Durant les trois jours de la visite d’État du président français en Indonésie, Emmanuel Macron et Prabowo Subianto n’ont eu de cesse de souligner la force de la relation entre les deux pays, « liés par le vent de l’Histoire et le souffle d’un destin commun », selon le chef d’État français. Une visite fastueuse avec des gestes forts de chaque côté qui font de ce voyage un moment historique pour les deux pays dans un contexte de recomposition mondiale chaotique.
« Je suis très heureux d’être là car vous avez un magnifique pays (…) et je suis impatient de retrouver mon frère Prabowo ». C’est par ces mots qu’Emmanuel Macron a commencé sa visite d’État de trois jours en Indonésie après que son avion a atterri sur la base aérienne Halim Perdanakusuma de Jakarta peu avant 22 heures, mardi 27 mai 2025.
Dans l’Airbus A330 présidentiel, en plus de son épouse Brigitte Macron, des dizaines de chefs d’entreprise et pas moins de quatre ministres : Sébastien Lecornu pour les Armées, Éric Lombard pour l’Économie, Rachida Dati pour la Culture et Thani Mohamed-Soilihi chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux. Une large délégation pour démontrer l’importance que revêt cette visite d’État. La première d’un président français depuis celle de François Hollande en 2017, même si Emmanuel Macron était venu à Bali en 2022 dans le cadre du G20.
La France propose « une troisième voie » et se présente comme un partenaire « fiable » et « respectueux » de la « souveraineté » et de « l'indépendance » des États d’Asie du Sud-Est en général et de l’Indonésie en particulier
Ce voyage intervient à une date symbolique, car les deux pays célèbrent les soixante-quinze ans de leur relation diplomatique. Mais il se déroule également dans un contexte où, depuis l’arrivée de Donald Trump, le monde se recompose brutalement et où chaque pays doit revoir ou renforcer ses alliances. Selon la présidence française, ce déplacement vise à consolider la « stratégie indopacifique » française, dans une région que l'Élysée décrit comme « prise entre les États-Unis et la Chine ». Face à cette situation, la France propose « une troisième voie » et se présente comme un partenaire « fiable » et « respectueux » de la « souveraineté » et de « l'indépendance » des États d’Asie du Sud-Est en général et de l’Indonésie en particulier.
Le moment est clé, et la France et l’Indonésie ont besoin l’un de l’autre. Alors les deux pays rivalisent d’amabilités entre eux. Mercredi 28 mai, la visite a commencé à Jakarta sous un soleil radieux. L’imposant convoi présidentiel français est parti de l’hôtel Fairmont escorté de nombreuses motos de police. Sur la route, les visages d’Emmanuel Macron et de son épouse s’affichent partout sur des écrans géants. Arrivé au monument national, la voiture du couple présidentiel ralentit avant de remonter, suivie de la garde royale à cheval, vers le palais présidentiel Istana Merdeka. Sur le bord de la route, des centaines de jeunes écoliers du primaire agitent avec frénésie des drapeaux français et indonésiens en souhaitant la bienvenue au président et à son épouse.
Emmanuel Macron sort de la voiture, tout sourire, en saluant le président Prabowo Subianto d’un « selamat pagi » avant de se donner mutuellement une franche accolade, comme deux amis qui ne s’étaient pas vus depuis longtemps. Dans la cour, la Marseillaise est entonnée et 21 coups de canon sont tirés. Un accueil en grande pompe, signe d’une attention très particulière pour un pays qui reçoit avec parcimonie les chefs d’État. Après le faste de l’accueil, l’heure est à l’entretien bilatéral, puis aux réunions de travail élargies et aux visites de chaque ministre français avec leurs homologues indonésiens respectifs.
Tout au long de la journée, les annonces de contrats pour plus de 17 milliards d’euros sont égrenées dans les domaines des mines ou de l’énergie, ou la mise en place de partenariats comme la formation des diplomates, la gestion des catastrophes naturelles, la gestion durable des forêts, mais aussi la culture. Emmanuel Macron a notamment annoncé la signature d’un nouveau partenariat culturel pour « faire de la culture une force économique (...) et un terrain d’émancipation », avec un accent mis par exemple sur le cinéma. Parlant « d’une nouvelle vague franco-indonésienne », le président a également cité la mode, les métiers d’art, les jeux vidéo, le design, l’art visuel ou encore la gastronomie.
