En attendant la réouverture du Musée National de Jakarta, nos guides francophones de l'association Indonesian Heritage Society nous partagent leurs coups de cœur.
Si vous habitez en Malaisie, à Singapour ou en Indonésie, vous avez très probablement déjà été amenés à voir de drôles de poignards richement décorés de pierres précieuses sur leurs manches et leurs fourreaux. Cette dague porte le nom de Kriss.
Le Kriss fait partie de l’héritage traditionnel indonésien, le « Pusaka » et on le retrouve essentiellement dans l’ouest de l’archipel; sur les îles de Java, Sumatra, Kalimantan, Sulawesi, Madura et Bali.
Le Kriss, une dague aux pouvoir magiques par Virginie Balembois
Dans la pure tradition, le Kriss est auréolé de pouvoirs magiques. Il ne peut être transmis que de père en fils et en aucun cas être acheté à quiconque en dehors du forgeron qui l’aurait façonné.
Ses multiples pouvoirs peuvent l’amener à tuer seul un adversaire de son détenteur si celui-ci venait à être en danger. Selon la légende, il peut même détourner les coulées de lave. Il a, par ailleurs, été pendant longtemps utilisé en tant que représentant d’un futur marié qui n’aurait pu être présent lors d’une cérémonie de noces.
Un maître forgeron pour réaliser la lame
Sa lame ne peut être fabriquée que par un forgeron, pourvu de pouvoirs magiques, appelé « l’Emput ». La technique utilisée lors de la fabrication de cette lame trouve ses origines en Perse et serait arrivée sur l’archipel au XIIIème siècle. Il reste aujourd'hui en Indonésie une petite dizaine de forgerons possédant le savoir-faire.
Tout futur postulant à la possession d’un Kriss devra recevoir chez lui à plusieurs reprises ce forgeron « divin » sur une période s’étalant de un à trois mois afin que ce dernier s’assure que le « candidat » possède une âme assez forte et pure pour prétendre pouvoir détenir un Kriss.
Seul le forgeron décidera du moment à partir duquel il pourra se lancer dans la fabrication de la lame. Il priera et jeûnera alors pendant au moins trois jours avant de se mettre au travail.
La particularité de la lame du Kriss
Si on en observe la lame du Kriss, on découvre un « millefeuille » de fines couches de métal. Ceci témoigne de la technique particulière utilisée lors de la fabrication de cette lame. Le forgeron dispose une fine plaque de nickel entre deux de fer de taille similaire puis martèle l’ensemble de manière à obtenir une première lame. Celle-ci sera repliée sur elle-même autant de fois que nécessaire puis martelée à nouveau jusqu’à obtenir l’aspect souhaité. Une technique qui peut requérir jusqu’à cent pliages ! La lame laisse alors apparaître, une fois affûtée, des vagues sur son fil témoignant du nombre de couches la constituant.
“Les plus belles lames incluent souvent des morceaux de météoriques ramassés dans la nature”
Une lame de kriss pourra montrer soit un nombre impair d’ondulations, soit être rectiligne. Dans ce dernier cas, on l’appellera « Ular Tidur », ce qui littéralement veut dire «le serpent qui dort».
Une fois terminée, la lame sera remise au propriétaire qui y ajoutera une poignée et un fourreau décorés selon son rang et sa richesse de manière plus ou moins sophistiquée.
Lors de chaque nouvel an musulman, on procèdera à des rituels de purifications des Kriss, appelés Tanggal Satu Suro ou encore, le jour du kriss en javanais.
“En Indonésie, on aime à rappeler qu’un homme doit posséder cinq choses : une maison, un cheval, un oiseau, une épouse et un Kriss”