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Anne Fontaine présente son dernier film à la Festa do cinéma francês

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©M.J. Sobral
Écrit par Lucie Etchebers-Sola
Publié le 9 octobre 2019, mis à jour le 9 octobre 2019

Anne Fontaine, réalisatrice du film Blanche comme Neige est venue présenter en avant-première le 4 octobre, dans le cadre de la Festa do Cinema Francês (3 octobre- 8 novembre) son film. A cette occasion, elle a reçu Lepetitjournal et a accepté d´évoquer l´interprétation délibéremment moderne qu´elle a faite du conte des frères Grimm.
 
Il était une fois Claire, une jeune femme à la beauté magnétique qui semait la passion et la convoitise chez tous les hommes qui croisaient son chemin. Tous, y compris l'amoureux d'une autre, celui de sa belle mère, qui décide du même coup de se débarrasser de cette concurrente déloyale. C'est la sublime comédienne française Lou de Laâge qui a enfilé le costume de Blanche-Neige, héroïne culte de la littérature imaginée par Jacob et Wilhem Grimm en 1812, et la vénéneuse Isabelle Hupert qui incarne évidemment fort bien la belle-mère jalouse et manipulatrice. Sorti en salle en avril dernier en France, le dernier film d'Anne Fontaine parvient enfin au public portugais qui pourra le découvrir sur grand écran à la fin du mois d'octobre. En attendant, la réalisatrice nous donne un avant-goût de sa version de l'histoire, non sans poison.
 

Lepetitjournal : Votre film propose une relecture du conte de Blanche-Neige. Pourquoi avez choisi de vous inspirer de cette histoire en particulier ?
Anne Fontaine : Chacun a une relation personnelle avec Blanche-Neige mais ce conte a marqué tout le monde je crois, c'est une histoire universelle. Mon idée était d'inventer un personnage qui s'émanciperait et j'ai imaginé le personnage de Claire, une jeune fille moderne qui va à la conquête de ses désirs. Quand j'ai écrit le scénario je me suis demandé combien d'homme elle allait rencontrer, le chiffre sept s'est imposé -référence aux sept nains- puis j'ai entremêlé de manière ludique et fantaisiste le conte et la vie de ce personnage qui va connaître une sorte de libération.
 

Vous racontez l'histoire de Claire qui est une héroïne extrêmement belle, qui fascine les hommes, mais dont la beauté suscite aussi une jalousie terrible chez sa belle-mère. Pensez-vous que la beauté soit quelque chose de difficile à porter ?
Ce qui est difficile à porter pour Claire ce n'est pas tellement sa beauté, c'est ce que cette beauté provoque chez les autres. Les spectateurs perçoivent la jalousie qu'elle provoque chez sa belle-mère qui pleure la perte de sa jeunesse et de l'amour de sa vie, mais claire est candide, elle ne s'en rend pas compte. Si votre question est de savoir si la beauté est un boulet ma mère me disait toujours quand j'étais enfant « la beauté ça ne se mange pas en salade » ce qui signifie qu'il fait dépasser les apparences. Ce qui est difficile dans ce monde, plus que d'être beau, à mon avis, c'est de trouver sa voie, d'être singulier, d'échapper au politiquement correct effarant et au conformisme. Je pense qu'il y a beaucoup de façon d'être beau et que la beauté n'est pas unidimensionnelle. Vous êtes belle, je suis belle, d'une façon qui est différente. C'est souvent les défauts qui font la beauté des gens et le cinéma est une bonne école car quand on est metteur en scène on choisit les acteurs en fonction de leurs défauts. La beauté n'est pas une fatalité. Pas pour Claire en tout cas, sa beauté va lui ouvrir une voie qui va la révéler à elle même.
 

Les thématiques de la jeunesse et de l'exploration du désir sont toujours présentes dans votre filmographie. Continuent-elles de vous inspirer ?
C'est vrai qu'on retrouve ses thématiques dans mes films mais très différemment agencées dans chacun d'entre eux. Je fais des films sur l'ambiguïté sexuelle, sur le rapport au féminin, sur des personnages qui choisissent des voies inédites. J'essaie dans mes films de ne pas faire du « dur désespérant », j'ai horreur de ça, ce qui m'intéresse mais qui est plus difficile c'est de créer une ouverture dans un film avec une certaine noirceur –comme « Blanche comme neige »– mais avec des bons sentiments à la fin. J'essaie d'avoir des films qui se terminent de façon amorale mais où les spectateurs peuvent se faire un point de vu moral. Je travaille depuis toujours sur des êtres qui ont des sexualités différentes, qui vont vers des choses inconnues, c'est ce qui m'intéresse.
 