J'espère que tout cela permettra au partenariat entre nos deux pays d'apporter un équilibre au monde
Le domaine de la défense occupe toujours une place importante alors que l’Indonésie veut moderniser son armée et que la France, après l’annulation en 2021 par l’Australie de l’achat de sous-marins, doit trouver de nouveaux débouchés pour ses technologies militaires. « Je suis heureux que la lettre d’intention signée aujourd’hui puisse ouvrir une nouvelle perspective avec des commandes nouvelles de Rafale, de Scorpène, de frégates légères (…) et une intimité plus forte entre nos armées avec des échanges d’informations », a ainsi dit Emmanuel Macron lors d’une déclaration devant la presse, avant de dévoiler que Prabowo Subianto sera l'invité d'honneur à la prochaine fête nationale du 14-Juillet à Paris. « Merci d'avoir accepté cette invitation et merci pour cette amitié. J'espère que tout cela permettra au partenariat entre nos deux pays d'apporter un équilibre au monde », a-t-il poursuivi.
Les deux pays ont notamment appelé ensemble à des « progrès » en juin vers une « reconnaissance mutuelle entre Israël et Palestine ». L'Indonésie a indiqué qu'une fois que l'État hébreu aura reconnu la Palestine, elle sera prête à reconnaître Israël et à établir des relations diplomatiques, a déclaré le président indonésien Prabowo Subianto aux côtés de son homologue français. Ce dernier a poursuivi sur ce thème des crises internationales lors d’une rencontre avec la jeunesse indonésienne à l’Université nationale de Jakarta. Un moment fort de la journée, qui a donné lieu à un mémorable bain de foule. Des milliers d’étudiants l’attendaient comme une rock star en hurlant « hello mister » et en demandant des selfies. Ne boudant pas le plaisir de cette popularité, Emmanuel Macron a serré des centaines de mains et n’hésitait pas à se saisir des portables tendus pour faire des selfies. Une scène de liesse qui a dû donner des sueurs froides aux services de sécurité.
De son côté, la première dame de France avait également son programme de rencontres. Brigitte Macron a notamment retrouvé Didiet Hediprasetyo, le fils de Prabowo, pour une visite d’une exposition éphémère très poétique au Musée national d’Indonésie. Créateur de mode reconnu, Didiet Hediprasetyo, francophile et francophone, avait demandé à plusieurs designers et jeunes créateurs de mode indonésiens de créer un parcours intitulé L’Art botanique du Paradis. Exposition de batiks, œuvres d’art contemporaines disposées dans le jardin du musée récemment rénové, pièces agencées de meubles design, de tableaux contemporains et de photos… une belle respiration montrant la force de la création indonésienne qui a beaucoup plu à l’épouse du président français, qui a salué un lieu incroyable qui mêle la pierre, le végétal, le design.
Le soir, le couple présidentiel français s’est retrouvé pour un dîner d’État donné par Prabowo Subianto, durant lequel ce dernier a tenu à souligner « la relation spéciale avec la France » que lui et sa famille ressentaient. De son côté, Emmanuel Macron y a déclaré : « La proximité que je ressens entre nous ce soir n'est pas le fruit du hasard. 12.000 kilomètres séparent nos deux capitales métropolitaines, mais nous restons liés par le vent de l'histoire et le souffle de notre destin commun », avant de citer un proverbe indonésien en bahasa indonesia : « Sedikit-sedikit, lama-lama menjadi bukit » : peu à peu, avec le temps, devient colline. Une citation reflétant selon lui parfaitement « notre amitié qui atteint des hauteurs de plus en plus élevées ». Un peu avant, le couple présidentiel avait pu rencontrer un personnage incontournable du palais présidentiel : Bobby Kartanegara, le chat adoré de Prabowo Subianto (Lire notre article à ce sujet : « Connaissez-vous l’incontournable Bobby Kartanegara »).
Jeudi 29 mai, la délégation présidentielle s’est envolée pour Yogyakarta, berceau de la culture javanaise. Une première étape s’est déroulée à l’Académie militaire de Magelang (AKMIL), fondée au moment de l’indépendance indonésienne en 1945 pour former les officiers, dont Prabowo Subianto, qui y a étudié. Lors de cette visite, là aussi en grande pompe, avec revue des troupes, le président français a, dans un nouveau geste fort, élevé son homologue indonésien au rang de grand-croix de la Légion d’honneur. Les convois officiels ont ensuite pris la direction de Borobudur, baigné d’une magnifique lumière et jaillissant de la forêt, pour une visite du plus grand temple bouddhiste au monde. Un lieu magique pour clôturer une visite historique pour les deux pays qui se fixent comme objectif de célébrer 100 ans de relation diplomatique à l’horizon 2050. « Bersama-sama akan berhasil », a déclaré Emmanuel Macron en indonésien : ensemble nous réussirons !
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