Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 1
  • 0

Passion, innovation et énergie : 3 mots qui définissent Philippe Kotzky

Philippe Kotzki et son épouse SagitaPhilippe Kotzki et son épouse Sagita
Écrit par Valerie Pivon & Marie Pinot Liebert
Publié le 6 mars 2022, mis à jour le 3 avril 2024

Il y a huit ans, Philippe Kotzky et son épouse Sagita installent leur entreprise Decotatoo à Jakarta. Ils fournissent les industriels, distributeurs, restaurants, chocolatiers, hôtels en Asie, Moyen-Orient et Europe en décalcomanies alimentaires, produits finis ou ingrédients. Ce sont des logos, des éléments en chocolat de couverture qui servent à décorer les gâteaux pour la pâtisserie. Nous avons rencontré Philippe dans son atelier à Alam Sutra.

 

Trois mots peuvent définir Philippe Kotzky et peut-être expliquer en partie sa réussite : passion, innovation, et énergie.

 

Quel est votre parcours avant l'Indonésie ?

Mon père était professeur de pâtisserie aux Grands Moulins de Paris de 1965 à 1978, il a ensuite ouvert une pâtisserie à Villeneuve Loubet, là où il y a le musée Auguste Escoffier, le grand chef cuisinier. Cela m’a très certainement influencé. Je me suis mis à la pâtisserie sous la tutelle de mon père et j’ai participé à des concours nationaux, en rapportant des premiers prix sur des pièces artistiques en sucre et chocolat. Mon certificat d’aptitude professionnelle en poche, je débute et commence ma formation dans la belle maison de Roger Verge à Mougins. A 24 ans, j’avais envie de découvrir le monde, je suis parti à l’étranger et ne suis pas revenu travailler en France depuis. Je suis resté cinq ans à New-York, où j’ai travaillé dans des restaurants 2 et 3 étoiles. Ensuite, je suis revenu en Europe, j’ai travaillé pour Annabel's, un célèbre club à Londres, puis j’ai eu une opportunité à Shanghai. J’y ai fait l’ouverture d’un hôtel en 1999, et cela marque le début de ma carrière en Asie. J’y suis resté 12 ans et entre-temps j’ai fait des allers-retours au Canada, à Dubai, à Macau où je travaillais chez Robuchon comme chef pâtissier, puis retour en Chine. En 2010, j’ai ouvert une petite usine à chocolat plutôt spécialisée dans le bonbon.

 

L’Indonésie, comment vous vient l’idée de la décoration en chocolat ?

 

En Asie, j’ai appris que tout ce qui est visuel est important et je me suis tourné vers la décoration de gâteaux et chocolat.

 

Je suis venu m’installer en Indonésie tout simplement car mon épouse, elle aussi pâtissière, est indonésienne. Nous avons fait un container de 20 pieds en quittant la Chine avec des machines commandées pour faire de la décoration en chocolat. J’avais une idée de ce que je voulais faire, mon expérience en restauration m’avait appris que la décoration en chocolat est un créneau où il y a de la place pour développer un projet.

 

Tout a commencé lorsque je travaillais au Ritz Carlton à Shanghai, mon chef ne voulait pas que j’achète les transferts car cela coûtait trop cher. Ça a été ma revanche… Un jour, je l’ai rencontré de nouveau et je lui ai dit : “avant, je n’avais pas le droit d’acheter des transferts, et maintenant, je vous les vends”. En Chine, j’ai appris la technique de transfert notamment avec le système d’impression sur soie. J’ai fait des recherches à l’époque, j’ai fait fabriquer des machines sur mesure qui correspondaient aussi aux températures nécessaires pour travailler l’impression sur chocolat.

 

Nous avons monté notre société avec mon épouse et nous nous sommes installés à Alam Sutra, banlieue ouest de Jakarta, dans une petite entreprise. Nous avons rapidement grandi, en doublant notre superficie. Nous avons commencé à trois, il a fallu beaucoup de travail, de recherches, d’essais pour arriver à ce résultat. Les cinq premières années ont été difficiles, mais depuis trois ans, nous nous développons à travers l’Asie et 16 personnes travaillent pour Decotatoo.

 

Nous avons commencé avec le marché local, désormais l’export représente 70 % de nos ventes. Nous manquons de place, nous déménageons entre juin et juillet dans un local de plain-pied de 750 m2. Nous avons également une autre compagnie basée à Hong Kong pour tout ce qui est commerce et export.

 

L’avantage, lorsque l’on est basé en Asie, est de pouvoir se développer sur le marché plus facilement.

