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Thomas Paulot présente son film « Municipale » au Portugal lors de la Festa

Thomas Paulot, MunicipaleThomas Paulot, Municipale
©J. Weil
Écrit par Jonas Weil
Publié le 21 octobre 2021, mis à jour le 21 octobre 2021

La Festa do Cinema Francês, après Lisbonne, Almada, Oeiras et Coimbra, continue dans beaucoup d'autres villes du pays jusqu´au 31 octobre. Elle a commencé à Porto le 19 octobre où de nombreux films sont au programme au théâtre Rivoli et au cinéma Trindade, jusqu´au 27 octobre. Ce vendredi 22 octobre c'est le film « Autarquicas » (Municipale) de Thomas Paulot qui sera projeté. Celui-ci a accordé une interview au Lepetitjournal lors de son passage à Lisbonne, dans le cadre de la Festa, pour présenter son tout premier long-métrage soutenu et sélectionné par l'ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion) pour le Festival de Cannes. Un film très centré sur une problématique actuelle puisqu'il interroge les modèles politiques de la démocratie.


Le contexte du film « Municipale »

Revin est une petite ville des Ardennes d'un peu plus de 6500 habitants. Autrefois, la ville était un vrai berceau de l'industrie dans la région. Depuis, les entreprises ont fermé, les habitants sont partis et le taux de pauvreté s'est élevé à 27%. C'est ici que Thomas Paulot a décidé de s'installer avec son équipe pour tourner un film étonnant, une sorte de documentaire-fiction. L'idée est simple, son acteur principal, Laurent Papot, venu de Paris, va se présenter aux élections municipales 2020 avec deux colistiers, les acteurs Ferdinand Flame et Milan Alfonsi. Aucun d'eux n'est originaire de la ville et n'y a jamais mis les pieds, avant le tournage. Si cette première particularité force la curiosité des habitants de la commune, ce qui attire d'autant plus l'attention, c'est que Laurent Papot n'a pas de programme, si ce n'est celui de ne pas occuper son siège de maire en cas d'élection. L'acteur, dont la performance est louable, fait plus que de se prêter au jeu car c'est sa vie privée qui y est engagée. Si l'élection apparaît vite impossible, l'objectif de ce dernier est de faire entendre ceux à qui on ne donne que trop rarement la parole, de porter des projets en dehors des sentiers tout tracés de la démocratie représentative. Thomas Paulot, à travers son entretien avec Lepetitjournal confie qu'il croit en des modèles participatifs, des modèles qui permettraient de ne pas simplement se soumettre à la politique d'un élu isolé, mais d'une pluralité d'élus, par le biais du vote ou du tirage au sort.                                           

Bien que le film relève majoritairement du documentaire, le réalisateur plonge le spectateur dans un doute perpétuel, entre la réalité et la fiction. Tout cela évoque la question sous-jacente de la façon dont on appréhende la politique dans sa globalité. Les élections ne seraient-elles pas aussi un grand jeu, une sorte de fiction grandeur nature ?


Quel a été le point de départ de votre réalisation ? Comment l'idée est-elle née ?

Nous avons écrit à trois avec Ferdinand et Milan, qui jouent également dans le film comme conseillers de campagne auprès de Laurent Papot et qui sont de vieux amis. Ma famille vient d'un village dans les Ardennes, dans lequel mon grand-père a été maire pendant 30 ans, un tout petit village. On avait commencé à écrire pour ce village mais il y avait des problématiques très différentes, du fait de la taille du lieu notamment. On s'est dit qu'on avait envie d'aller plus loin, vers une plus grande commune avec des problématiques plus complexes. Ensuite, concernant l'idée de fond du projet, cela est venu de pleins d'envies politiques partagées avec Ferdinand et Milan.


A travers cette réalisation, quel était le message que vous vouliez transmettre ?

Je pense qu'entre les idées que l'on avait au début et celles qui transparaissent dans le film il y a certaines différences. Au départ nous étions très intéressés par les thématiques de l'autogestion, via des mouvements comme le municipalisme libertaire. En commençant à tourner on a voulu circonscrire notre problématique. On a donc vraiment épuré pour aboutir au plus simple c'est-à-dire un candidat qui arrive, qui a pour unique programme de laisser son siège de maire vide en cas d'élection.


Dans le droit français, dans la pratique, un maire peut-il réellement abandonner sa place de maire pour la laisser aux habitants ? Une sorte de démocratie participative ?

