Édition internationale

Festa do cinema Francês, Jean Baptiste Durand présente Vira latas en avant-première

La 24ème édition de la Festa do cinema francês a lieu du 5 octobre jusqu'au 30 novembre dans 10 villes au Portugal. Après sa clôture à Lisbonne elle s’est poursuivie à Almada, puis Porto, Faro, Coimbra, Oeiras, Lagos, Viseu, Evora, et se termine en novembre à Beja puis Braga. Lors de cette édition, le 14 octobre le réalisateur et acteur Jean Baptiste Durand a présenté son premier long métrage intitulé Vira latas à Lisbonne.

JB DurandJB Durand
©Agathe Trigueiro
Écrit par Agathe Trigueiro
Publié le 5 novembre 2023, mis à jour le 11 novembre 2023

La 24ème édition de la Festa do cinema Francês a mis à l'honneur Jean Baptiste Durand pour la réalisation de son film Vira latas, sorti le 19 octobre 2023 sur le grand écran français. Raphaël Quenard et Anthony Bajon y jouent le rôle de deux amis tourmentés par leurs vies de jeunes adultes et les préoccupations qui les assaillent dans un environnement rural. L’arrivée d’Elsa incarnée par Galatea Bellugi est source de remous comme de remords au sein de l'amitié des deux protagonistes. Pendant 1h25, Jean Baptiste Durand révèle cette jeunesse rurale aux spectateurs, une jeunesse sous-représentée dans le cinéma français.

Lepetitjournal a eu l’occasion de s’entretenir avec Jean Baptiste Durand.

Lepetitjournal : Votre film a été sélectionné pour la Festa do Cinema Francês, qu’est ce que cela vous évoque ?

Jean baptiste Durand : Cela me fait très plaisir que ce film ait été sélectionné. Je ne connaissais pas le Portugal, mais je sens un esprit très sudiste, cela me plait. Je suis honoré que ce long métrage ait été sélectionné pour un festival à l’étranger, car mes autres films n’ont pas été diffusés à l’international. La sélection de ce long métrage prouve que cela peut avoir une portée universelle, ce qui m’enchante.


Vous cultivez un attrait pour la jeunesse dans un milieu qui n’est pas forcément urbain, d'où cela vient-il ?

C’est juste ma vie. Je ne dirais pas que le milieu urbain ne m'attire pas, mais ce n'est pas ma vie, je ne le connais pas et je ne fantasme pas dessus. J’ai voulu raconter ma jeunesse, mon environnement et il se trouvait que ma jeunesse n’était pas rendue visible au cinéma. Cela a donc renforcé mon envie de le retranscrire de manière réaliste. On a longtemps associé la jeunesse des quartiers à certains codes en les comparant aux personnages de mes films. Mais je pense que les codes de la jeunesse ont été directement associé à la jeunesse des quartiers. En réalité on n’a pas besoin d’être né dans cet environnement urbain pour vouloir se battre, fumer des joints, chambrer un ami, s’ennuyer… nuancer et mettre en lumière cette jeunesse qui n’est pas issue des quarter avait à mon sens une dimension positive pour l’univers des jeunes des quartiers que l’on stigmatise avec l’idée d’un dialogue qui leur est propre alors que ce n’est pas forcément le cas.


Dans le film Vira latas, le personnage de Mirales est assez complexe, pouvez-vous nous le présenter ?

Mirales est quelqu’un issu d’un milieu plutôt bourgeois, assez lettré. Il atterrit dans ce village et il croit qu’il est trop grand pour cet environnement. Il est assez intelligent, il a un point de vue singulier sur le monde et il utilise l’humour. Mais il est profondément mal dans sa peau. Devenu très tôt l’homme de la maison suite à la mort de son père, il porte sa mère à bout de bras, et il croit qu’il doit sauver tout le monde, notamment son ami Dog. Il ne sait plus où donner de la tête et il est très névrosé. Il devient toxique pour son entourage, sa mère, son chien ou son meilleur ami Dog. C’est un personnage brillant, drôle, qui fait face à ses difficultés, qui le transforment en bombe à retardement. Quand il essaye d’éduquer ses amis, ou son chien, c’est en fait de lui-même qu’il parle. Mirales est son pire ennemi.


