Stéphane et Jolan nous racontent comment l’architecture du temple de Borobudur et leurs origines suisses les ont inspirés pour créer “Le Temple”. Un hôtel inattendu, avec une histoire tout aussi surprenante, qui met à l’honneur le patrimoine indonésien.
Parlez-moi de vous, et de la façon dont vous vous êtes rencontrés
Jolan : Je suis originaire de Lausanne et du Jura français. A la mort de mon père, lorsque j’avais 4 ans, ma mère décide de voyager. Toute mon enfance et mon adolescence, j’ai voyagé en Asie et notamment en Indonésie. Nous avons eu un véritable coup de cœur pour ce pays dans lequel nous nous sommes installés. Après mes études supérieures en Suisse, je suis revenu ici. J’ai vécu pendant 10 ans à Jakarta, Lombok puis Yogyakarta où je réside actuellement. J’ai travaillé dans des domaines très variés. J’ai été figurant dans des films ou des publicités, professeur de français, employé dans la tour de contrôle d’un aéroport puis dans le tourisme de luxe. Ma femme, Uus, est indonésienne, originaire de Magelang. Elle était également dans le tourisme et nous avons commencé à travailler ensemble en faisant de notre maison un “homestay”, un hébergement chez l’habitant.
Stéphane : Je suis Stéphane, j'ai 49 ans et je viens de Suisse. J’ai pris Jolan sous mon aile quand il avait 16 ans en devenant son père adoptif. J’ai fait des études supérieures en marketing et stratégie d’entreprise et j’ai travaillé dans des grands groupes comme Nestlé ou L’Oréal puis en conseil en ressources humaines et en gestion de la performance en entreprise.
En 2019, nous avons convenu avec Jolan et sa femme de lancer la création de cet hôtel et de bâtir un showroom qui servira ensuite à dupliquer le concept. Au début, je faisais des aller-retour entre Suisse et Indonésie. C'est devenu plus compliqué avec le Covid. Lorsqu’il a été possible de voyager à nouveau en 2022, j’ai pris la décision de venir m’installer ici définitivement.
Comment vous est venue l’idée de créer cet hôtel ?
Jolan : Tout à commencé il y a 12 ans. J’avais un peu d’argent de côté et j’ai acheté un terrain à 700 mètres du temple de Borobudur sans trop savoir ce que j’allais en faire plus tard. Je me suis juste dit que ce serait une bonne affaire, car les prix risquaient d'augmenter autour de ce lieu symbolique.
En 2017, nous avons visité Borobudur avec la famille de Stéphane. En haut du temple, j’ai été fasciné par les bouddhas dans les stupas. J’ai réalisé que l'on n'avait jamais vu d’habitation en forme de stupas. Pendant deux ans, nous avons gardé cette idée en tête et nous avons aussi travaillé sur d’autres projets comme des “tiny house”, ces petites maisons en bois déplaçables.
En 2019, nous sommes revenus sur cette idée de stupa en ayant en tête d’apporter une expérience au client avant sa visite du temple de Borobudur. C’est ainsi qu’est né le storytelling “Le Temple”, basé sur celui du temple.
Stéphane : En effet, sans tout dévoiler, l’architecture de l’hôtel utilise des éléments, des codes et des motifs que l’on retrouve à Borobudur. De là est née notre signature, “beyond hotel experience”, apporter une aventure au-delà de l’expérience hôtelière.
J’ai commencé par dessiner à la main le stupa que nous avions imaginé, puis j’ai travaillé sur un outil d’architecture en ligne, car je n’arrivais pas à exprimer mes idées en deux dimensions. C’est là que la forme finale de la chambre, en dodécagone, a été créée. Puis, nous avons rencontré un investisseur prêt à nous aider. Ce projet est véritablement la rencontre de nos compétences conjointes. Jolan a eu l’idée d’une chambre en forme de stupa, je l’ai conceptualisé et la femme de Jolan s'occupe du design intérieur, nous sommes complémentaires.
À partir de ce moment, le nom “Le Temple” nous est apparu comme une évidence. L’ajout du déterminant “Le” rappelle le côté francophone et l’excellence. Nous avons développé une stratégie de marque basée sur la propriété intellectuelle, nous avons donc protégé le design dit industriel, la marque, ainsi que notre logo.
Quel a été l’influence de vos origines dans ce projet ?
Stéphane : La Suisse nous apporte certainement la notion de précision, nous avons notamment été très pointilleux lors des finitions. Notre héritage helvétique se transmet également par l'hospitalité, le savoir-faire et le professionnalisme.
