Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Mia Hansen-Løve parle de la sortie de son film Bergman Island au Portugal

Mia Hansen-LoveMia Hansen-Love
Mia Hansen-Love ©Judicaël Perrin
Écrit par Jonas Weil
Publié le 19 octobre 2021, mis à jour le 20 octobre 2021

Mia Hansen-Løve était à la Festa do Cinema Francês à Lisbonne pour présenter quatre de ses dernières réalisations. Son dernier long-métrage, « Bergman Island », sort en salle au Portugal ce jeudi 21 octobre. Elle a accordé un entretien exclusif au Lepetitjournal dans lequel elle évoque son parcours, ses inspirations et son dernier film, qui mêle la fiction, la vie de Ingmar Bergman et certains éléments de sa propre vie.     

       
« Bergman Island »

Le film met en scène un couple de cinéastes qui décide de s'installer sur l'île suédoise de Fårö, le temps de trouver de l'inspiration pour leurs futurs projets. Cette île était anciennement habitée par le célèbre réalisateur Ingmar Bergman, mort en 2007. Plus que ses maisons, Bergman a laissé une empreinte très forte de son être, qui transparaît dans l'atmosphère de l'île. Les deux cinéastes (incarnés par Vicky Krieps et Tim Roth), bien qu'ils forment un couple, semblent prendre des chemins de vie et d'écriture, différents. Vicky Krieps découvre alors l'île à sa façon et imagine le scénario de son futur film. C'est à ce moment que la réalisatrice Mia Hansen-Løve, au contact des paysages sauvages de l'île, décide de plonger le spectateur dans un mixte de réalité et de fiction.

 

 

« l´île de Bergman » , film de Mia Hansen-Love

 
 

Lepetitjournal/Lisbonne : Quel a été le point de départ de votre film « l´île de Bergman » ?

Mia Hansen-Løve : Le point de départ pour moi a été vraiment l'idée de faire un film sur un couple de cinéastes, qui soit un film sur l'inspiration. Cette idée était là bien avant l'idée de tourner à Fårö. Le lieu était très présent dans mon imaginaire, comme pour beaucoup de cinéastes, du fait qu´il est un lien à Bergman si fort. Après la mort de Bergman, quand j'ai entendu parler de la fondation Bergman, de la Bergman's week et que j'ai vu des photos de ses maisons, de cette île, c´est alors  que la rencontre s'est faite dans mon esprit entre l'île et l'histoire que je voulais racontée.


Votre film était-il entièrement pensé et écrit avant d'arriver à Fårö ou bien les paysages, l'histoire et l'atmosphère de l'île sont-ils également des éléments qui ont guidé votre inspiration au fur et à mesure du tournage ?

Je suis arrivée sur l'île avec un projet. J´avais une idée de ce que voulais. J'avais à l'esprit le fait que ça allait commencer avec un double portrait de deux cinéastes et qu'au fur et à mesure du film on allait se rapprocher de l´histoire d'une femme et de son émancipation.

Mais effectivement, beaucoup de choses étaient ouvertes sur la façon de raconter cette histoire et c'est vraiment en étant sur l'île et en vivant les expériences au quotidien de l'île que le film a trouvé sa forme. Notamment grâce à la rencontre dès ma première visite de l'île en 2014 avec Ampus Nordenson, qui joue son propre rôle dans le film. Cette rencontre a été déterminante car c'est lui qui m'a fait découvrir l'île à travers des lieux qu'il connaissait. Il avait son propre rapport à l'île et d'une certaine façon cela m´a aidé à développer mon propre rapport à l'île. Le film est donc le résultat d'un projet qui remonte d'il y a très longtemps et le résultat d'une expérience d'écriture au quotidien.


Comment avez-vous vécu le fait de travailler dans une ancienne maison du réalisateur ?

Les maisons dans lesquelles le film est tourné sont toutes les vraies maisons de Bergman. Le cinéma, le moulin également, tous les lieux sont authentiques, ce sont les originaux si je puis dire. Ce sont des lieux accessibles, ils constituent une résidence d'artiste et on peut y séjourner en y ayant un projet, ce qui a été effectivement mon cas. Pour moi cela a été une expérience très heureuse, alors que pour certaines personnes vivre sous cette ombre du maître suédois, surtout quand on l'admire, cela pourrait être inhibant ou oppressant. Ça n'a jamais été le cas pour moi, c'était au contraire plutôt rassurant.