Plusieurs gros groupes français ont essayé de nous racheter, pour avoir ce point d’entrée en Asie, mais nous avons toujours refusé jusqu’à aujourd’hui.

produits decotatoo
Gamme de produits Decotatoo

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre activité ? La provenance du chocolat, les techniques, les produits, les machines…

En fait, nous fournissons les produit alimentaires DECOTATOO pour industriels, pâtissiers, glaciers, chocolatiers… Les logos que vous voyez sur les gâteaux, les décorations, les glaçage sur les éclairs, les couvertures de chocolat…c’est nous. Nous vendons également des colorants alimentaires, du chocolat de couverture DECOTATOO pour pâtissier. Nos clients sont des professionnels. Nous avons un catalogue avec plus de 200 références pour chaque saison et festivités.

D’où vient le chocolat ?  Nous utilisons du chocolat dont la fève de cacao vient d’Afrique et d’Amérique du Sud, simplement pour une question de goût et de facilité d’utilisation, notre extrait de vanille vient de Madagascar, et le lait en poudre de France. Le goût du chocolat indonésien ne correspond pas forcément aux demandes de nos clients asiatiques et du Moyen-Orient.

Nous importons désormais notre chocolat de couverture, par container entier, nous ne sommes ainsi plus dépendants et pouvons contrôler notre production.

 

degustation de chocolat Decotatoo
Dégustation de chocolats Decotatoo

D’où viennent les machines ?

Au début, nous faisions seulement des transferts, une sorte de décalcomanie que l’on applique sur le chocolat. On nous a conseillé de faire aussi du produit fini. J’ai alors investi dans des machines diverses, et nous avons développé notre business de plus 67%.

En ce qui concerne l’impression et thermo-moulage, les machines viennent d’Asie, elles sont toutes fabriquées sur mesure. Le reste des machines pour le travail du chocolat viennent d’Europe.

Pour la production, tout est informatisé : de la recette jusqu’à l’expédition. Tout est enregistré, les employés ont un écran qui leur donne les informations et ils les suivent. La production, l'étiquetage etc… se font automatiquement. Tout est gérable à distance. Le logiciel DECOTATOO a été créé sur mesure pour nous ici en Indonésie. Cela permet d’avoir une excellente traçabilité sous notre licence HACCP, nous gardons des prélèvements pendant 1 an (en cas de problème sanitaire).

J’ai fait beaucoup d’essais et de recherche et développement pour adapter mes machines, développer le logiciel, travailler le chocolat. Nous proposons régulièrement de nouvelles gammes à nos clients.

En ce qui concerne la formation du personnel, nous avons commencé à trois ; nous sommes maintenant 16 personnes dans la société. A part la comptable, la personne en charge de la sécurité alimentaire et le designer, nous avons formé l’ensemble des employés.

La création des designs

Nous avons un designer qui nous fait les créations en fonction des demandes des clients, des évènements, fêtes, célébrations … “ Parfois la nuit je me réveille avec une idée de design”. Ces dessins sont imprimés et ensuite nous les rentrons dans notre système. C’est un peu le même principe que l’imprimerie.

La partie commerciale

Je suis en charge de cette partie, nous travaillons beaucoup en Asie, au Moyen-Orient et vendons même jusqu’en Italie, parfois pour des restaurants 3 étoiles Michelin. Nous avons un commercial basé à Hong Kong pour développer notre marché asiatique. Mon épouse est pâtissière aussi, nous nous sommes connu à Macao. Elle est sur tous les fronts comme moi : contrôle qualité, elle manage et forme les employés sur nos cahiers des charges car elle parle indonésien.

 

Des projets pour Decotatoo ?

Des projets toujours, mais nous allons déjà nous axer sur notre déménagement en mai, juin, nous passons sur une superficie de 750 m2 juste à côté. Nous passons à un stade plus industriel, nous aurons plus de place pour travailler, produire et pour stocker.

Nous développons des moules pour gâteaux en silicone personnalisés, développons notre gamme de chocolat à pâtisserie et pourquoi pas dans le futur une boutique de chocolat à Jakarta. Mais il faut savoir garder les choses à leur dimension et on ne peut être partout. Nous ne sommes qu’une PME.

 

Quel a été l’impact du Covid sur votre activité ?

Finalement le Covid a été une opportunité pour nous, les entreprises européennes ont eu des difficultés à produire pour l’Asie notamment par manque de personnel, du chômage partiel, problème de machines … nous avons su être présent et tirer notre épingle du jeu.

 

Un conseil pour monter son entreprise en Indonésie ?

Tout à l’air simple mais c’est très compliqué. Je dirais qu’il faut avoir du toupet, de l’expérience et être débrouillard. Mettre un container avec des machines sur un bateau, j’ai vu juste. Je n’ai pas forcément aimé Jakarta, c’est pour cela que nous sommes venus à BSD, plus vert et plus simple pour le transport.

 

Et surtout, surtout beaucoup de travail !

 

Lien vers le site de Decotatoo.