de la malencontreuse expédition au Maroc de 1578,  suivie du désastre d'Alcacer Quibir.

La reine Dona Maria I (1734-1816) fera planter les premiers arbres pour constituer une allée principale (alameda), bordée de plantes diverses avec des zones ombragées et de reproduction de plantes ornementales, l'ensemble étant clôturé et accessible par de grands portails en fer situés à chaque extrémité. En effet, au début du XIXème siècle, ce parc appelé "Passeio público" (promenade publique), de 1200 mètres de long sur 200 de large, est fermé par un mur qui l'entoure. Les allées à l'intérieur seront relativement larges pour permettre la circulation de calèches et de cavaliers, la haute société de l'époque y allant pour se montrer. Une foire s'y produisait pendant quinze jours, en octobre, avec des baraques en bois disposées le long des allées pour y proposer des produits agricoles et artisanaux, mais aussi de la vaisselle, des poteries, des vêtements, de la quincaillerie et également des "comes e bebes", endroits pour se restaurer avec des plats régionaux, en assistant à des spectacles de foire et autres divertissements. À partir de 1816, on y réalise aussi des courses de chevaux très prisées par cette haute société, qui s'y retrouve les dimanches et jours fériés. Celles-ci dureront jusqu'en 1858.

 

Des promenades sur l´eau dans la capitale

Le grand lac, qui se trouve inséré dans cet espace, fut creusé en 1869, pour y recevoir des barques afin d'occasionner des promenades sur l'eau et reste jusqu'à nos jours le seul endroit de la capitale à pouvoir le proposer.  Le chemin de fer "Larmanjat", qui reliait Lisbonne à Torres Vedras, ville située à trente kms au nord de la capitale, commença à fonctionner à partir de 1873 et sa première gare se situait à Campo Pequeno et la deuxième à Campo Grande. Avec la desserve également de tramways, qui commencèrent à circuler à l'approche du XXème siècle, cette partie de la ville, et ce parc en particulier, devinrent très populaires et bien fréquentés. La ligne sera désactivée à l'intérieur de Lisbonne avec l'utilisation croissante de l'automobile dans les années trente.

Jardim do Campo Grande

 

Changement de nom

Après le coup d'Etat militaire qui renversera la République, en mai 1926, le parc de Campo Grande prendra le nom de Campo 28 de maio. Délaissé par la dictature salazariste, devant un croissant  abandon et dégradation du jardin, la Mairie de Lisbonne fera appel à l'architecte Keil do Amaral (1910-1975), le même qui réalisera  la façade de l'Estufa Fria et la restructuration du parc Eduardo VII, pour élaborer un projet de rénovation de l'espace vert avec ajout de nouveaux édifices comme le restaurant des années quarante et la piscine, en 1960. À la suite de la Révolution des Œillets d'avril 1974, à l'entrée nord, la statue du Maréchal Carmona, élément représentatif de la dictature qui dura 48 ans, fut remplacée par celles de Dom Afonso Henriques, premier roi du Portugal et Dom João I, roi initiateur des Découvertes portugaises. Comme autre sculpture, on remarquera la statue "O Sam", représentant les seins féminins et aux abords du lac une statue en pierre calcaire réalisée par António Duarte, en 1949, d'une "femme se contemplant au miroir", d'une élégance marquée. Ici comme ailleurs dans la capitale, on trouve cette volonté d'allier la nature à l'Art contemporain pour que le public en général puisse en bénéficier.

Jardim do Campo Grande

L´histoire récente

Dernièrement, ou plutôt à partir de 2010, on commence à remodeler de nouveau tout l'espace pour le rendre plus conforme à la tendance de notre époque en créant des pistes cyclables et des aires de jeux pour qu'il soit plus attractif, malgré la circulation automobile environnante. Les travaux auront d'abord lieu dans la partie nord en élaborant de hautes buttes de terre avec des plantations d'arbustes pour isoler davantage visuellement et au niveau sonore le jardin du trafic alentour. Les chemins seront reconstitués et la fréquentation de bicyclettes, trottinettes se fera chaque fois plus forte dans cette partie de la ville relativement plane. Les édifices existants seront également entièrement restaurés.

Jardim do Campo Grande

Des espèces diverses

Riche en espèces différentes d'arbres plantés au fil du temps, on y trouve, par exemple une petite collection d'eucalyptus, dont plusieurs exemplaires sont de taille monumentale et qui fut très à la mode en plein XIXème siècle. En effet, l'eucalyptus à ses débuts, en Europe, était considéré comme un arbre ornemental de grand port, d'un feuillage persistant et dense très apprécié, pouvant se développer à loisir en zone urbaine, au même titre que le platane, pour avoir la faculté de se régénérer par la perte progressive de son écorce et des toxines qu'elle peut renfermer, d'où sa résistance à la pollution atmosphérique. Provenant d'Océanie également, une petite forêt de casuarines australiens a trouvé sa place dans cet espace vert, d'aspect semblable à des conifères, mais loin d'en être. Les lauriers de Nouvelle-Zélande sont aussi nombreux avec leur feuillage persistant d'un vert profond, toxiques, mais très ornementaux par leur forme élancée. Pour rester dans cette partie du monde, il y a aussi des Pittospores, Acacias et Grévillers bien représentés, comme c'est actuellement la mode dans presque tous les espaces verts de la capitale. Venus d'Amérique latine, nous avons là une autre petite forêt de Bel-ombres, originaire de la Pampa d'Argentine et du Chili. Ils peuvent s'y développer à loisir en créant des formes excentriques par leur faculté d'accumuler l'eau de pluie. Voisins puisque originaire du Brésil, les poivriers sont aussi nombreux, avec leur végétation persistante et les chapelets de graines à certaines périodes de l'année. Comme représentant de l'espace méditerranéen, qui correspond au biome lusitanien, la superbe allée de palmiers des Canaries, les arbres de Judée à la floraison précoce au printemps, des caroubiers aux graines comestibles en forme de long haricots noirs, des cyprès, grenadiers, ifs ou pins parasols et sylvestres.

L´auteur propose une visite vendredi 27 septembre de 14h30 a 17h00.
La participation est 7,50 euros
Inscriptions : Tel. 914 699 247 - laurins.andre@gmail.com

 

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