Donner de la visibilité à ce type d’environnement social, relève d’un choix politique, démocratique et rend ses lettres de noblesse à la culture jeune. Assumez-vous une idée politique derrière ce choix ?

Oui complètement. L'idée politique c’est celle d’incorporer de la complexité et de la nuance dans ce portrait, de le montrer avec amour, sans concession. L’idée politique c’est de filmer un territoire rendu occulte, une majorité invisible et surtout de réinjecter de manière urgente de la nuance pour sortir d’un point de vue binaire. Le cinéma rend souvent les idées manichéennes, on vit dans une société de slogan et de rapidité. Je me suis donné pour mission d'incorporer la lenteur, le vocabulaire, la complexité dans les rapports. Dans mon film, même les personnages « méchants » ne le sont pas vraiment. Le fait que mon personnage lise aussi était très important pour moi, c’est un geste politique. Orwell disait « agrandissons notre vocabulaire pour agrandir notre monde » et je pense que manifester à mon échelle l’importance de la lecture via un protagoniste comme Mirales dans Vira latas, c’est quelque chose de tout à fait politique. Ce dernier se plaît à citer Montaigne, il lit La conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole. Je souhaitais vraiment incorporer la littérature dans ce film.  


Les choix musicaux, dans votre dernier film peuvent interpeller, on peut entendre du rap marseillais des années 2000 mais aussi de la musique classique sur certains plans séquences qui sont sublimés, suivis d’une altercation. Quelle en est la raison ?

J’ai grandi avec le rap marseillais des années 1990-2000. Si on les connaît bien, on sait que ces groupes ont samplé tout le répertoire classique. Les punchlines et le classique ont toujours fusionné, cela fait partie d’une culture hip-hop. Selon moi, il n’y a rien d’incompatible dans le fait de retranscrire une bagarre avec des chœurs et des violoncelles en fond.  Dans l’album Si Dieu veut… de Fonky Family sorti en en 1997 il n’est fait que de musique classique. J’ai grandi avec ces musiques. Les personnages du film sont aussi très pudiques, ce que le classique retranscrit bien aussi. Il y a une forme de lyrisme dans cette violence-pudeur.


Pourquoi le format court vous passionne-t-il autant ? Le passage au long métrage est-il nécessaire pour approfondir votre recherche artistique ?

Je n’étais pas nécessairement passionné par le court métrage, simplement il est difficile de passer directement au long métrage si on n’a pas déjà fait de court métrage. Le coût du film en était aussi la raison, mais je suis bien plus à l'aise avec le long métrage. On peut plus facilement dilater les portraits. Le court métrage pour moi, c’est l’école du long. J’ai réalisé des courts métrages avec des équipes dignes de superproductions, et d’autres avec des amis. Revenir à ce cinéma plus guerrier, c’est soulageant. Tout est une question d’intention, de geste, de préparation et de l’importance en nombre de l’équipe. J’ai réalisé ce long métrage avec des amis, c’était presque une colonie de vacances.


Pouvez-vous nous parler de votre prochain film L’homme qui avait peur des femmes ?

J’ai co-écrit ce film avec mon ami Nathan Le Graciet, qui joue le rôle de Paco dans le film Vira latas. Pour résumer, dans ce film je m’inspire du film 40 ans toujours puceau en y incorporant l’univers du foot amateur, du vin et des petits villages. Pour parler en termes de genre, c’est une espèce de parcours initiatique aux faux airs de comédie romantique, de western et de drame social. Vira latas était déjà aussi une forme de western. Mais j’axerai celui-là sur une forme de comédie romantique. En ce moment je suis en tournée pour le film Vira latas. Je suis donc en train d’écrire L’homme qui Avait peur des femmes, et je pense m’y consacrer pleinement en 2024, et nous verrons le temps que cela prendra. Dans les prochaines semaines je serais en tournage, en tant qu’acteur dans le prochain film d’Alain Guiraudi.


Avez-vous un coup de cœur lisboète à partager avec nos lecteurs ?

Le restaurant de la cinémathèque était exceptionnel! Je peux même pas vous dire ce que j’ai mangé mais c’était délicieux. Hormis marcher quelques minutes dans les rues de la ville la nuit, je n’ai pas eu le temps de faire quoique ce soit. En revanche, je trouve la cuisine typique portugaise exceptionnelle.

 

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