Les pluies diluviennes qui ont frappé le nord de Sumatra fin novembre 2025 n’ont pas seulement endeuillé des communautés humaines : elles pourraient aussi faire basculer vers l’extinction l’un des grands singes les plus rares de la planète, l’orang-outan de Tapanuli (Pongo tapanuliensis). Dans la zone forestière de Batang Toru (Sumatra du Nord), cœur de son habitat, des crues soudaines et des glissements de terrain ont arraché des pans entiers de forêt et isolé davantage encore une population déjà minuscule et fragmentée.


Une espèce rarissime, confinée à Batang Toru
Décrite comme espèce à part entière en 2017, l’orang-outan de Tapanuli ne vit que dans une aire très restreinte des hauts plateaux de la province de Sumatra du Nord, au sud du lac Toba, autour de l’écosystème de Batang Toru.
Les estimations les plus reprises évoquent moins de 800 individus, ce qui en fait le grand singe le plus menacé au monde.
Quand une catastrophe naturelle devient un choc “d’ampleur d’extinction”
Selon des chercheurs cités par The Guardian, l’épisode de pluies extrêmes (plus de 1 000 mm en quatre jours et plus de 1000 morts) aurait provoqué une destruction d’habitats à grande échelle et une mortalité directe importante : 33 à 54 orangs-outans pourraient avoir péri, soit environ 6 à 10% d’une population déjà très faible — un niveau qualifié de “perturbation de niveau extinction”.
Mongabay rapporte aussi que certaines zones clés pourraient avoir été durement touchées, au point d’affecter des sous-populations essentielles à la viabilité de l’espèce.
Ce type de perte est particulièrement grave parce que l’espèce se reproduit lentement : les femelles n’ont pas de petits à rythme rapide, ce qui rend chaque décès difficile, voire impossible, à “compenser” à l’échelle d’une vie humaine.
Une forêt déjà fragilisée par les routes, les mines et les plantations
Ces inondations n’arrivent pas dans un “sanctuaire intact”. Batang Toru est sous pression depuis des années : routes d’accès, projets industriels, exploitation minière et conversion de terres accentuent la fragmentation de la forêt. The Guardian souligne notamment les inquiétudes autour des activités liées à l’or (Martabe) et à leurs infrastructures associées (routes, emprises, bruit, présence humaine), qui grignotent et coupent l’habitat.
Un signal d’alarme climatique et écologique
Dans ce contexte, une catastrophe comme celle de novembre dernier agit comme un multiplicateur de risques. Ces inondations posent une question plus large : si les épisodes extrêmes deviennent plus fréquents, une espèce confinée à une petite région n’a presque aucune marge d’adaptation. Pour l’orang-outan de Tapanuli, la survie dépendra autant de la réduction des pressions humaines (déforestation, fragmentation) que de la capacité à préserver une forêt continue, résiliente, capable d’encaisser les chocs à venir.
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