Il y avait un exemple qui nous avait inspiré et intéressé lors des élections 2014, celui d'une petite ville dans la Drôme qui s'appelle Saillans. Une liste collégiale c´était auto-élue en se montrant en opposition à la construction d'une zone commerciale. L'élection a été acceptée. Ils ont mis en place un système d'auto-gestion avec différentes commissions qui géraient la commune et non pas via un maire.


Pensez-vous qu'on oublie trop souvent la question essentielle que vous évoquez dans le film : si je suis élu, que se passe-t-il ? Le mandat impératif peut-il être la solution ?

Oui effectivement ce sont des choses qui pourraient être mises en place et qui sont intéressantes. Ce sont des solutions possibles en lien avec une démocratie plus radicale. Mais, quand on voit les résultats de la Convention citoyenne pour le climat, tirée au sort, où aucune mesure n'a été réellement adoptée, on s'aperçoit que cette démocratie ne plaît pas vraiment aux élites en place. Pourtant ces mesures proposées étaient globalement très bonnes. C'est là que les limites existent.


Avez-vous parfois eu le sentiment de semer le trouble dans « Revin », de désorienter un peu tout le monde ?

Oui. Même entre nous, à certains moments, des désaccords ont eu lieu  pendant la campagne, nous étions conscients des enjeux et des limites de nos actions. On savait que l'on touchait à quelque chose d'un peu sacré où il ne fallait pas aller trop loin. Nous n'étions pas naïfs sur les réelles conséquences que cela pouvait avoir.


Votre réalisation est très troublante car on se pose perpétuellement la question : est-ce bien réel ou est-ce un « jeu » mis en place pour le film ? Quelle est la part de fiction ? Deux scènes qui montrent les 3 acteurs et une autre habitante sont troublantes, de ce point de vue là.

Vous avez bien choisi les deux séquences (rires), car ce sont deux séquences avec une part de mise en scène. La séquence avec l'épicier était basée sur des scènes que nous avions déjà eues mais il nous manquait une réelle réaction viscérale. Concernant les trois acteurs, ils sont vraiment au coeur du projet, de l'écriture, donc ils savent bien ce qu'ils font. Quand Laurent crie sur Milan et Ferdinand, il sait pertinemment par son expérience que c´est une séquence qui peut être réelle.


Comment auriez-vous fait si cela n'avait pas pris, si Laurent Papot n'avait pas réussi à faire parler de lui à Revin ?

On savait qu'il y aurait un minimum d'écho, de gens intéressés par ce genre de thématiques. On est resté longtemps sur place pour se faire connaître. Il y a du travail, on n'est pas arrivés comme ça en disant on tourne. On s'est présenté aux institutions comme la mairie, le centre social, les associations et à la presse locale. On savait que c'étaient des sujets qui intéressaient beaucoup de monde, sans qu'ils aient nécessairement envie de s'y impliquer.


Inversement, s'il avait été élu, aurait-il vraiment laissé « le siège » vide ?

Je pense que oui, on aurait laissé le siège vide, ou au moins on aurait discuté justement des choses plus politiques qui nous intéressaient à la base. Les Revinois qui étaient proches de nous savaient ce qui nous intéressait politiquement, nos idées. Il y a tout le « hors film » où l'on parlait beaucoup de tout cela. Nous n'étions pas naïfs sur l'issue de cette élection, on savait que c'était quasiment impossible que Laurent soit élu. Laurent disait souvent quelque chose de très juste, il disait que pour être au même niveau que les gens avec qui nous tournions, il avait besoin de prendre des risques. Il avait besoin d'une forme de dialogue. Sinon cela aurait été juste de la fiction.


Que représente pour vous le fait d'avoir été soutenu par l'ACID, et que votre réalisation ait été élue pour être diffusée au Festival de Cannes ?

On était très content, surtout pour un premier long-métrage. C'était très inattendu, pour le film c'est un accélérateur assez énorme d'être sélectionné par l'ACID.

 

Que représente pour vous le fait d´être à Lisbonne pour y présenter votre travail ?

C´est la première fois que l'on montrait le film en dehors de France donc c'était important. C'était très intéressant d'avoir le regard d'un autre public, d'un autre pays. L'accueil a été formidable et la salle dans laquel le film a été projeté est vraiment incroyable.

 

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