 

 

« l´île de Bergman » , film de Mia Hansen-Love


 

Quelle est la part autobiographique dans chacune de vos réalisations ? Comment jouez-vous avec cette part autobiographique et la fiction, comme dans Bergman Island ?

Tous mes films ont été qualifié à un moment ou un autre comme étant « autobiographiques » bien qu'ils ne le soient jamais réellement dans le sens où tout n'est jamais vraiment fidèle à ce que j´ai vécu, si je m'en tiens à la définition d'autobiographique. C'est vrai que ce film est certainement frontal de par son inspiration. Je l'ai toujours fait mais parfois de façon plus indirecte. Je mets, en effet, en scène une femme cinéaste, ce que je suis moi-même. C'est peut-être pour cela qu'il m'a fallu plus de temps que pour d'autres films pour qu'il mûrisse et pour le concevoir. Mes films sont toujours très personnels, je ne sais pas si autobiographique est le mot juste, même s'il y a des éléments autobiographiques dans mes films.


Vous faites de nombreuses allusions à la série de Bergman : Scènes de la vie conjugale. Comment a-t-elle influencé votre façon de mettre en scène la relation entre Vicky Krieps et Tim Roth dans votre film ?

J'y ai pensé oui mais plus largement on peut dire que Bergman est le cinéaste du « couple ». Je ne fais pas un cinéma de référence dans le sens où j'essaye d'imiter le style d'un cinéaste que j'admire. Je ne refais pas les plans, je ne filme pas de la même manière. Il n'est pas anodin que Bergman ait construit son œuvre autour de la question du couple, du gouffre qui sépare les êtres humains, les hommes et les femmes. C'est le cas de façon très puissante dans « Scènes de la vie conjugale » qui explore la question du couple marié dans toute la violence et la brutalité des rapports humains mais c'est le cas également de beaucoup d'autres films. C'était intéressant pour moi qu'il y ait une sorte de dialogue sous-terrain entre le cinéma de Bergman et la thématique de mon film puisqu'il s'agit d'un couple qu'on ne voit pas se séparer dans le film mais dont on peut penser que cette séparation n'est pas très loin dans le temps.


Quelles sont vos autres sources d'inspiration ?

J'en ai beaucoup. Les cinéastes alimentent, nourrissent plutôt des idées. Effectivement ce film est très particulier parce que je parle de Bergman, je pense être influencé, peut-être, davantage par d'autres cinéastes français comme Éric Rohmer ou François Truffaut, pour n'en citer que deux. Il y aussi des cinéastes que j'admire énormément mais qui n'exercent aucune influence directe, je pense, sur mon travail. Il y en a beaucoup mais je ne saurais pas dire dans quelle mesure ils influencent mon cinéma. Je dirais tout de même que certaines valeurs, si on peut parler de valeurs, d'un certain cinéma français qui a incarné une certaine modernité, dans le rapport à la mise en scène et la façon de filmer qui m'ont été transmises sont une source d'inspiration.

 

 

« l´île de Bergman » , film de Mia Hansen-love


 

Que représente pour vous cet hommage que vous fait la Fête du Cinéma Français cette année ?

Il est important pour moi d´être là. J'ai une relation forte avec le Portugal, que j'ai découvert adolescente à travers des voyages qui m'ont beaucoup marqué car c'étaient les premiers voyages que je faisais en étant indépendante, avec des amis. Ça incarne des souvenirs très forts de ma jeunesse. De plus j'ai un distributeur ici qui a sorti tous mes films, auquel je suis donc très attachée et envers lequel je suis très reconnaissante. Enfin, le cinéma d'auteur traverse tout de même une phase très difficile après cette période de confinement. Ce cinéma passe très peu en salle et du coup c'est extrêmement réconfortant quand on est cinéaste de voir nos films sortir à l'étranger et qu'ils aient une vie comme c'est le cas de « Bergman Island ». C'est particulièrement plaisant de les accompagner à l'étranger.


Quels sont vos projets pour la suite ?

J'ai un film dont j'ai déjà tourné la moitié, « Un beau matin ». C'est un peu compliqué car c'est un tournage qui a été perturbé par le covid. Je suis, néanmoins, pour l'instant concentré dessus, le tournage devrait s'achever fin décembre.

Flash infos