

Toute la semaine, le petit journal vous propose des témoignages de francophones installés en Afrique du Sud depuis plus de 20 ans. Ils ont connu Nelson Mandela au pouvoir et ils partagent avec nous leurs souvenirs. Aujourd'hui, rencontre avec Camille Quine, une française installée au Cap depuis 1989.
(Crédit: RS LPJ)
Le Petitjournal : Comment vivez-vous le décès de Mandela ?
Camille Quine : C'est un événement national, triste, bien sûr. En 1990 lors de sa libération, enceinte de mon premier enfant, je n'avais pas pu aller écouter son discours sur Grand Parade. Alors, cette fois-ci, nous y sommes allés en famille. Dimanche, nous avons déposé des fleurs devant l'ancien hôtel de ville et nous avons laissé un mot dans le registre de condoléances. C'était très symbolique et important pour nous de marquer l'événement.
Avez vous un souvenir particulier se rapportant à Mandela ?
En septembre 1989, j'ai participé à la « purple rain protest », une manifestation contre le régime de l'apartheid. On demandait aussi la libération de Mandela. C'était pour mettre la pression sur le gouvernement. Nous étions des milliers et la police nous a arrosé avec de la peinture violette pour nous reconnaitre et pouvoir nous arrêter plus tard. Heureusement, j'ai pu me mettre à l'abri sous une arcade et je n'ai pas reçu de peinture, je n'ai donc pas été arrêtée.
Où étiez-vous le jour de la première élection libre ?
Avec mon conjoint, qui est sud-africain. Il est venu voter et nous avons attendu. Il y avait des queues incroyables, mais les gens étaient heureux d'être là, l'ambiance était festive.
Je me souviens que lors de mon arrivée dans le pays en 1989, nous étions allés dans le Cederberg et j'étais allée acheter de l'eau dans un magasin. Etant européenne, je n'ai pas fait attention et je me suis mise dans la queue réservée aux non blancs. Il y a eu un grand silence dans tout le magasin.
Et bien, le jour de l'élection libre, les gens étaient heureux parce que ça signifiait la fin de tout ça.
Comment voyez vous l'Afrique du Sud sans Mandela ?
C'est triste pour le pays que Nelson Mandela ne soit plus là. Dimanche, quand nous avons déposé des fleurs sur Grand Parade, il n'y avait pas de tristesse, plutôt une grande fierté de faire partie de la nation arc-en-ciel qu'il a construite. Mais quand les célébrations seront terminées, j'ai peur que certaines questions se posent.
Jusqu'a aujourd'hui, les hommes politiques n'osaient pas faire certaines choses devant Nelson Mandela. Maintenant qu'il n'est plus là, ils pourraient prendre des décisions moins justes, comme par exemple la « secrecy bill ». J'ai peur aussi que la corruption ne gangrène le pays comme c'est le cas dans beaucoup d'autres pays d'Afrique.
Mais globalement, je reste optimiste. J'étais sur la plage de Muizenberg le 1 janvier 1991, le premier jour ou elle a été autorisée à tous. Avant elle était réservée aux blancs. Des milliers de gens sont venus ce jour-là. Vous voyez, le pays a parcouru énormément de chemin depuis mon arrivée et je veux croire qu'il va continuer comme ça.
Marie Dumoulin (www.lepetitjournal.com/lecap.html) jeudi 12 décembre 2013
