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EDUCATION - Sizanani ou le mentorat comme dispositif de soutien

Écrit par Lepetitjournal Johannesbourg
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 3 février 2016

Le 20 janvier dernier, Angie Motshekga, la ministre de l'éducation de base sud-africaine, a exprimé ses inquiétudes au sujet du système éducatif national devant des professionnels de l'éducation et des membres du gouvernement au cours d'une réunion qui s'est tenue à Pretoria. Elle a parlé de « catastrophe nationale » en faisant référence aux résultats alarmants du « matric » ? équivalent du baccalauréat ? dans les provinces du KwaZulu Natal, du Limpopo et du Cap oriental, et en décrivant le système comme une « Cendrillon dépourvue de ressources ». Pourtant, l'accès à une éducation de qualité pour tous semble une priorité du gouvernement sud-africain puisqu'il y consacre 6% du PIB. Une situation paradoxale alarmante et complexe dans un pays marqué par des années d'éducation séparée sous le régime d'Apartheid. Des initiatives existent pour apporter des solutions : c'est le cas de Sizanani, une association sud-africaine qui accompagne plus de 120 jeunes du township d'Alexandra à travers un programme de mentorat.


Deux poids, deux mesures

L'Afrique du Sud offre un système éducatif défaillant qui fonctionne à deux vitesses et contribue à creuser dès la petite enfance le fossé entre les riches et les pauvres : ceux qui ont les moyens de payer des frais d'inscription plus élevés envoient leurs enfants dans des établissements privés, où la qualité de l'enseignement et des infrastructures est meilleure, tandis que les autres restent dans des écoles publiques trop souvent confrontées à de nombreuses difficultés : services d'éducation préscolaire limités voire inexistants, bâtiments délabrés, absence de manuels scolaires ou de bibliothèques en primaire et dans le secondaire, sureffectif, ou encore absentéisme des enseignants? Ces facteurs parmi tant d'autres font payer un lourd tribut à une jeunesse sud-africaine défavorisée en mal d'éducation. On note également des disparités majeures entre les provinces pauvres et riches, et entre les zones urbaines et les zone rurales.

Le problème de la formation des enseignants

Au-delà des inégalités raciales et sociales, un autre problème majeur du système éducatif sud-africain semble être la formation inadéquate des enseignants. Héritage du régime de l'Apartheid durant lequel l'enseignement des mathématiques a été délibérément abandonné dans les établissements réservés aux Sud-Africains noirs, les niveaux des élèves en mathématiques et en sciences sont parmi les plus bas au monde et un quart des lycées n'a pas de professeur de mathématiques en Afrique du Sud.

Absence d'inspecteurs (supprimés pendant l'Apartheid), absence de concours pour pouvoir enseigner, dévalorisation du métier, mais aussi pressions des syndicats qui contrôlent la gestion d'un grand nombre d'écoles publiques? Ces facteurs ne tirent pas vers le haut la profession d'enseignant. Un paradoxe lorsqu'on sait que trois universités sud-africaines figurent au classement de Shanghai 2010 (le top 500 des universités dans le monde).

Des études supérieures hors de prix

Alors que le nombre d'étudiants à l'université a doublé depuis la fin de l'Apartheid (ils sont aujourd'hui 900 000), seul 0,75% du PIB est alloué à l'éducation supérieure. Les frais universitaires exorbitants et la mauvaise gestion du système national des prêts d'étude (NSFAS) laisse un trop grand nombre de jeunes dépourvus de ressources pour payer les frais de scolarité, se loger et se nourrir décemment. Gel des subventions, incapacité des jeunes diplômés à rembourser leurs prêts d'étude lorsqu'ils se retrouvent au chômage, et corruption créent une situation très tendue dans le secteur de l'enseignement supérieur.

Ce contexte a conduit les étudiants à mener des actions de protestation à l'automne 2015 contre l'augmentation des frais d'inscription, avec en ligne de mire la gratuité d'une éducation de qualité pour tous.

En savoir plus sur Sizanani : 
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Mentors/ Blog 
Vidéo de présentation  


Une première réunion de présentation et de rencontre avec les mentors aura lieu le 6 février 2016 à Waverley.

Si vous souhaitez vous investir dans le programme, contactez Valérie Hirsch, coordinatrice du projet : valou.hirsch@gmail.com, 083 750 77 25 ou 011 784 72 98. Une autre réunion aura lieu le 12 mars 2016.

