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Littérature - "L´origine des larmes", un roman de Jean-Paul Dubois

Jean-Paul Dubois, auteur de romans très remarqués et remarquables a récemment publié L´origine des larmes où le personnage Paul a commis l’irréparable : il a tué son père.

Jean Paul DuboisJean Paul Dubois
Écrit par Fernando Couto e Santos
Publié le 31 juillet 2024

Jean-Paul Dubois, auteur de romans très remarqués et remarquables comme Une vie française (Prix Femina et Prix du roman Fnac) ou Tous les hommes n´habitent pas le monde de la même façon (Prix Goncourt 2019), a récemment publié L´origine des larmes où le personnage Paul a commis l’irréparable : il a tué son père. Seulement voilà : quand il s’est décidé à passer à l’acte, Thomas Lanski était déjà mort… de mort naturelle. L´origine des larmes (éditions de l´Olivier) est le récit que Paul confie à son psychiatre.


Jean-Paul Dubois, reporter puis écrivain

Jean-Paul Dubois est né en 1950 à Toulouse où il vit actuellement. Néanmoins, s´il a vu le jour dans le Sud, c´est vers le nord que ses pas le portent le plus souvent. Dans une interview accordée en 2021 à France Culture, il a déclaré être fasciné par la Norvège, la Suède, l´Islande et le nord du Canada et que ces pays représentent donc son univers.

Devenu grand reporter pour Le Nouvel Observateur en 1984, il a rédigé pendant plusieurs années des chroniques sur l´Amérique du Nord plus tard rassemblées dans L´Amérique m´inquiète (1996) puis dans Jusque-là tout allait bien en Amérique(2002). Au début du siècle, alors qu´il avait déjà de très beaux livres à son actif, il s´est affirmé comme un des écrivains français les plus réputés de sa génération en remportant le prix Femina et le Prix du roman Fnac avec Une famille française. Enfin, en 2019, il s´est vu décerner le prix Goncourt pour Tous les hommes n´habitent pas le monde de la même façon, roman animé d´un sentiment de révolte contre toute forme d´injustice.

Quatre ans et demi après le Goncourt, Jean-Paul Dubois nous sert encore une fois un magnifique roman -publié aux éditions de l´Olivier- qui tient de la comédie noire ou du drame burlesque, ou peut-être, comme nous l´annonce l´éditeur dans la quatrième de couverture, des deux à la fois.


L´origine des larmes

L´intrigue débute le 17 mars 2031 dans une morgue de Montréal où un homme tire deux balles dans le cadavre de son père. L´homme qui tire s´appelle Paul Sorensen et son père, un Français qui habitait au Canada, répondait au nom de Thomas Lanski. Paul ne voulait nullement porter le nom de son géniteur qu´il abhorrait en raison de la nature atrabilaire et insupportable de celui-ci. Privé de sa mère et d´un frère jumeau dès sa naissance en 1980, Paul Sorensen a grandi aux côtés d´un père qui n´était rien d´autre qu´un véritable salaud. 

À l´âge de 50 ans (ou un peu plus), Paul Sorensen a pour unique amie une intelligence artificielle  et pour activité la gestion de Stramentum, la fabrique de housses mortuaires dont il a hérité. Seule sa belle-mère, Rebecca Huisbourg, a su dans sa vie lui transmettre une certaine tranquillité. Son père, bien au contraire, a toujours fait preuve de machiavélisme, à telle enseigne qu´il a non seulement dissimulé toute trace de l´existence de sa mère, mais il a aussi inventé une filiation en usant d´un mensonge pervers. À un moment donné, Thomas Lanski a dit à son fils que son grand-père était une personnalité de renommée mondiale : «Tu ne devras jamais répéter ce que je vais te dire maintenant. Jamais. Ta mère ne s´appelait pas Marta Sorensen. Son véritable nom était Marta Hammarskjöld. Son père s´appelait Dag Hammarskjöld. Il était le patron de l´ONU, l´un des hommes les plus importants sur terre. Son travail consistait à faire cesser les guerres et les violences dans le monde. Pour ça il a reçu le prix Nobel. Il avait donc quelques amis mais beaucoup d´ennemis. En 1961, alors qu´il était en mission en Afrique, son avion a été abattu et il a été tué. Ce n´était pas un accident, c´était un attentat. C´est pour cela que, peu de temps après, ta mère a changé de nom et s´est fait appeler Sorensen. Pour des raisons de sécurité. Tu comprends ?». En visitant la Suède et la Fondation qui porte le nom de l´ancien secrétaire-général de l´ONU, Paul s´est aperçu de la supercherie de son père : Paul n´était pas du tout le petit-fils de Dag Hammarskjöld.

Le machiavélisme de son père se traduisait également par une mesquinerie maladive en humiliant souvent sa femme Rebecca et en disant notamment à Paul que les performances sexuelles de sa mère étaient bien supérieures à celles de sa belle-mère.  Pour en revenir au tout début du roman, précisons que Paul n´a donc pas tué son père étant donné que Thomas Lanski était déjà décédé de… mort naturelle. Pourtant, il n´en faudra rien de moins qu´une obligation de soins pendant un an pour démêler les circonstances qui ont mené Paul à ce parricide dont il n´était pas au bout du compte l´auteur.

L´origine des larmes est donc le récit que Paul confie à son psychiatre Frédéric Guzman. Paul s´étonne que son  psychiatre ait le même patronyme que le leader de l´ancienne guérilla maoïste péruvienne dénommée Sentier Lumineux, mais, à part cela, il s´établit une relation de sympathie entre eux, même si Frédéric Guzman ne comprend pas grand-chose à la vie de Paul et celui-ci aux méthodes du psychiatre. Paul a parfois le sentiment que le réel lui échappe, qu´il n´est plus en charge de lui-même, il éprouve une sorte de dépersonnalisation : «Comme si une mémoire algorithmique prenait en charge la routine de ma vie, répliquant chaque jour un itinéraire géographique et mental reconstitué par des data. Comme un assassin obnubilé, je ne me sens plus responsable de mes actes (,,,) Je ne suis pas fou. Juste fatigué, épuisé par le poids de tout ce qui m´alourdit le crâne et parfois me tord les os. Je voudrais pouvoir vider cette benne quelque part, ouvrir le bac de la mémoire et balancer toutes ces ordures, ce malheur que je sens bouger dans mon ventre à chaque pas. Vider, nettoyer, récurer, désinfecter, répartir de zéro, sur du propre, du neuf, du rien».

L´origine des larmes est un livre émouvant, empreint d´humour et de mélancolie, dont, j´en suis certain, vous ne regretterez pas la lecture.          

Jean-Paul Dubois, L´origine des larmes, éditions de l´Olivier, Paris, mars 2024.

 

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