Saint-Dié-des-Vosges s’apprête à vibrer une nouvelle fois au rythme de la géographie. Chaque automne depuis 1990, cette petite ville des Vosges devient le centre du monde… ou presque. Trois jours durant, elle accueille 40 000 festivaliers, transformant ses rues, ses salles et ses places en une immense université à ciel ouvert. Le Festival International de Géographie (FIG), c’est un rendez-vous unique : 300 intervenants, 250 événements et une effervescence intellectuelle, culturelle et gourmande. En 2025, le mot d’ordre est « Pouvoir ». Et l’invité d’honneur s’annonce aussi fascinant et méconnu en France : l’Indonésie.


Un festival pas comme les autres
Il suffit de déambuler dans Saint-Dié le premier week-end d’octobre pour comprendre. Sur la place centrale, des stands proposent des spécialités venues d’ailleurs ; dans les librairies éphémères, on croise autant d’étudiants curieux que d’universitaires chevronnés. Ici, une conférence sur la géopolitique des océans ; là, un atelier pour enfants sur la cartographie. « C’est la magie du FIG : la géographie sort des amphis et s’invite dans la vie quotidienne », sourit une habituée venue de Nancy.
Cette année, le thème du pouvoir promet des débats passionnants. Qui tient les rênes de l’ordre mondial ? Quels contre-pouvoirs émergent face aux États et aux géants du numérique ? Mais aussi : qu’est-ce que nous pouvons, nous, citoyens, pour agir sur nos territoires et inventer un futur plus durable ?
L’Indonésie, un géant discret qui intrigue
Difficile de trouver pays plus approprié que l’Indonésie pour incarner cette réflexion. Avec ses 275 millions d’habitants et ses 18 000 îles qui s’étendent sur trois fuseaux horaires, l’archipel est un colosse souvent oublié des cartes mentales européennes. Et pourtant, il est partout : plus grand archipel du monde, première économie d'Asie du Sud-est, premier exportateur mondial d’huile de palme et de nickel, carrefour stratégique entre l’océan Indien et le Pacifique, quatrième population mondiale.
« C’est un géant silencieux », écrit l’historien David Van Reybrouck. Le FIG entend briser ce silence et offrir aux visiteurs un autre regard que les clichés de surf à Bali. Ici, il sera question du déménagement titanesque de la capitale de Jakarta vers Nusantara, de la montée des eaux qui menace les côtes, mais aussi de la richesse culturelle et religieuse d’un pays qui se résume dans sa devise : « l’unité dans la diversité ».
À travers le prisme du pouvoir, l’Indonésie se dévoile comme un terrain d’étude exceptionnel. Pouvoir politique d’abord : celui d’un État qui doit maintenir l’équilibre entre Java, cœur démographique et économique, et les îles périphériques où montent parfois les contestations, comme en Papouasie. Pouvoir géopolitique ensuite, alors que le pays cherche à affirmer sa place en Asie et dans le monde, entre Chine et États-Unis. Pouvoir économique enfin, incarné par ses ressources naturelles et par une jeunesse ultra-connectée qui bouleverse les habitudes de consommation et de gouvernance.
Des invités de prestige pour un rendez-vous exceptionnel
Le Festival International de Géographie ne serait pas le même sans ses invités de renom, qui enrichissent chaque édition de leur savoir et de leur créativité. En 2025, le salon du livre du FIG aura l’honneur d’accueillir comme président l’écrivain indonésien Eka Kurniawan. Né en 1975 à Java, il a grandi auprès de ses grands-parents, nourri par les contes et les récits radiophoniques qui ont éveillé son goût de la littérature. Plus tard, étudiant en philosophie à Yogyakarta, il découvre les grands auteurs au marché aux puces. Son premier roman, Les Belles de Halimunda (2002), traduit en plus de trente langues, a fait de lui l’une des voix les plus puissantes de la littérature contemporaine indonésienne.
Tables rondes : explorer l’Indonésie sous toutes ses facettes
Les tables rondes promettent des échanges passionnants autour de la complexité indonésienne. Dans « L’unité dans la diversité », l’historien Rémy Madinier et Eka Kurniawan reviendront sur la construction de cet État-nation immense, où se mêlent héritages territoriaux, pluralité religieuse et identités hybrides. Dans « Religion et pouvoir en Indonésie », Rémy Madinier analysera le Pancasila, compromis unique au monde qui reconnaît six religions tout en maintenant un fragile équilibre face aux tensions de l’islam politique. Les festivaliers pourront aussi découvrir les coulisses du tourisme comme révélateur des inégalités, habiter le volcan Merapi à travers les récits d’Édouard de Bélizal, ou encore parcourir l’histoire de l’Indonésie en 40 cartes avec le géographe Fabrice Argounès.
Des conférences : plonger dans les dynamiques sociales et culturelles
Les conférences permettront d’approcher l’Indonésie par le quotidien de ses habitants. Le géographe Thoriq Abdullah décrira la lutte des chauffeurs de minibus et des vendeurs ambulants pour trouver leur place dans les rues saturées de Jakarta. Quant à Jérôme Samuel (INALCO), il s’intéressera aux recompositions linguistiques d’un pays où l’indonésien s’impose face à plus de 700 langues régionales, posant la question délicate de l’équilibre entre unité nationale et diversité culturelle.
Cinemas, ateliers
Les films Une femme indonésienne et La promesse verte feront partie des projections. De nombreux ateliers sont également organisés pour petits et grands.
Du 3 au 5 octobre 2025, Saint-Dié-des-Vosges promet donc une édition vibrante : un voyage en Indonésie sans quitter les Vosges, et une plongée au cœur d’une question universelle : qu’avons-nous le pouvoir de changer, ensemble, pour notre avenir ?
Pour plus d'infos, visiter le site du Festival International de Géographie.
L'association culturelle Pasar Malam basée à Paris sera présente sur le festival afin de faire connaitre ses activités et présenter ses publications (nombreux romans indonésiens traduits en français).
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