Sizanani : accompagner les étudiants vers l'université

C'est justement pour augmenter les chances des jeunes d'accéder à l'université dans les meilleures conditions que le programme Sizanani, qui signifie « entraide », est créé en 2007. A travers un système de mentorat, plus de 120 lycéens d'Alexandra, l'un des townships les plus peuplés et les plus pauvres d'Afrique du Sud, sont accompagnés dans leurs études par des professionnels sud-africains ou étrangers (les mentors). Le projet s'inscrit dans le cadre du programme social mené par l'école privée St Mary à Waverley, où les élèves y suivent des cours de soutien scolaire.

C'est pour pallier ce manque que les mentors de Sizanani rencontrent une fois par mois leurs « mentees » (jeunes qui sont épaulés dans le cadre du programme) : des moments privilégiés durant lesquels les étudiants peuvent discuter librement de leur éducation et de leur avenir, mais aussi de bien d'autres sujets, au cours des sorties culturelles ou divertissantes organisées à leur intention.



Une relation réciproque, une ouverture d'esprit

« Lorsque je rencontre mes « mentees », mon objectif est de leur ouvrir des perspectives en les sortant de leur quotidien », nous explique Hélène Raison, mentor investie bénévolement depuis 2014 dans la coordination de Sizanani. « L'éducation ne se fait pas qu'à travers les livres, c'est là tout l'intérêt du programme », précise-t-elle.

Ouvrir les esprits tout en offrant du rêve ne veut pas dire être déconnecté de la réalité. C'est dans cette optique qu'ont lieu chaque mois des interventions de professionnels qui expliquent aux jeunes leurs métiers, les filières d'étude et la situation du marché de l'emploi. Des journées ou des stages d'observation en entreprise sont également organisées ponctuellement. Deux à trois fois par an, Sizanani organise aussi des sorties collectives regroupant tous les « mentees ».

A l'heure des inscriptions à l'université et des demandes de bourses ou de prêts d'études, les mentors et l'équipe de coordination de Sizanani sont une ressource inestimable pour ces étudiants qui sont accompagnés dans leurs démarches. « Mes mentors ont joué un rôle primordial dans ma vie, en me donnant des conseils qui m'ont permis d'éviter des erreurs et de grandir sur les plans personnels et professionnels. Au début, je ne savais pas ce que je voulais faire, mais ils m'ont aidé à prendre confiance en moi et à réaliser quel chemin je souhaitais prendre. C'est l'une des plus belles choses qui me soit arrivée ». C'est en ces mots envoyés via WhatsApp que s'est exprimée Nandiswa, l'une des étudiantes du programme, pour exprimer sa reconnaissance à ses mentors.

La relation n'est pas à sens unique et bénéficie aussi aux mentors. « Cela m'apprend à écouter, à donner de mon temps et à apprécier ce que j'ai, tout en me procurant beaucoup de joie et un sentiment d'accomplissement personnel », explique Linda, l'une des mentors.


Un soutien moral et financier

En plus du soutien moral offert par les mentors, un certain nombre de jeunes du programme reçoivent un soutien financier de la part de Sizanani. En effet, « même si les élèves réussissent leur baccalauréat et sont acceptés à l'université, cela ne veut pas dire qu'ils obtiendront un prêt de la part du gouvernement leur permettant de poursuivre leurs études », nous explique Valérie Hirsch, coordinatrice du programme depuis 2007. « C'est pourquoi il est indispensable que nous puissions offrir à nos jeunes les plus méritants des bourses ».

En 2015, 84 élèves ont obtenu leur baccalauréat et 40 ont été admis dans des universités ou écoles supérieures. Par ailleurs, 13 étudiants ont obtenu une bourse de Sizanani.

Aujourd'hui, pour répondre aux besoins des étudiants toujours plus nombreux et assurer la pérennité du programme, l'association a besoin de nouveaux mentors, mais aussi d'ordinateurs, de tablettes, de calculatrices et de téléphones portables pour les étudiants. Sont également recherchées des entreprises intéressées à financer des bourses d'études, proposer des journées d'observation, des stages ou qui recherchent à engager des jeunes diplômés noirs.

Amélie Goudon Sapet www.lepetitjournal.com/johannesbourg Mardi 2 février 2016

Crédit photos : Valérie Hirsch

* Source : http://www.education.gov.za/Newsroom/Speeches/tabid/298/ctl/Details/mid/3618/ItemID/3651/Default.aspx

lepetitjournal.com johannesbourg
Publié le 1 février 2016, mis à jour le 3 février 2016

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