Côté architecture, les deux premiers stupas tout en bois ont un côté un peu “chalet”. C’était une façon d’amener un peu de chez nous dans ce projet et de rester également dans l’idée de "tiny house" et de cabane dans la forêt.
Le résultat est la convergence de ces ingrédients et de la maison traditionnelle indonésienne en teck avec une touche de modernité. Le tout en utilisant l'héritage culturel javanais d’un stupa du 8ᵉ siecle. Quel mélange incroyable !
Jolan : Enfin, je suis catholique converti à l’islam, Stéphane est protestant converti au bouddhisme. C’est pourquoi, nous avions vraiment à cœur de respecter toutes les religions dans ce projet.
Quel est votre implication dans le tissu local ?
Stéphane : L’encrage local repose beaucoup sur la femme de Jolan, Uus. Elle est très impliquée dans les différentes communautés de la région. Elle a une forte sensibilité pour l'aménagement intérieur et s’inspire notamment de l’héritage culturel indonésien comme le batik. Nous souhaitons faire de notre hôtel une plateforme qui présente l’Indonésie de manière authentique contrairement aux établissements aseptisés. Nous voulons mettre en avant les communautés locales, mais aussi l’art ou la musique. Un pourcentage de notre bénéfice est également dédié au développement de projets dans la région en partenariat avec des locaux.
Jolan : Au-delà de l’hôtel Le Temple, ma femme et moi avons toujours souhaité aider les communautés locales par des actions positives. Notre méthode est d'apporter de la formation qui contribue à l'économie locale, et également apprendre à exploiter leur savoir-faire. Par exemple, nous prenons le temps de les former à notre niveau de finition et de détail dans la construction. Nous avons développé ce relationnel avec tous les partenaires commerciaux de la région avec lesquels nous travaillons.
De plus, il y a un orphelinat à côté de l'hôtel. Nous y donnons des cours d’anglais et nous les aidons à exploiter leurs terrains en leur donnant des conseils. Nous proposons également à nos clients d’aller visiter l’orphelinat pour y faire du bénévolat.
L’idée est que les communautés locales deviennent actrices du développement du tourisme afin de les rendre indépendantes.
Quelle est votre clientèle ?
Stéphane : Nous avons ouvert l’établissement en pleine pandémie, en septembre 2020, et nous avons choisi de voir cela comme une opportunité. Initialement, notre cible était plutôt internationale, mais nous avons dû nous adapter. Nous nous sommes recentrés sur la clientèle indonésienne avec une stratégie axée sur les réseaux sociaux. Cette décision était la bonne et nous avons rapidement atteint les 10.000 followers sur Instagram. Dès l’ouverture, plusieurs investisseurs potentiels nous ont rendu visite dont les plus grosses fortunes indonésiennes et régionales. Le tout en plein covid et sans tourisme international.
Jolan : Avant la pandémie, Borobudur rassemblait 3,5 millions de visiteurs par an. Depuis, le gouvernement s’est préparé à l’après Covid et a investi dans des infrastructures comme le nouvel aéroport. Aujourd’hui, le tourisme reprend et l'accès à la partie supérieure du temple a ouvert à nouveau en phase de test. Ce rapport entre la clientèle internationale et locale va encore évoluer.
Quels sont vos projets ?
Jolan : La première partie de l’hôtel a été construite comme un véritable showroom conçu pour être démultipliée. Dès la stratégie initiale, nous avons imaginé la possibilité de s’étendre. Six mois après l’ouverture et grâce à notre investisseur, nous avons transmis nos plans à un cabinet d’architecte indonésien afin qu’il reprenne nos éléments et déploie 16 nouvelles villas basées sur la même forme. Nous avons à présent cinq villas avec piscines privées, cinq avec jacuzzis, les sept autres dites “Laguna” qui bénéficient d’une piscine centrale.
Nous allons compléter nos installations et construire un spa, une salle de sport et des salles de réunions pour élargir notre offre. Nous pourrons ainsi nous adresser à un public d’entreprises ou accueillir des événements comme des mariages.
En cours également, la création d’un nouveau bar et d’un second restaurant aux différentes atmosphères.
Stéphane : En termes de planning, les nouvelles villas seront opérationnelles d'ici à un mois. Les installations ouvriront progressivement pour être opérationnelles dans les quatre mois, soit pour le début de la haute saison.
Le temple n’est que la partie émergée de notre savoir-faire. Nous sommes des “serial developer” sans cesse en train de conceptualiser et de construire. Nous recherchons des investisseurs pour d'autres projets, car nous transformons des idées originales en business profitables dans des domaines tels que l’immobilier, la gastronomie, le commerce et le divertissement.
LE TEMPLE
Sawah, Borobudur, Magelang Regency, Central Java 56553
Tél : +6281904114127