Il y a quelque chose de très mystique dans votre film, de beau et d'effrayant, qui rappelle le conte original. Cela tient beaucoup au lieu où vous avez filmé. Comment avez-vous trouvé cet endroit ?  
J'ai tourné le film dans le Vercors qui est un endroit à la fois beau et asphyxiant, de même que la maison dans la forêt qui est protectrice alors qu´en même temps on a l'impression qu'on ne peut pas s'en échapper. J'ai cherché un lieu, j'ai trouvé ce massif montagneux avec des paysages qui sont d'une grande beauté. Quand on est là-bas on a l'impression d'être dans un autre monde, un pays mental, or ce film n'est pas naturaliste, Claire est comme dans un monde à part, j'ai pensé que cela se prêtait bien au sujet.
 

Le personnage de Claire dit un moment : « C'est dur de n'appartenir à personne ». Souhaitiez-vous explorer les limites des relations monogames et normatives qui sont encore des normes prédominantes dans note société ?
C'est certain qu'elle ne rue pas vers l'idée du prince charmant qui fait partie de l'éducation que l´on donne encore aux jeunes filles aujourd'hui. Je trouvais rafraîchissant qu'elle n'ait pas à choisir entre ces hommes. Pourquoi choisir quand on a 25 ans ? C'était une façon d'introduire un champ d'exploration tandis que l'éducation qu'on donne aux jeunes filles dans notre société tend plutôt à la monogamie et au remplissage d'une case unique. Claire n'est pas un personnage névrosé, qui n'a pas de penchants psychologiques majeures, c'était important de la dépeindre ainsi pour ne pas basculer dans un portrait de « fille facile », ce serait vraiment injuste de la voir comme ça.
 

Dans ce film vos personnages féminins sont beaucoup plus complexes et solides que vos personnages masculins. Est-ce que c'est quelque chose que vous pensez réaliste ?
Claire découvre une partie d'elle même qui était restée au frigo. Mais il n'y a jamais de leçon générale dans mes films, je n'aime pas le didactisme je trouve que c'est une façon d'appauvrir la condition humaine, et donc un film. Dans celui-ci les personnages masculins sont fragiles et dépressifs –j'aime les hommes comme ça– et c'est pour ça qu'ils sont attachants. Peu d'hommes sont capables d'exprimer cette fragilité lorsqu'ils sont adultes. J'ai quand même essayé de rendre la situation drôle et d'y mettre un peu d'autodérision. J'ai aimé tous ces personnages d'hommes, je me mettais à la place de Claire et j'ai essayé de créer de l'empathie chez elle pour tous ces personnages masculins. Elle n'a pas de programme psychique du genre d'homme qu'elle aime, elle s'intéresse à des hommes un peu « borderline » en fait, et elle est une héroïne dans ce sens parce qu'elle les aide à dépasser leurs fragilités psychologiques. Je trouvais cela gai qu'elle vive toutes ces histoires en même temps.
 

Est-ce que vous vous identifiez à l'un de vos personnages ? Avez-vous déjà rencontré quelqu'un comme le personnage de Claire ?
Je ne peux pas écrire si je ne m'identifie pas aux hommes, aux femmes et même aux chiens qui sont dans mes films. Je m'inspire de gens que je connais et de choses personnelles, toujours. Ce n'est jamais loin de ce que je vis. Je sais de quoi je parle. Claire n'est pas une fille fatale, mais elle est souveraine parce qu'elle n'a aucune stratégie offensive, elle ne cherche pas à séduire, ce n'est pas une prédatrice. Elle ne manipule pas. Oui, j'ai rencontré quelques femmes comme elle dans ma vie, aussi belles et candides.
 
La Festa continue jusqu'au 13 octobre à Lisbonne au cinéma Ideal, à la Cinémathèque Portugaise et au cinéma São Jorge, et jusqu'au 8 novembre dans sept autres villes portugaises (Setubal, Almada, Coimbra, Porto, Leiria, Portimão et Beja). La Festa est organisée par l'Ambassade de France au Portugal, l'Institut Français du Portugal avec la collaboration du réseau des Alliances Françaises et en partenariat avec SERENA Productions, UniFrance Films et les salles de cinéma qui participent à l'événement.
 
Tout le programme ici
 
 

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Publié le 9 octobre 2019, mis à jour le 9 octobre 2019

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